Victor Hugo, Les Contemplations - I, III: Mes deux filles

Commentaire composé en deux parties.

Dernière mise à jour : 09/12/2021 • Proposé par: viktor (élève)

Texte étudié

Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,
L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,
Belle, et toutes deux joyeuses, ô douceur !
Voyez, la grande sœur et la petite sœur
Sont assises au seuil du jardin, et sur elles
Un bouquet d’œillets blancs aux longues tiges frêles,
Dans une urne de marbre agité par le vent,
Se penche, et les regarde, immobile et vivant,
Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,
Un vol de papillons arrêté dans l'extase

Victor Hugo, Les Contemplations - I, III

Victor-Marie Hugo : écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est l'un des plus grands écrivains français et repose au Panthéon depuis le lundi 1er juin 1885. Son œuvre est très diverse : romans, poésie lyrique, drames en vers et en prose, discours politiques à la Chambre des Pairs, correspondance abondante.

Les Contemplations est un recueil de 158 poèmes rassemblés en 6 livres que Victor Hugo a publié en 1856. La plupart des poèmes ont été écrits entre 1841 et 1855, mais les plus anciens datent de 1834. Recueil d'inspiration autobiographique, écrit après la mort de Léopoldine, la fille du poète, et considéré comme le chef-d’œuvre lyrique de Victor Hugo. Les Contemplations sont un recueil du souvenir, de l'amour, de la joie mais aussi de la mort, du deuil et même mystique.

« Mes deux filles » est un poème qui concerne V. Hugo, cf. le possessif « mes ». Le lecteur sait également qu'une de ses filles est décédée peu de temps après son mariage. C'est un poème court, constitué d'une strophe de 10 vers, soit un dizain. Les vers sont des alexandrins (vers hugoliens par excellence). Les rimes sont suivies, du type AABB. Ex : « « vent, vivant, vase, extase ». Il y a une alternance respectée entre les rimes féminines (qui se terminent par –e, -es, -ent) et les rimes masculines.

I. Une très douce soirée

a) Les filles de Hugo

Le titre précise que les deux personnes évoquées sont ses filles. Elles sont évoquées grâce à des comparaisons. Cf. « L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe »: oiseaux qui symbolisent la grâce et la paix. Deux oiseaux blancs qui symbolisent donc la pureté. Le lien de parenté est explicité au vers 4 « la grande sœur et la petite sœur », avec la répétition du mot « sœur » (sonorités douces).

Il y a là une image d'Épinal de ces deux petites filles: « belle » qui renvoie bien sûr à la beauté de l'enfant, « assises au seuil du jardin » et entourées de fleurs, « deux joyeuses »: elles sont donc heureuses.

b) Une atmosphère de paix

Le poète fait comprendre que les deux enfants sont dans une atmosphère paisible et sereine (Cf. le « Voyez » adressé au lecteur). L'évocation du temps : « frais clair-obscur du soir charmant » donne une connotation très positive (« Frais »: température agréable ; « charmant »).

Cette atmosphère est renforcée par l'exclamation lyrique « Ô douceur » et « extase », ainsi que les sonorités très douces.: assonance en « ai » avec « frais ; clair ; pareille ; belle », assonance en « eu » avec « deux ; joyeuses ; sœur; sœur; seuil », allitération en « s » avec « cygne » ; « douceur » ; « sœur» (deux fois), « sont » ; « assises ».

II. Le bouquet

a) Les fleurs

Les filles ont « sur elles » des fleurs. Cf. « Un bouquet d’œillets blancs aux longues tiges frêles ». L'œillet est le symbole de l'amour. Le bouquet est annoncé lors d'un enjambement.

On a l'expression de la beauté, de la pureté (« blancs ») des fleurs, ainsi que de leur fragilité « Agité par le vent » ; « frêles ». « Tiges frêles » s'oppose à « urne de marbre » qui incarne donc la solidité, la dureté.

b) Personnification du bouquet

Le bouquet est personnifié. Cf. « Se penche, et les regarde » ; « frissonne » ; « immobile et vivant » , presque un oxymore. Un autre antithèse, paradoxe ou oxymore, est « Un vol de papillons arrêté ». Le vol de papillon suggère normalement l'effervescence, l'agitation vs « arrêté ». Le poète suggère donc un arrêt sur image. Le temps semble s'être arrêté.

Polysyndète avec les « et » dans « Se penche, et les regarde » ; « Et frissonne » ; « et semble ». On a ici une surenchère du poète. On a également une comparaison qui correspond bien à l'atmosphère nocturne « semble, au bord du vase, / Un vol de papillons ».

Conclusion

Un poème dans lequel Hugo évoque (au présent) un épisode de sa vie passée. Ses deux filles, le soir, dans une atmosphère calme et sereine.