Doit-on apprendre à devenir soi-même ?

Une copie entièrement réalisée par une élève de terminale en voie générale, pour un bac blanc. Note obtenue : 16/20.

Dernière mise à jour : 11/12/2022 • Proposé par: stellouche (élève)

Généralement, on considère que l’on est soi même lorsqu’on écoute nos pensées, nos envies, notre intérieur. On associe alors tout cela à notre identité vraie. Une vérité personnelle derrière l’identité sociale que l’on associe à nous lorsqu’on se présente. Devenir soi-même serait donc apprendre à se connaître de l’intérieur principalement avec l’autoréflexion, ou même en se heurtant à la résistance du monde extérieur. On aurait alors le sentiment de se connaître, d’avoir conscience de l’essence qui nous anime et nous différencie des autres.

Il est donc légitime de se demander si l’on doit apprendre à devenir soi-même. Ou si l’on est inévitablement et depuis toujours soi-même sans forcément le savoir. Il est juste de se demander si se connaître constitue un besoin ou simplement une envie. Et si être soi-même passe par une certaine évolution, un apport de connaissances et d’expériences qui constitueraient doucement notre identité. Parce que le « soi-même » serait notre identité intérieure si l’on la cherchait. On peut alors se questionner pour savoir s’il est nécessaire à l’homme de connaître son intérieur, conscient ou inconscient, pour être réellement soi-même. Nous verrons donc d’abord qu’il y a un apprentissage derrière la découverte de soi. Puis nous expliquerons qu’il est impossible d’apprendre à le devenir puisque ce soi n’existe peut-être même pas.

I. La découverte de soi est un véritable apprentissage

Lorsqu’on parle d’apprendre à devenir soi-même, on envisage de trouver un accès à notre intérieur. Un intérieur qu’on associait à notre caractère, à ce qui nous anime, ce qui nous différencie des autres. Cela nous amènerait alors inévitablement à prendre conscience de soi, de tout ce qui se passe en nous, et des raisons qui motivent nos actes et nos réactions. Pour ce faire, il faudrait examiner chacun des actes de l’homme, une autoréflexion sur la manière dont on aborde la vie. Ce serait accéder à une complète compréhension de notre conscience. Descartes considère l’homme comme une substance pensante. La substance qui constitue alors le fond de l’être humain derrière ses propriétés visibles. Apprendre à devenir soi-même serait donc trouver au fur et à mesure cette substance. Mais comme dans toute découverte, il faut s’assurer de la crédibilité de celle-ci.

Cette notion de substance doit devenir un principe, une vérité générale pour valider la découverte du soi. Il faut donc éliminer tout mensonge, tout flou autour de ce que l’on considère comme notre identité. Confronter cet intérieur au doute absolu supprimerait toute interférence ou erreur extérieure. Ne ressortirait de ce doute que la certitude d’être, de penser. Et donc la possibilité de devenir fidèle à cette pensée, en étant totalement conscient de cette substance psychique. On ne considérerait donc conscient que ce qui est tellement ancré en nous que nous en sommes immédiatement connaissant. Pourtant, cette idée de devenir soi-même au cours du temps regrouperait aussi l’inconscient. Cet inconscient qui au sens général est seulement quelque chose qui attend d’être découvert, et qui peut donc être conscient à tout moment. Devenir soi-même serait donc un apprentissage de toute une vie.

II. Mais le soi est une idée faussée dans son concept

Toutefois, pour apprendre à devenir soi-même et donc savoir être fidèle à son identité, il faut créer cette idée de notre identité. Le concept d’identité consiste à apposer une série de propriétés à l’homme. L’homme deviendrait alors le support de nombreuses propriétés. Or l’homme n’est pas un objet et chacune des propriétés qu’ont lui attribuerait sont sensorielles. Et si l’on suit cette idée, on en vient à considérer l’homme comme les matérialistes le font. Ses pensées que l’on attribuait à une conscience psychique deviennent alors seulement le résultat de la matière cérébrale. Le corps humain devient notre source, notre essence de vie. La conscience devient la suite de nos expériences sensorielles. Il devient impossible d’apprendre à connaître ses expériences ; le soi n’existe pas.

