Merleau-Ponty, La querelle de l'existentialisme: L'entourage

Ce corrigé a été établit par un élève de Terminale ES. C'est un corrigé complet. La note obtenue est de 14/20.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: MadFinn (élève)

Texte étudié

Il y a [...] deux vues classiques. L'une consiste à traiter l'homme comme le résultat des influences physiques, physiologiques et sociologiques qui le détermineraient du dehors et feraient de lui une chose entre les choses. L'autre consiste à reconnaître dans l'homme, en tant qu'il est esprit et construit la représentation des causes mêmes qui sont censées agir sur lui, une liberté acosmique (1). D'un côté l'homme est une partie du monde, de l'autre, il est conscience constituante du monde. Aucune de ces deux vues n'est satisfaisante. A la première on opposera toujours [...] que, si l'homme était une chose entre les choses, il ne saurait en connaître aucune, puisqu'il serait, comme cette chaise ou comme cette table, enfermé dans ses limites, présent en un certain lieu de l'espace et donc incapable de se les représenter tous. Il faut lui reconnaître une manière d'être très particulière, l'être intentionnel, qui consiste à viser toutes choses et à ne demeurer en aucune. Mais si l'on voulait conclure de là que, par notre fond, nous sommes esprit absolu, on rendrait incompréhensibles nos attaches corporelles et sociales, notre insertion dans le monde, on renoncerait à penser la condition humaine.

(1) liberté acosmique : qui ne dépend pas de notre "insertion dans le monde"

Merleau-Ponty, La querelle de l'existentialisme

Merleau-Ponty, dans ce texte réfléchit sur la question du rapport entre l’homme et son entourage naturel ou social, il se pose donc réellement la question sur la définition de l’homme. Quel est la vraie définition de l’homme ? En effet il dénonce ici deux conceptions "classiques" de l'homme. En premier lieu il expose la doctrine matérialiste qui consiste à considérer que le rapport est un rapport de causalité: l'homme est un effet, un résultat, réductible à la nature physique, au fonctionnement des organes et à la société. La source de l'existence serait ailleurs que dans l'existence, soi bien que l'homme ne serait qu'une partie du monde. Puis par la suite la doctrine idéaliste, l'homme est à l'origine du monde: il est donc hors du monde comme un créateur. C'est un architecte qui construit, détermine, et donc échappe à sa construction comme l'architecte n'est pas aliéné au plan qu'il trace. Chaque-unes de ces deux conceptions ayant leurs limites auxquels l’auteur va nous exposé et il essaie de suggérer une solution autre, intermédiaire, en faisant jouer les unes sur les autres les conséquences fausses auxquelles conduisent ces deux conceptions, pour qu'elles se redressent mutuellement. Il émet une thèse qui permet de penser la condition humaine, condition humaine étant non pas une nature humaine mais ce qui accompagne nécessairement une existence. Quels sont ces deux concepts opposés que sont le matérialisme et l’idéalisme ? Quels sont les limites de ces deux concepts ? Quelle thèse l’auteur lui-même soutien-t-il ?

