Victor Hugo, Les Contemplations - I, XII: Vere Novo

Commentaire composé en deux parties.

Dernière mise à jour : 13/12/2021 • Proposé par: viktor (élève)

Texte étudié

Comme le matin rit sur les roses en pleurs!
Oh! les charmants petits amoureux qu'ont les fleurs!
Ce n'est dans les jasmins, ce n'est dans les pervenches
Qu'un éblouissement de folles ailes blanches
Qui vont, viennent, s'en vont, reviennent, se fermant,
Se rouvrant, dans un vaste et doux frémissement.
Ô printemps! quand on songe à toutes les missives
Qui des amants rêveurs vont aux belles pensives,
A ces coeurs confiés au papier, à ce tas
De lettres que le feutre écrit au taffetas,
Au message d'amour, d'ivresse et de délire
Qu'on reçoit en avril et qu'en mai l'on déchire,
On croit voir s'envoler, au gré du vent joyeux,
Dans les prés, dans les bois, sur les eaux, dans les cieux,
Et rôder en tous lieux, cherchant partout une âme,
Et courir à la fleur en sortant de la femme,
Les petits morceaux blancs, chassés en tourbillons
De tous les billets doux, devenus papillons.

Victor Hugo, Les Contemplations - I, XII

Victor-Marie Hugo : écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est l'un des plus grands écrivains français et repose au Panthéon depuis le lundi 1er juin 1885. Son œuvre est très diverse : romans, poésie lyrique, drames en vers et en prose, discours politiques à la Chambre des Pairs, correspondance abondante.

Les Contemplations est un recueil de 158 poèmes rassemblés en 6 livres que Victor Hugo a publié en 1856. La plupart des poèmes ont été écrits entre 1841 et 1855, mais les plus anciens datent de 1834. C'est un recueil d'inspiration autobiographique, écrit après la mort de Léopoldine, la fille du poète, et considéré comme le chef-d' œuvre lyrique de Victor Hugo. Les Contemplations sont un recueil du souvenir, de l'amour, de la joie mais aussi de la mort, du deuil et même mystique.

Ce poème se situe dans "Aurore", le premier livre des Contemplations, dans lequel Hugo évoque sa jeunesse, ses premiers émois, son émotion devant la beauté de la nature. Le poème contient 18 alexandrins. Les rimes y sont suivies et du type AA, BB. Ex : « missives, pensives ; tas, taffetas ». Le titre, « vere novo », signifie « Au début du printemps ».

I. Le printemps

a) Le printemps, le réveil la nature

Hugo mentionne la naissance du jour: « Comme le matin rit sur les roses en pleurs ! ». Antithèse entre « rit » et « en pleurs ». « roses en pleurs » évoque la rosée du matin. « rit » évoque le bonheur.

« Qui vont, viennent, s'en vont, reviennent, se fermant »: cet alexandrin très coupé souligne l'agitation des petits papillons. On a de l'effervescence, de la vie avec les oppositions « vont » / « s'en vont » : « viennent / reviennent ». Ce ne sont pas vraiment des antithèses, mais plutôt des reprises qui marquent le retour, ainsi que le cycle de vie de ces papillons.

b) Une belle nature

Le poète est en admiration devant la nature qui l'émeut. On peut ainsi relever le champ lexical de la nature, qui contient des connotations mélioratives . On peut relever également les exclamations, comme dans « Ô printemps ! », ce qui équivaut à des louanges.

On a une évocation du printemps : les papillons, les fleurs « jasmins » ; « pervenches » … Tout est beau et délicat. « Éblouissement de folles ailes blanches » donne une sensation de légèreté et de lumière. les papillons semblent être des anges.

Le poète livre ainsi ses impressions de promeneur, ému par la beauté de la nature.

c) La saison des amours

Parallèlement à cette douce nature, le printemps est synonyme d'amours. Le printemps marque en effet le renouveau de la nature riante mais est aussi saison des amours. On retrouve par ailleurs l'analogie traditionnelle entre la fleur et la femme.

On a un glissement de la nature aux amants, la nature étant un lieu propice aux amants. On a encore des connotations très mélioratives dans « charmants petits amoureux qu'ont les fleurs! » avec « charmants » ; « petits ».

II. Amants le temps du printemps

a) Les amoureux

On est dans un monde onirique « amants rêveurs vont aux belles pensives »: « rêveurs / pensives ». On peut relever le champ lexical des amoureux: « ces cœurs » ; « message d'amour » ; « des amants » ; « belles »… « On croit voir s'envoler, au gré du vent joyeux »: les amoureux se sachant aimés se sentent pousser des ailes (comme les petits papillons) et ont ainsi la liberté, le bonheur... Cette jolie association est très poétique..

Les amoureux qui s'écrivent des lettres: « d'ivresse et de délire » (gradation). On a une sincérité, une fougue des amants. Leur amour semble très fort. Mais ces amours ne amours ne durent pas plus d'un mois: « Qu'on reçoit en avril et qu'en mai l'on déchire ». Ces amours sont éphémères mais restent beaux.

b) La nature et les amants

Le poème commence par l'évocation des papillons (« charmants petits amoureux qu'ont les fleurs ! »). On a ensuite évocation des missives : « toutes les missives » ; « A ces cœurs confiés au papier » ; « De lettres que le feutre écrit au taffetas » qui évoque les lettres d'amour. On peut noter que les « papillons » sont aussi des petits textes: l'enjambement « ce tas / De lettres » met en relief la surprise voulue par le poète.

Enfin, on a le retour des papillons, avec « De tous les billets doux, devenus papillons ». Les lettres déchirées se mêlent à la nature, les « petits morceaux blancs » deviennent des papillons, et participent ainsi aussi au printemps. Printemps, amoureux et nature se retrouvent l'espace d'une saison.

On a une agréable fantaisie du poète qui joue sur les mots, sur les sens, avec des liens très poétiques entre les papillons, les lettres d'amour.

Conclusion

Ce poème est un hymne au printemps de la nature qui est aussi celui des êtres humains, qui sont amants. L'amour naît au printemps, et dure le temps du printemps.