Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves - P1: Entrée à la Cour (2)

Commentaire linéaire pour un devoir maison.

Dernière mise à jour : 10/10/2022 • Proposé par: Hkiol (élève)

Texte étudié

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le Vidame de Chartres et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l’avait laissée sous la conduite de Mme de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Mme de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance ; mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée.

Cette héritière était alors un des grands partis qu’il y eût en France ; et quoiqu’elle fût dans une extrême jeunesse, l’on avait déjà proposé plusieurs mariages. Mme de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu’elle arriva, le Vidame alla au-devant d’elle ; il fut surpris de la grande beauté de Mlle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves - P1

Le 17e siècle ou «grand siècle» est une période majeure en ce qui concerne les arts, et notamment le théâtre: des noms comme Molière ou Racine n’échappent, de nos jours, à personne. Pourtant dans cette décennie de drames et de comédies naît un roman historique majeur écrit par la moraliste Mme de la Fayette avec une clarté et une simplicité propre au classicisme et qui suscitera bien des débats. Dans le roman La Princesse de Clèves, publié en 1678, mais dont l’intrigue est située à l’apogée de la renaissance française, à la cour d’Henri II, la jeune princesse de Clèves, mariée par convention, rencontre le grand amour ; ce qui engendrera chez elle un conflit moral.

Le passage proposé est un moment charnière de l’incipit du roman se déroulant avant le premier nœud de l’intrigue, après que le cadre spatio-temporel de la cour grandiose de la renaissance ait été posé, et qui verra par la suite, la première rencontre de l’héroïne et du duc de Nemours. Ici, l’héroïne, encore appelée mademoiselle de Chartres, fait sa première entrée à la Cour sous les regards admiratifs. C’est l’occasion de découvrir le rôle essentiel de sa mère.

À travers ce texte, nous verrons comment l’héroïne est mise en avant lors de son entrée à la Cour. Dans une première partie qui va jusqu’à la ligne 6, la jeune héroïne fait une entrée remarquée, ce qui permet à la narratrice de montrer l’influence de sa mère sur son éducation, de la ligne 6 à 21. Finalement, jusqu’à la fin du texte, nous observerons le portrait élogieux qui nous est dressé de Mademoiselle de Chartres.

I. L'entrée remarquée de Mlle de Chartres

Dès la première phrase, le narrateur met en avant le spectacle qu’offre Mademoiselle de Chartres lors de son entrée dans une Cour réputée.

Ainsi on peut relever la formule impersonnelle « il parut » qui crée un effet d’attente. Conjugué au passé simple, le verbe paraître est un temps du récit qui est utilisé pour une action courte, rapide et de premier plan qui suscite de la surprise. L’occurrence de l’article indéfini aux lignes 1 et 2 « une beauté » aussi nom commun est complété de l’adjectif superlatif et mélioratif « parfaite », ce qui place l’héroïne au sommet des canons d’esthétique. On remarque que la princesse représente une force d’attraction grâce au verbe « attira » employé au passé simple. Dans une description très simple de la cour à la ligne 1, l’hyperbole « tout le monde » représente la cour dans sa généralité ou seule la princesse se différencie. Le prénom indéfini « on » est inclusif, il comprend la cour, le lecteur et le narrateur lui-même. Il généralise le propos de la narratrice « on doit croire » en ligne 2. C’est une adresse de la part de Madame de la Fayette pour instruire et faire la morale aux lecteurs.

On note à la ligne 3 l’expression de la cause avec « puisqu’elle » qui montre que la narratrice souhaite donner des explications, méthode bien spécifique aux moralistes du XVIe siècle qui cherchaient à être le plus clairs possible. Le mot « admiration » vient du lexique de la vue, qui reflète d’un regard avec insistance. L’expression « des plus grandes », est un superlatif qui qualifie Madame de Chartres. À travers « héritière » ligne 4, on voit que mademoiselle de Chartres a grandi dans une famille déjà riche et qu'elle vient de la noblesse, du prestige. L’adverbe d’intensité « si » ligne 3, montre à quel point la cour est habituée à la beauté en général. L’éducation que porte Madame de Chartres à sa fille est soulignée à la ligne 5 « sous la conduite ». L’accumulation désigne les qualités morales de la mère dans le milieu de la noblesse. Le bien représente le bien matériel, la vertu, les qualités morales et le mérite (par l’action ou le nom) reflète la récompense des valeurs de Madame de Chartres.

Ainsi , mademoiselle de Chartres se distingue dans un monde ou par des qualités supérieures, tout est beauté.

II. L'influence de la mère sur son éducation

Cette beauté physique exceptionnelle se conjugue dans une seconde partie par une beauté morale à travers l’éducation de Madame de Chartres.

L’imparfait de durée domine dans cette deuxième partie, il est utilisé pour le temps éducatif qui met un certain temps à se mettre en place. La proposition infinitive de temps « plusieurs années » et le verbe « sans revenir » marquent son absence à la cour pour se consacrer à éduquer sa fille, plus particulièrement sur les dangers de la cour. « Ses soins » au pluriel, ligne 8, renvoie à l’attention importante que Madame de Chartres porte à l’éducation de sa fille. Cette éducation est à la fois physique, en développant le corps, la beauté d’une femme, on peut le constater grâce à l’utilisation du verbe « cultiver » qui nous montre que mademoiselle développe à la fois une éducation psychologique avec les mots « l’esprit » ligne 8 et « vertu » qui représente les qualités morales qu’elle a acquises. La négation de l’adverbe « seulement » ligne 9 signifie la globalité de l’éducation apportée à la princesse. Les phrases « la plupart des mères » et « jeunes personnes » conjuguées au pluriel montrent une forme de généralité. Elles sont introduites par la narratrice pour apporter un sens moral à la galanterie. Dans cette partie cette galanterie à plusieurs sens, à la fois mélioratif en la raccrochant à une forme de politesse et de signe de bonne éducation et à la fois péjoratif en prenant une forme de vision libertine. Cette vision de la galanterie Madame de Chartres ne la suit pas et elle invite les lecteurs à faire de même. Elle suggère de mettre en garde la jeunesse de la cour.

