Victor Hugo, Les Contemplations - I, I: À ma fille

Analyse linéaire, pour l'oral du bac français.

Dernière mise à jour : 07/07/2023 • Proposé par: Valenpgn21 (élève)

Texte étudié

Ô mon enfant, tu vois, je me soumets.
Fais comme moi : vis du monde éloignée ;
Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.
-- Résignée ! --

Sois bonne et douce, et lève un front pieux.
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l'azur de tes yeux
Mets ton âme !

Nul n'est heureux et nul n'est triomphant.
L'heure est pour tous une chose incomplète ;
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous, -- destin morose !
Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas !
Peu de chose.

[...]

Cette loi sainte, il faut s'y conformer.
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !

Victor Hugo, Les Contemplations - I, I

Le XIXe siècle est le siècle du romantisme, un mouvement venu d’Allemagne qui prône l’expression des sentiments tels que la rêverie, l’amour, la nature, la mort. Parmi les auteurs de ce mouvement, Victor Hugo publie Les contemplations en 1856, mais son écriture s’étend de 1830 à 1854. Le recueil est divisé en deux parties “Autrefois” et “Aujourd’hui” dont la transition se situe en 1843, date de la mort accidentelle de Léopoldine, la fille du poète, qui marquera à jamais son œuvre poétique. Le poème “À ma fille” a été écrit par Victor Hugo en octobre 1842 à Paris. Celui-ci est situé dans le livre I de la partie 1 intitulé “Aurore”. Ce livre se concentre plus particulièrement sur la jeunesse de l’artiste, son goût précoce pour l’écriture et ses premiers émois amoureux.

Enjeu: l’enjeu de ce texte est de formuler une leçon de vie à sa fille de la part du poète. Il exprime à sa fille son amour, sa sagesse et ses conseils et l’invite à comprendre le monde et reconnaître ses deux côtés : sombre et éclairé.

Problématique: Comment Victor Hugo utilise-t-il la poésie pour guider sa fille à acquérir le vrai bonheur et en quoi ce poème est-il un moyen de renouveler le regard sur le bonheur et la gloire ?

Ce texte peut être divisé en trois mouvements. Tout d’abord dans les trois premières strophes, on peut voir le discours d’un père à son enfant. Ensuite dans la prochaine strophe cette leçon de vie prend une tournure universelle, Victor Hugo élargit ses conseils à tous les hommes. Pour finir, dans la dernière strophe, Victor Hugo utilise un aphorisme afin d’exprimer son opinion et retourne à l’intime.

I. 3 premières strophes: le discours d’un père à son enfant

Le poème “À ma fille” débute par l’apostrophe “ô” qui évoque le chant intime entre Victor Hugo et sa fille Léopoldine. Ce chant est renforcé par l’utilisation du possessif “mon” et du mot “enfant” rendant le discours affectif. Le rythme ternaire du vers montre une certaine solennité dans les propos du poète, car celui-ci ralentit le texte. Dans ce même vers, un dialogue s’installe entre les deux personnes. En effet l’utilisation des pronoms personnels “tu” et “je” montre une symétrie dans les propos et installe un dialogue qui continuera tout au long du texte. Dans ce vers, Victor Hugo se donne à sa fille, il se “soumet” et essaye de lui montrer l’exemple. En effet, dans le vers suivant, le poète utilise l’impératif à deux reprises avec “fais” et “vis”, celui-ci se fait guide de sa fille, il lui donne des ordres et décide d’être le modèle sur qui elle s’inspirera. Aux vers 3 et 4, la ponctuation est expressive, ce qui ancre le discours dans le présent. Cette implantation est consolidée par les questions rhétoriques qui ponctuent ces deux vers. Victor Hugo se demande si sa fille est heureuse dans sa vie avant d’affirmer qu’elle est résignée, humble.

