Sartre, L'Imagination: "Je regarde cette feuille blanche"

Commentaire entièrement rédigé.

Dernière mise à jour : 29/10/2021 • Proposé par: cyberpotache (élève)

Texte étudié

Je regarde cette feuille blanche, posée sur ma table; je perçois sa forme, sa couleur, sa position. Ces différentes qualités ont des caractéristiques communes : d'abord elles se donnent à mon regard comme des existences que je puis seulement constater et dont l'être ne dépend aucunement de mon caprice. Elles sont pour moi, elles ne sont pas moi (...) Elles sont présentes et inertes à la fois. Cette inertie du contenu sensible, qu'on a souvent décrite, c'est l'existence en soi (...) Ce qui est certain, c'est que le blanc que je constate, ce n'est certes pas ma spontanéité qui peut le produire. Cette forme inerte (...) que l'on doit observer, apprendre peu à peu, c'est ce qu'on appelle une chose. En aucun cas, ma conscience ne saurait être une chose, parce que sa façon d'être en soi est précisément un être pour soi. Exister, pour elle, c'est avoir conscience de son existence. Elle apparaît comme une pure spontanéité, en face du monde des choses qui est pure inertie- Nous pouvons donc poser dès l'origine deux types d'existence.

Sartre, L'Imagination

Thème central : l'existence de la conscience par rapport à l'existence de la chose (le pour soi et l'en soi).
- Origine du vocabulaire sartrien ? de sa méthode ?
- Cette opposition entre le moi (le sujet) et la chose (l'objet) est-elle nouvelle ?

Introduction

Depuis l'instauration d'une tradition cartésienne, la saisie de la conscience face au monde des objets est un problème classique de la philosophie : comment décrire la conscience pour qu'elle ne soit ni totalement séparée des autres existences (solipsisme), ni confondue avec ce qu'elle peut percevoir (indifférenciation entre le subjectif et l'objectif). La solution sartrienne consiste ici, en appliquant une sorte de méthode phénoménologique, à opposer deux types d'existence clairement distincts.

I. Inertie de la chose en soi

L'expérience initiale que décrit Sartre est des plus ordinaires : que se passe t-il lorsque que je perçois un objet devant moi ? Du plus exactement : en quoi la perception que j'en ai m'informe-t-elle immédiatement des caractéristiques principales de son mode d'exister'? La feuille blanche se singularise d'abord par des qualités spatiales (forme, couleur, position) qui ne sont pas sans rappeler ce que Descartes lui-même affirmait de la matière : que son caractère principal est précisément l'étendue. Sartre y signale des "caractéristiques communes" qui cernent l'existence de cette feuille comme relevant seulement d'un constat de ma part, mais ne dépendant en rien "de mon caprice", c'est-à-dire d'une décision que je pourrais prendre à son égard. L'existence objectale appelle un constat de fait, elle s'impose d'une certaine façon à ma perception (aussi longtemps que celle-ci est orientée vers elle), et c'est pourquoi elle peut être considérée comme "pour moi" (mais aussi pour n'importe qui d'autre, car il n'y a en elle aucune intention me concernant particulièrement ou singulièrement).

Étant pour moi, la feuille n'est pas moi : le "pour" suffit à suggérer une distance entre elle et moi. Et cette distance suffit à son tour pour indiquer une différence entre l'existence de la feuille et la mienne. Mais ce "pour" ne sous-entend aucune destination spéciale, il énonce seulement une disponibilité à la perception de quiconque, une sorte d'ouverture sur la saisie possible par une conscience. Le "pour" est ici synonyme de "présence" et d' "inertie" (autrement dit de statisme, de non-mouvement vers). Cette présence est en elle-même dénuée de signification : el

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