Doit-on apprendre à être libre ?

Plan en trois parties: I) l'homme naît-il libre II) rapport éducation/liberté III) sommes nous vraiment libre. Dissertation d'un élève de terminale ES.
Note obtenue : 13/20.

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: bonjour999 (élève)

En affirmant que "l'existence [de l'Homme] précède l'essence", Sartre montre que l'Homme est libre quoi qu'il arrive dans sa vie et/ou dans la société. Je peux tomber malade mais je peux choisir comment je vais réagir à cette maladie, en tombant par exemple dans la "mauvaise foi". De plus ,ce que l'Homme fait est plus important que ce qu'il est. Et ce qu'il fait, il aurait aussi bien pu le faire que ne pas le faire. Ainsi, je peux rester chez moi au lieu de passer le Baccalauréat, ou l'inverse, mais dans tout les cas je suis libre de le faire ou de ne pas le faire. Mais cette liberté dont parle Sartre est-elle vraiment si évidente que cela? De quoi s'agit-il? Est-elle propre à l'Homme? Et est-elle inhérente à lui-même ou bien s'agit-il d'une qualité (universelle ou non, c'est à dire propre à une société, une civilisation, une ethnie comme peux l'être une langue) qui se répand à travers la culture et la société en général, et l'éducation en particulier? Pour y répondre nous montrerons tout d'abord que l'Homme naît libre, avant d'étudier le rapport entre l'éducation et la liberté; et, à la lumière de cette opposition, nous nous demanderons si nous sommes vraiment libres.

Tout d'abord, qu'est ce que la liberté et naît-on libre?

Premièrement, la liberté peut être définie comme l'absence de contraintes. C'est la licence (du latin "licet" qui signifie "il est permis de" et qui donne en français "licite"). Ainsi, je suis libre de faire tout ce qu'il me plait, sans règles ni normes, suivant mon désir interne. Je peux frapper mon voisin si cela me convient et tuer ma tante si le coeur m'en dit. Callicès dans le Gorgias de Platon définit l'Homme libre à travers le modèle du tyran, les plus forts écrasant les plus faibles. Cette idée sera repris par Nietzsche au 19° Siècle (dont la soeur, admiratrice d'Hitler, réinterprétera les propos à l'avantage du nazisme) avec les faibles ("dégénérés") et les forts pour la vie. Si, donc, la liberté c'est être le plus fort et dominer les autres, il apparaît que chacun, dès la naissance et dès qu'il en a les capacités physiques, peut être "libre".
Cependant, avec Jean Paul Sartre, grand philosophe du 19° Siècle reçu premier à l'agrégation de philosophie et cofondateur, après la seconde guerre mondiale, des journaux Libération et Les Temps modernes, on peut supposer et définir une autre conception de la liberté. Pour Sartre, la liberté est extrêmement important dans son oeuvre (L'Etre et le néant, etc) et fait partie de la condition humaine. "L'Homme est condamné à être libre" écrit-il. Par cette contradiction apparente, il affirme que la liberté est la condition même de l'Homme. Il peut aussi bien choisir d'être libre ou de ne pas être libre. Dans tout les cas, il est libre et le restera jusqu'à sa mort (il peut même choisir de mourir).
Enfin, et d'après Socrate, philosophe de la Grèce Antique qui recherchait les contradictions de ses contemporains, la vie de l'Homme libre selon Calliclès, à cause de son intempérance, consiste à remplir indéfiniment un tonneau percé. Cela signifie que vivre selon ses désirs de domination - désirs vains selon la classification d'Epicure- cela ne mène à rien, c'est se rendre esclave de ses désirs. Socrate est cité par Platon car il vivait sa philosophie, ne la commentait pas, ne l'écrivait pas (c'est pour cela qu'il peut être considéré comme un sage au même titre que Bouddha et Jésus d'après Luc Ferry, philosophe contemporain qui a traduit entre autres des mythes grecs pour les rendre accessibles au plus grand nombre, notamment le jeune public).

