Jean-Paul Sartre (1905-1980) fut sans aucun doute l'écrivain français le plus populaire au cours du XXe siècle. Son talent était tellement prestigieux qu'il en reçut, comme récompense, le prix Nobel de littérature qu'il refusa. Dans ce passage du livre L'existentialisme est un humanisme, il évoque quelle est la cause, mais aussi les conséquences de la liberté humaine avec comme cause la non-existence de Dieu et comme conséquence le délaissement de l'homme, la responsabilité de ce qu'il fait et de ce qu'il est, mais aussi une immense liberté. On peut alors se poser la question à savoir quelles sont les conditions pour que l'homme soit libre? Nous verrons donc dans un premier que la liberté, c'est d'abord le délaissement puis dans un deuxième temps que l'homme n'est libre que si l'existence précède l'essence puis dans un troisième temps que l'homme est condamné à être libre.
I. La liberté, c'est d'abord le délaissement
La liberté, c'est d'abord le délaissement. L'homme est délaissé que si Dieu est mort ce qui va permettre à l'homme d'être libre et responsable de ces choix.
Le délaissement que peut ressentir tout homme équivaut à la conscience de sa solitude. Or pour que tout homme ait conscience de sa solitude, il faut que Dieu ne soit plus de ce monde. Sans Dieu, l'homme est délaissé. En effet, la croyance en l'existence de Dieu permet d'excuser nos comportements. Par exemple je peux m'excuser à mon patron de ne pas travailler le samedi à cause de ma religion juive. Par contre, avec la non-existence de Dieu, je me retrouve sans norme et sans valeur et donc, comme disait Dostoïevski "Tout serait permis". Je pourrais donc tout faire, comme il me plaît, comme je le veux, sans aucune contrainte étant donné qu'il n'y aura pas derrière moi Dieu pour me donner les règles de la vie. Ce délaissement va donc permettre d'être libre et donc d'être responsable de ses choix.
En effet si l'homme est délaissé, il va donc être libre et responsable de ses choix. L'homme est donc libre, il pourra faire tout ce qu'il voudra. L'homme n'aura donc pas de valeur spirituelle qui lui permettait d'avoir un comportement encadré. Par contre, si l'homme est libre, il sera donc responsable de ses actes, de ses choix, il ne trouvera aucune excuse face à ce comportement, contrairement à l'existence de Dieu. On peut donc dire que le délaissement me laisse face à moi-même, totalement responsable de moi. Ainsi je n'aurai aucune excuse contre mes orientations. Par exemple si je ne mange pas de porc à cause de ma religion musulmane, je ne pourrai pas dire, si Dieu n'existait pas, que je n'en mange pas à cause de mes convictions religieuses. Je ne trouverai pas d'excuse et je pourrai dire que si je ne mange pas de porc c'est à cause de moi, de mes choix et non d'un tel. le délaissement est donc un aspect fondamentale de la liberté. L'homme libre ne peut plus se trouver d'excuses puisqu'il n'est le résultat de rien d'autre, mais que de lui-même.
II. L'homme n'est libre que si l'existence précède l'essence
Dans cette deuxième partie, nous allons expliquer l'expression "l'existence précède l'essence", mais aussi savoir pourquoi ce terme permet à un homme d'être libre.
En ce qui concerne que l'existence précède l'essence, l'existentialisme déclare qu'il y a un être qu'il ne peut être définit avant son existence, et que cet être, c'est l'homme. Cela veut dire que l'homme apparaît dans le monde, existe et se définit après. Si l'homme ne peut être défini au commencement de son existence, c'est qu'il n'est d'abord rien, il devient ensuite, et devient tel qu'il choisit de se faire. Puisqu'il n'y a pas de Dieu pour le concevoir, pour lui donner une âme prédéterminée "Si Dieu n'existe pas, nous ne trouvons en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite"(l.10), puisqu'à l'aube de son existence l'homme n'est rien, son avenir lui appartient,ce qu'il est, ce qu'il sera lui apparaît. L'homme détermine lui-même son essence, l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait, le résultat de son projet d'être. Il n'est pas ce qu'il a voulu être, car vouloir entend une volonté consciente, mais il est le résultat de ces choix, il est donc responsable de ce qu'il est. Tout existe avant d'être, l'existence est la condition préalable à l'essence, ainsi l'existence précède l'essence.