De plus, si l’on cherche une explication plus dense de cette absence de métaphysique, Freud nous dit que nous ne sommes ni une série de propriétés ni une suite d’expériences sensorielles, ni une substance psychique ; nous sommes un ensemble de pulsions. Apprendre à devenir soi-même devient alors vouloir connaître et contrôler ces pulsions. Or les pulsions sont par définitions non des choses à conceptualiser, verbaliser ou comprendre, elles sont naturelles. Elles sont inconscientes au sens Freudien. Freud parle de trois formes d’inconscient. Il y a tout d’abord le ça qui regroupe les pulsions sexuelles-agressives. Puis il y a le « sur moi » qui est la répression, le refoulement, la censure de ces pulsions. Et finalement, il y a le « moi » qui est le phénomène de transformations de ces pulsions en des comportements moralement et socialement acceptables. L’identité qui est donc au centre de la connaissance du soi, est remise en question. Rendant la tâche d’apprendre à devenir soi-même obsolète puisque fausse dans son concept.

III. Même s'il était une réalité, le soi est insaisissable

On peut toutefois tenter de contredire cette destruction de l’identité et cette impossibilité d’y accéder, grâce à l’hypnose par exemple. En effet, l’hypnose serait un moyen d’accéder et donc conceptualiser les pulsions les plus cachées et profondes des hommes. Cette pratique passe toutefois obligatoirement par une verbalisation. Or si l’on suit la logique de la définition de « soi-même », son accès ne doit pas être pervertis mais doit-être immédiat. Donc bien qu’il soit possible de douter de la théorie de Freud, et de croire fermement à l’existence d’une identité ou d’un soi-même ; l’accès véridique semble être compliqué. Lors d’une auto réflexion, on ressent comme une sorte de dédoublement de notre personne. Comme si lorsque l’individu réalise qu’il y a un intérieur qui agit, il introduisait un petit rien en lui, lui permettant d’être spectateur de lui-même. Si cette pratique suppose un soi, Humes nous dit que durant celle-ci, il n’est possible de voir que la représentation du soi que l’on se fait. Apprendre à devenir soi-même deviendrait alors tenter de s’éloigner des représentations que l’on considère vraies, et devenir objectif. Mais cette objectivité totale semble inaccessible par définition à l’homme. L’homme qui se représente le monde et chaque chose qui le compose à sa façon. Tout n’est pour lui qu’une question de perspective ou perception. Apprendre à devenir soi-même n’est donc plus un besoin ou une envie, mais seulement une utopie.

Toutefois si l’on veut croire à une possible objectivité de l’homme, on se heurte à un problème indiscutable : l’instabilité du moi. Un exemple concret de ce phénomène est le bateau de Thésée, qui montre clairement que l’évolution d’une identité est constante et contenue. Accéder à une connaissance de soi devient impossible. De plus, l’identité au sens courant du terme, semble être un moyen de lier différents éléments ensemble. Et bien qu’il soit impossible à l’homme d’aborder la vie sans croire à un soi profond, Hume nous explique que cette unité qu’on accorde à notre intérieur est fausse. Les éléments qui constituent l’essence de cet intérieur évoluent beaucoup trop vite pour pouvoir prétendre les comprendre et apprendre à les connaître. Le mouvement rapide et continue qu’on associe aux éléments qui constitueraient notre identité empêche tout « soi » d’exister clairement.

Conclusion

En définitive, si la manière dont l’homme ressent l’expérience de la vie semble inclure un « soi » stable. L’impossibilité d’y accéder réellement semble elle indiscutable. Il serait donc finalement impossible d’apprendre à devenir soi-même sans se fourvoyer sur le principe de notre existence. Si un besoin de se connaître et se comprendre pour s’être fidèle tend à animer les hommes, apprendre à devenir soi-même dépasse la capacité humaine ou peut-être la réalité de l’existence.