Dans la première partie du texte (du début jusqu’à « il est conscience constituante du monde. »), Merleau-Ponty n’expose en aucun cas son opinion, en effet il oppose deux thèses antagonistes concernant la définition de l’homme.
En premier lieu, l’auteur nous présente une thèse qui consiste à définir l’homme en tant que résultat d’influences extérieures à lui, qui déterminent ce dernier (« l’homme (est) le résultat des influences physiques, physiologiques et sociologiques (…) ».Une thèse soutenu par nombreux philosophes de l’Antiquité tel que Epicure ou Lucrèce, thèse notamment aussi des scientifiques qui, à la suite de Darwin, voient dans l’homme un simple produit de l’évolution biologique et présentent l’homme comme un individu déterminé : rien dans sa nature ne dépendrait de lui même, mais tout serait le résultat d’influences du milieu au sens biologique, économique. L’être intérieur de l’homme serait donc gouverné par les causes extérieures, et il finit par être transformé en chose, "chose entre les choses", écrit l'auteur. L’on peu donc dire que selon le matérialisme, la conscience de l’homme est déterminé.
Par la suite, Merleau-Ponty évoque une deuxième thèse, opposée au matérialisme qui consiste à définir l’homme comme étant à l’origine du monde, il est donc hors du monde, comme un « créateur ».C’est l’idéalisme, thèse des philosophes chrétiens qui voient l’homme à l’image de Dieu et qui posent l’Homme comme individu absolument libre posé d’abord et à partir duquel le monde devient compréhensible. L’idéalisme pose brutalement le contraire au matérialisme : la réalité non matérielle qui est l'essence de l'homme, c'est son esprit, et celui-ci possède une "liberté acosmique". "Cosmos" signifie "monde" en grec, "acosmique" signifie "qui est séparé du monde, qui ne dépend pas ou n'a pas besoin du monde". L'action humaine, les fins visées et les réalisations de ces fins, pour l’idéalisme, dépendent donc uniquement de l' « esprit .Mais pour l’auteur, aucun de ces deux « vues » n’est satisfaisante, et il va poursuivre l’analyse de ces deux concepts en détaillant un peu plus son propre point de vue.

Dans la seconde partie, (depuis « aucune de ces deux vues » jusqu'à la fin), Merleau-Ponty réfute les deux thèses précédentes et donc nous démontre les limites de ces derniers.
Premièrement, la thèse du matérialisme est insuffisante, car si l’homme était simplement déterminé comme un objet ou un animal (« enfermé dans ses limites »), rien n’expliquerait qu’il ait des compétences supérieures, qui lui permettent de comprendre le monde et de se représenter celui-ci, de le dominer par son esprit. Il ne permet pas de rendre compte d'un fait : le fait même de la connaissance. Connaître, cela suppose une mise à distance entre le sujet connaissant et l'objet connu. Plus généralement, la représentation mentale d'une réalité demande à la fois une distance vis-à-vis de la chose représentée, et une différence de nature entre l'esprit et la chose. Merleau-Ponty désigne cette faculté qu'a l'homme de prendre pour objet de sa visée mentale, une réalité qu'il distingue de lui-même : "l'être intentionnel".
Par la suite, la thèse de l’idéalisme est également inexacte car il est incapable de rendre compte de "notre insertion dans le monde". Par cette formule, l'auteur désigne les "attaches" qui nous relient au monde. Il ne faut prendre ce mot seulement au sens affectif ("être attaché à quelqu'un").
Il faut au contraire donner un sens très matériel à la relation de l'homme au monde. L'homme est lié au monde corporellement : par la perception des choses, et socialement, par son travail et ses relations à autrui, son corps le lie aux autres (affection, amour) et à la terre (maladie, mort).
A la fin du texte, l’auteur nous parle de « la condition humaine » et énonce alors simplement une idée qu’il va développer dans d’autres œuvres : l’Homme est un être intentionnel, c’est à dire qu’il ne peut être défini en lui même mais seulement par les relations qu’il entretient avec les autres choses,
comme Heidegger, l’auteur définit d’abord l’Homme comme un "dasein" un "être-là" : cela veut dire qu’il est dans le monde, sans pouvoir s’en échapper, pas plus qu’il ne peut échapper à sa condition sociale , mais l’homme est aussi un individu polymorphe ; il n’est pas défini une fois pour toutes, son expérience dans le monde le forme quotidiennement, il s’approprie momentanément les choses par la pensée (cela veut dire, concrètement, que je "deviens" chaise quand je pense à ce qu’est une chaise) puis s’en échappe pour penser à autre chose.

Pour conclure, L'esprit est donc bien pour l'auteur, une réalité, mais en aucun cas une réalité "absolue", c'est-à-dire une réalité pouvant exister sans s'incarner au sein du monde, ni s’ouvrir à ses influences. Selon l’auteur l'homme est donc esprit, mais n'est pas simplement esprit en ce sens que celui-ci ne peut pas se représenter le monde en étant extérieur à ce monde : l'homme ne peut se représenter le monde que s'il est immergé en lui, ou encore engagé en lui et propose une conception synthétique de l'homme, celle d'une liberté dans le monde. Mais quelle est donc cette liberté ?