A travers cette explication, certains éléments montrent que l'homme est libre. Il y a donc une relation entre être libre et l'existence précède l'essence. Si l'homme détermine lui-même son essence alors au-delà de la responsabilité individuelle, l'homme est responsable devant l'humanité. L'homme en se définissant à travers ces choix, choisit de donner un certain modèle, une certaine image de l'homme (ex: aimer son prochain). Il engage ainsi par ses choix, l'ensemble de l'humanité. L'acte individuelle engage toute l'humanité puisqu'en me choisissant, je choisis l'homme. L'homme étant existant d'abord, et ensuite "étant un être construit par ses choix, pas de moral, pas d'excuse, l'homme est donc seul", il choisit ses valeurs seul, il est donc libre. C'est-à-dire que si l'homme seul choisit l'essence de l'homme, il faudra donc qu'il la détermine selon ses convictions sans se préoccuper des valeurs venues de l'extérieur. Il faudra qu'il choisisse lui-même sans contrainte, selon sa volonté, c'est-à-dire librement.
Ainsi nous avons donc pu voir que si l'existence précède l'essence alors l'homme sera libre, car c'est lui-même qui choisit librement l'essence.
III. L'homme est condamné à être libre
Condamné à être libre signifie que l'homme quoi qu'il fasse ne peut échapper à sa liberté par sa responsabilité et par ses choix
En ce qui concerne la responsabilité, l'homme dans un monde libre est responsable de tout ce qu'il fait. "Condamné parce qu'une fois jeté dans le monde il est responsable de tout ce qu'il fait". Ainsi si l'homme n'est pas responsable d'être homme, il est tout de même responsable de ne pas l'assumer ou de s'assumer. En faite l'homme est responsable de sa liberté. Être libre ce n'est pas forcément faire ce que je veux, mais ce que je choisis. L'action humaine permet l'affirmation de la liberté. Ainsi lorsque je fais une action qui montre que je suis libre de choisir (ex: aller à un supermarché plutôt qu'à un autre), je serai donc responsable de cette action et donc responsable de ma liberté. On peut donc dire qu'il y a un lien entre la liberté et la responsabilité, car lorsque je fais une action humaine librement, je suis responsable de cet acte. On peut donc dire que l'homme est condamné à être libre par sa responsabilité.
En ce qui concerne le choix, je suis condamné à faire des choix, ce qui prouvera ma liberté. En effet, je fais le choix de faire une action qui affirme ma liberté. D'ailleurs Sartre a dit que "On n'a jamais autant était libre que pendant la guerre, sous l'occupation allemande", c'est-à-dire que nous ne sommes jamais apparus aussi libres que lorsque nous devons choisir seuls et que nous sentons que l'avenir ne sera que ce que nous en faisons (individuellement et collectivement). Ainsi lorsque je fais un choix, je choisis consciemment et seul, sans aucune contrainte extérieure, je n'ai donc pas besoin d'une aide extérieure pour ce que je dois choisir donc je choisis seul en liberté. Lorsque je fais un choix, je prends bien évidemment une part de responsabilité, mais aussi un engagement dans le futur, ainsi je suis libre de choisir le futur et donc d'inventer. L'homme est donc condamné à inventer l'homme.
Nous avons donc pu voir que l'homme est condamné à être libre par sa responsabilité et ses choix, mais aussi dans le futur.
Conclusion
Pour que l'homme soit libre, il faut comme nous l'avons vu précédemment que l'homme soit délaissé, que Dieu n'existe pas, mais aussi que l'existence précède l'essence. Sartre soutient dans ce texte que l'homme est libre et donc pleinement responsable de ce qu'il fait et de ce qu'il est. D'après l'auteur, cette infinie liberté est le point de départ de l'existentialisme c'est-à-dire de l'idée selon laquelle "l'existence précède l'essence". On peut néanmoins se questionner sur la vision libérale de Sartre, alors qu'il est communiste. On peut également constater qu'il est ici à l'antithèse de la pensée de Pascal.