Ainsi, la liberté peut être envisagée comme naissant avec l'Homme ("les homme naissent libres et égaux en droit" affirme aussi la Déclaration Universelle des Droits de l'homme et du Citoyen). Mais est-elle vraiment naturelle, ne s'agit-il pas d'une construction de l'Homme et de la société?
Dans la célèbre allégorie de la caverne de Platon, les Homme sont comme des prisonniers, condamné à voir des ombres portés sur les mur de la caverne. Il considèrent ces ombres comme la réalité, ne savant pas que ce sont bel et bien des ombres. Et si quelqu'un (rôle de l'éducateur) les déplace, les élève, pour leur faire voir le Soleil (représentation de la réalité, de Vrai pour Platon, c'est le monde des Idées par opposition au monde des sens), il ne l'accepteront pas et retourneront vivre prisonniers de leur vie sensible. Pour Platon, changer de regard est le travail du philosophe. Les prisonniers sont victimes de leur préjugés, il ne sont pas libre d'aller où ils veulent, ils sont enchainés dans leur caverne (qui peut symboliser le repli dans ses préjugés). On peut aussi dire que c'est le travail de la société, à travers notamment l'éducation et la raison, de libérer l'Homme de ses opinions préconçus et toutes faites.
Ainsi, le monde sensible nous trahirait et nous priverait de notre liberté. C'est aussi l'avis de René Descartes, philosophe du 17° Siècle, représentant du courant rationaliste (par opposition à l'empirisme). Pour Descartes, il faut "dresser ses passions", de la même manière que l'on dresse un animal (considérés par le philosophe comme une machine, c'est à dire sans raison donc sans liberté de conscience; les animaux ne sont donc pas libres). Par "passions", il faut donc entendre chez Descartes tout ce qui se rapporte au sens et qui est contraire à la raison. Cette raison fait tout la dignité de l'Homme, toute sa valeur, tout sa liberté (de penser,...) Donc plus on fait confiance à sa raison - qui est universelle-, plus on est libre selon Descartes. Et c'est le rôle de l'éducation d'enseigner à raisonner, de se libérer de ses passions et d'entrer dans le monde de Idées.
Enfin, les illusions privent l'Homme de sa liberté. L'illusions se distingue de l'erreur par la part de désir qu'il y a en elle. Il apparait donc comme important de maîtriser ses désirs par la connaissance, mais sans les réprimer car il y a un risque de névrose (pour Freud, père de la psychanalyse). Dès lors, comment s'y prendre? On peut établir une classification des désirs avec Epicure: désirs naturel et nécessaires (manger, se loger et la philosophie); désir naturels mais non nécessaires (manger de bon mets), désirs vains. De plus, la métriopathie ( de "metrio", mesure) d'Epicure permet de choisir raisonnablement, rationnellement, si un désir est vraiment source de bonheur (comparaison désirs et conséquences de ces désirs). On peut aussi sublimer ses désirs avec Freud et Nietzsche, c'est-à-dire élever le désir de façon plus morale (par exemple, remplacer l'idée de rancune par l'idée de pardon -la "grâce")

L'Homme deviendrait donc libre en s'élevant vers le Raison, universelle, libéré de ses "passions" et de ses désirs. Mais l'Homme est-il vraiment libre?
Tout d'abord, la liberté suppose la responsabilité. En effet, être responsable de ses actes, c'est être libre de faire ou de dire une chose et de l'assumer. Si je casse un vase de Chine, je le repaye. Mais l'Homme est-il vraiment responsable de lui-même? Le responsabilité sous entends la conscience de soi, c'est-à-dire d'être "un", "unique" et de rester le même (ipseité). Pour Hume - qui est empiriste c'est à dire considérant que la connaissance peut être basée uniquement sur l'expérience- il n'y a pas ces trois conditions. En effet, je ne peux me saisir moi-même, lorsque je regarde mon "moi", je ne saisit que des perceptions diverses et variées. Il n'y a ni unité à un moment ni identité à différents moments.
Cependant, pour Kant, bien que le "moi" n'existe pas, il faut sauver la morale. Si j'insulte quelqu'un, je m'excuse si je suis bien éduqué et si je suis "moral". Mais si je ne suis pas pas "moi" (c'est à dire "un", etc...), je n'ai plus de responsabilité à avoir: ce n'est pas moi qui est insulté, mais mon inconscient (par exemple). Kant distingue donc les phénomènes ("ce qui apparait" en grec) des noumènes (trois inconnues dont le moi, et la liberté: suis-je autonome ou hétéronome?).
Enfin, pour le philosophe Baruch de Spinoza, l'Homme est déterminé par son corps. Les désirs qui s'enracinent dedans le privent de liberté. Par exemple, une pierre qui roule, si elle avait un conscience, se verrait rouler et se dirait donc : "tiens, si je roule, c'est à cause de moi"). De plus, un enfant qui boit du lait croit le boire par sa propre volonté alors que c'est son corps qui le lui demande. Mais, on pourrait opposer à Spinoza le fait que si la pierre avait des bras et des jambes, elle pourrait s'arrêter ou changer de direction.

Ainsi, la liberté de l'Homme semble fragile et incertaine par l'existence de sa conscience même. Mais, il apparaît tout de même qu'il est plutôt libre, plus (Sartre) ou moins (Spinoza) selon les philosophes. On pourrait aussi remarquer que, dans les dictatures (comme la Russie ou autrefois la Libye), la liberté semble encore plus fragile. Mais, lorsque ces régimes totalitaires s'effondrent - ce qui semble le cas de plus en plus aujourd'hui (pensons au Printemps arabe)- la liberté a pour les peuples autrefois opprimés une saveur inégalée.