Victor Hugo, Les Contemplations - I, XIX: Vieille chanson du jeune temps

Commentaire en classe de seconde en deux parties.

Dernière mise à jour : 07/12/2021 • Proposé par: istpol (élève)

Texte étudié

Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.

J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son oeil semblait dire: " Après ? "

La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, et l'air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.

Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
" Soit ; n'y pensons plus ! " dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.

Victor Hugo, Les Contemplations - I, XIX

Victor Hugo a publié en 1856 Les Contemplations, recueil de poèmes organisé en deux grandes parties, Autrefois et Aujourd’hui. Vieille Chanson du jeune temps, daté de 1831, est extrait du livre premier d’Autrefois, appelé Aurore, qui est le livre de la jeunesse dans lequel Victor Hugo évoque ses souvenirs de collège et ses premiers émois amoureux.

Ce poème, écrit en vers, raconte sur un ton lyrique et élégiaque, une promenade de Victor Hugo, alors âgé de 16 ans, avec une jeune femme de 20 ans, dans une nature vivante et verdoyante. A travers ce poème, Victor Hugo traite d’un thème universel, celui de l’éveil à l’amour et utilise tous les ressorts du romantisme : le culte du sentiment amoureux, le culte de la nature et le « moi » comme source d’inspiration.

Dans un premier temps, nous envisagerons le lyrisme amoureux et sensuel à travers l’idéalisation de la femme et de la nature qui mène à une communion entre elles, puis nous verrons que l’évocation de ce souvenir crée chez le poète un regret qui résulte de sa propre contemplation.

I. Le lyrisme amoureux et sensuel

a) L’idéalisation de la femme

Rose est élégante (« droite sur ses hanches ») ; elle est belle (« son bras blanc » fait référence aux canons de beauté de l’époque où la peau devait être la plus blanche possible) ; elle est délicate (« son petit pied »). Elle agit avec beaucoup de sensualité et d’émotions, entre assurance et hésitation (« leva son bras tremblant », « d’un air ingénu »), entre sourires et soupirs (« la voyant parfois sourire et soupirer quelquefois »). Elle parle avec les yeux (« son œil semblait dire "Après ?" »). Tout est évoqué, rien n’est dit.

b) Le culte de la nature

La nature est riche (« des fleurs, des arbres », « la rosée », « le taillis, ses parasols », « les rossignols », « les merles », « une mûre aux branches », « une eau pure »). Elle est pure, elle est douce. Elle est personnifiée (« la nature amoureuse ») et semble intervenir aux côtés de Rose (« Une eau courait », « la nature amoureuse dormait »). La nature est généreuse (« la rosée offrait ses perles ») et sensuelle (« sur les mousses de velours »).

c) Une communion entre la femme et la nature

Rose et la nature semblent n’être qu’une seule et même personne. La jeune femme porte le nom d’une fleur. Elle est décrite physi

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