Dans la seconde strophe, Victor Hugo use encore une fois de l’impératif afin de conseiller sa fille. Il l’incite religieusement et lui demande de redresser la tête en signe de piété. Au vers 6, celui-ci compare sa fille à la lumière qui éclaire la nuit avec l’expression “comme le jour dans les cieux met sa flamme” et lui demande de se livrer tout entière à son père. En effet, il l’interpelle et la singularise avec le pronom personnel “toi” qui la met en avant par rapport aux autres. Victor Hugo cherche aussi à montrer la sensibilité de sa fille et de son regard avec “l’azur de tes yeux”, elle donne au monde quelque chose de particulier grâce à cette lumière qu’elle donne au monde. Dans le dernier vers de cette strophe, l'artiste cherche encore à inciter Léopoldine avec l’utilisation de l’impératif “mets ton âme” et la ponctuation expressive qu’il utilise.

Dans la troisième strophe, Victor Hugo répond à ses questions des premiers vers grâce à un parallélisme de construction “nul n’est heureux et nul n’est triomphant”. Ce vers est aussi composé de nombreuses négations comme avec le pronom négatif indéfini “ne” contracté en “n’” et l'adjectif indéfini “nul”. Dans le vers suivant, le poète utilise le présent de vérité générale afin d’affirmer que la vie est incomplète. Il change aussi de pronom en utilisant “tous” pour commencer son glissement vers tous les hommes qu’il continuera aux vers suivants. Par exemple dans le vers suivant il utilisera le pronom “notre” qui suggère la perte de “mon”. Celui-ci compare aussi le temps de la vie à l’ombre afin de montrer que la fuite du temps nous amène fatalement vers la mort : c’est le destin.

Bilan 1er mouvement: Dans ce mouvement, Victor Hugo donne des conseils à sa fille pour vivre sa vie de la meilleure des façon. C’est un véritable discours qui s’installe entre la fille et son père, mais qui va très vite s’ouvrir à tous les hommes.

II. 4e strophe: une leçon de vie universelle

Le deuxième mouvement s’ouvre avec une vérité générale que déclame le poète “oui, de leur sort, tous les hommes sont las” afin de rendre ses propos universels avec le pronom “tous”. Le poète devient pessimiste et voit le négatif partout. En effet, il utilise une ponctuation expressive et des expressions suggérant le côté négatif de la vie telles que “destin morose” et des hyperboles telles que “tout a manqué” afin de montrer aux hommes la réalité du monde qui les entoure. Il utilise aussi une antithèse pour renforcer ce côté négatif “tout, peu de chose” et l’interjection “hélas” qui marque le regret et l’aspect tragique de la vie qui passe.

Bilan 2e mouvement: Dans ce deuxième mouvement, Victor Hugo cherche à étendre sa leçon de vie à tous les hommes afin de les instruire et de leur montrer les réalités qui pèsent sur le monde à l’époque.

III. Dernière strophe: un retour à l'intime

Dans la dernière strophe, Victor Hugo développe un aphorisme qui est une phrase courte et concise qui exprime une vérité générale ou une opinion tranchée. En effet, il utilise l’impératif afin de donner des ordres et de montrer la nécessité de ses propos. Il cherche aussi à écrire sa loi sainte qu’il explique dans les derniers vers “ne rien haïr, mon enfant; tout aimer ou tout plaindre” et retourne ainsi à l’intime avec le pronom “mon”.

Bilan 3e mouvement: dans ce dernier mouvement, Victor Hugo réalise une vraie loi qu’il va chercher à expliquer à sa fille, mais aussi à tous les hommes, car il considère que c’est une nécessité pour le monde.

Conclusion

Ce poème est perçu comme une dédicace à l’enfant aimé. Il s’agit du poème inaugural d’un recueil testament ou Victor Hugo donne une leçon à sa fille. Le poème dépasse le discours intime et s’ouvre à une leçon de vie universelle : celle de l’amour universel, celui de la religion qu’il décline tout au long du recueil. Le fait que ce poème ouvre le recueil montre bien que Léopoldine sera très présente tout au long du recueil.