Cette morale peut se deviner grâce à la phrase ligne 12 « une opinion opposée ». La métaphore « Des peintures de l’amour » en ligne 12 également, représente les récits imagés de l’amour pour éduquer sa fille, méthode typique du classicisme. Les verbes « montrait » et « persuadait » en ligne 13 montrent que Madame de Chartres guide sa fille. Elle la met en garde sur l’infidélité des hommes avec le verbe « appartenait » et l’adjectif « dangereux ». Elles les énumèrent de manière péjorative en mettant en lien « la tromperie » le « peu de sincérité » ou encore « les malheurs domestiques » en lignes 15 et 16. Le contraste que la narratrice veut nous faire remarquer est noté par « d’un autre côté » ligne 16. Les femmes quant à elles sont décrivent avec des adjectifs mélioratifs comme « la vertu », « l’éclat » et « l’élévation ». La gent féminine à cette époque a donc une manière de vivre très simpliste, remplit de « tranquillité », ligne 16, qui montre l’insouciance. Pour finir , les adjectifs de quantité « combien » ligne 17 et « difficile » ligne 19 nous font comprendre que la bonne tenue et les valeurs citées sont très importantes pour s’assurer une place dans la société plus particulièrement la haute. La ligne 20 « seul peut faire le bonheur d’une femme » révèle que le mariage est une étape majeure et cruciale pour une femme.

Ainsi nous observons que mademoiselle de Chartres à reçu une éducation très soignée afin de la préparer au mieux à la vie mondaine.

III. Un portrait élogieux

Nous allons voir par la suite comment les soins apportés à l’éducation de mademoiselle de Chartres amènent à ce portrait.

Certains des éléments comme « héritière » ligne 22 sont répétés pour rappeler l’importance de Mademoiselle de Chartres. Le mot « partis » également ligne 22 signifie que mademoiselle de Chartres est une des femmes à marier et elle apparaît comme quelqu’un de très convoité en France. L’adjectif superlatif « extrême » ligne 23, est utilisé pour parler de la jeunesse de l’héroïne. « Quoiqu’elle » est une subordonnée qui montre que mademoiselle de Chartres à une beauté précoce. L’adverbe et l’adjectif d’intensité superlatif « extrêmement » complété de « glorieuse » nous montrent que la princesse de Clèves est le gage d’un jugement sûr. La négation « ne » « rien » est malgré tout tempéré par « presque » ligne 24. Personne n’est légitime pour sa fille d’après Madame de Chartres . Cette négation est suivie du mot « digne » qui marque un jugement de valeur. Les verbes « voulu » et « mener » ramènent à la conduite éducatrice de Madame de Chartres. « Au-devant d’elle » Ligne 26 renvoie au Vidame qui suit le protocole de politesse et de conduite envers Mademoiselle de Chartres. Le verbe « fût » et l’adjectif « surpris » représentent l’étonnement que provoque la beauté de mademoiselle de Chartres, de telle sorte que le Vidame en reste stupéfait. Il nous montre que cette jeune femme à un effet d’attraction sur son entourage. L’hyperbole de l’adjectif qualificatif « grande » marque le début du portrait de mademoiselle de Chartres.

Ainsi nous pouvons constater que mademoiselle de Chartres est une jeune femme déjà très convoitée à la Cour en partie grâce à sa beauté hors du commun et ses qualités qui la rendent attirante sont glorifiées, elle est au-dessus des standards esthétiques. La narratrice acquiesce la stupéfaction du Vidame avec l’usage du nom commun « raison » ligne 27. L’adjectif qualificatif mélioratif « blancheur », met en lumière une jeunesse, mais avant tout un signe de pureté. L’adjectif « blonds » image la vision typique que l’on a d’une princesse de conte de fées, c’est aussi un critère de beauté. Le nom commun « éclat » aide les lecteurs à visualiser ce côté idyllique presque religieux de la beauté de Mademoiselle de Chartres. Le prénom indéfini « l’on », est utilisé de manière répétée pour rappeler les mêmes subtilités que mentionnées dans la partie , la généralisation. L’adjectif qualificatif « réguliers » correspond aux critères de beauté de cette période classique, s’inspirant de la période grecque notamment dans les courbes symétriques et régulières. L’adjectif « plein » nous montre que la princesse est composée de qualités qui suivent à la ligne 28 ancrée au plus profond d’elle. Ces noms communs mélioratifs, comme « grâce » montrent l’importance de la noblesse à la renaissance, ou encore « charmes » qui est un nouvel écho de cette attraction que la princesse de Clèves provoque, le tout, sans effort particulier.

Conclusion

Madame de la Fayette dresse ainsi le portrait très mélioratif d'une Mademoiselle de Chartres qui fait une entrée remarquée à la Cour. Sa beauté, doublée d'une éducation soignée par une mère attentionnée, lui permet de s'intégrer parfaitement dans ce milieu fait de codes et d'intrigues. Le début du roman nous plonge directement dans l’atmosphère de la Cour. Il nous indique aussi la problématique de l’œuvre en insistant sur la vertu de l’héroïne, mais aussi sur sa beauté qui ne manque pas d’attirer les regards.