Saint-Simon, Mémoires - Chapitre XIX: L'obsession du luxe

C'est un devoir maison. D'après le professeur, les arguments demandent d'être mieux précisés.

Dernière mise à jour : 06/01/2024 • Proposé par: dcds (élève)

Texte étudié

Il aima en tout la splendeur, la magnificence, la profusion. Ce goût, il le tourna en maxime politique, et l’inspira en tout à sa cour. C’était lui plaire que de s'y jeter en tables, en habits, en équipages, en bâtiments, en jeu. C'étaient des occasions pour qu'il parlât aux gens. Le fond était qu'il tendait et parvint par là à épuiser tout le monde en mettant le luxe en honneur, et pour certaines parties en nécessité, et réduisit ainsi peu à peu tout le monde à dépendre entièrement de ses bienfaits pour subsister. Il y trouvait encore la satisfaction de son orgueil par une cour superbe en tout, et par une plus grande confusion qui anéantissait de plus en plus les distinctions naturelles.

C'est une plaie qui, une fois introduite, est devenue le cancer intérieur qui ronge tous les particuliers, parce que de la cour il s'est promptement communiqué à Paris et dans les provinces et les armées, où les gens en quelque place ne sont comptés qu'à proportion de leur table et de leur magnificence, depuis cette malheureuse introduction qui ronge tous les particuliers, qui force ceux d'un état à pouvoir voler, à ne s'y pas épargner pour la plupart, dans la nécessité de soutenir leur dépense; et par la confusion des états, que l'orgueil, que jusqu'à la bienséance entretiennent, qui par la folie du gros va toujours en augmentant, dont les suites sont infinies, et ne vont à rien moins qu'à la ruine et au renversement général.

Rien, jusqu'à lui, n'a jamais approché du nombre et de la magnificence de ses équipages de chasses et de toutes ses autres sortes d'équipages. Ses bâtiments, qui les pourrait nombrer ? En même temps, qui n'en déplorera pas l'orgueil, le caprice, le mauvais goût ? Il abandonna Saint-Germain, et ne fit jamais à Paris ni ornement ni commodité, que le pont Royal, par pure nécessité, en quoi, avec son incomparable étendue, elle est si inférieure à tant de villes dans toutes les parties de l'Europe.

Saint-Simon, Mémoires - Chapitre XIX

Les Mémoires de Saint-Simon, dont le texte définitif prend forme entre 1739 et 1750, constituent un témoignage autobiographique précieux sur la cour et le règne de Louis XIV. Issu de l'aristocratie, ayant des ambitions politiques non satisfaites, Saint-Simon observe l'environnement royal avec une lucidité impitoyable.

Le texte critique la cour de Louis XIV pour son obsession au luxe et à la richesse. L'auteur dénonce cette obsession comme une "plaie" sociale qui ronge la cour et Paris influencé par la noblesse de la cour. Louis XIV aurait fait de la richesse et du luxe une règle à suivre, il aime se montrer avec de somptueux habits, participer à de grands baquets : le roi prône l’apparence. Ce texte est de genre autobiographique, de type narratif et argumentatif. Le registre utilisé est satirique et polémique. Nous verrons comment le texte dénonce ici la culture de l’apparence à la cour, et l'exigence luxueuse du roi Louis XIV.

I. La passion dévorante du roi pour le luxe

Dans les premières lignes du texte, l'auteur peint un tableau ironique de la passion débordante de Louis XIV pour le luxe, utilisant habilement une série de procédés stylistiques pour accentuer l'extravagance du monarque.

Tout d’abord, l'expression "en tout" (lignes 6 et 7) répétée à deux reprises, souligne non seulement l'étendue de la passion du roi, mais accentue également l'universalité de cette obsession. Cette répétition fonctionne aussi comme une anaphore, renforçant la puissance du discours et accentuant l'ampleur de la passion démesurée du monarque.

La gradation ascendante dans la citation suivante "tables, en habits, en équipages, en bâtiments, en jeu" (ligne 3 à 4), construit une montée en intensité qui amplifie les désirs de Louis XIV. Cette gradation crée une dynamique fluide, accentuant la démesure des aspirations royales. En utilisant cette figure de style, l'auteur construit une image vertigineuse des goûts extravagants du roi, suggérant une escalade perpétuelle dans la recherche de la perfection. Dans la phrase "luxe en honneur, et... en nécessité" (ligne 6) l’antithèse expose la relation entre Louis XIV et le luxe. D'une part, le luxe est glorifié comme un symbole de grandeur , et d'autre part, il est décrit comme une nécessité pour maintenir sa position dominante.

Pour finir, l'utilisation d'adjectifs tels que "superbe" et "plus grande" insiste sur l'opulence de la cour, tandis que "confusion" suggère une dégradation intérieure, on observe alors une antithèse qui renforce cette différence. Enfin, la répétition de la conjonction de coordination "et" dans la phrase "Le fond était [...] ses biens faits pour subsister" (ligne 4 à 8) crée une accumulation qui souligne l'enchaînement des événements. Cette construction grammaticale met en évidence l’obsession du roi pour l’opulence, soulignant le fait que la cour est dépendante de l’obsession de Louis XIV.

II. L'influence politique du goût pour le luxe de Louis XIV

La seconde partie du texte de Saint-Simon explore de manière approfondie l'influence politique de Louis XIV pour son goût du luxe.

Pour commencer, l'utilisation de l'antithèse à la ligne 11, où le terme "cancer intérieur" est suivi de "qui ronge tous les particuliers", met en lumière la nature corrosive du luxe, renforçant le côté néfaste qui se propage et détruit les fondements mêmes de la société. Cette opposition marque le texte en soulignant l'impact du luxe sur la structure sociale. De plus, la métaphore "cancer intérieur", évoque l’image d’une maladie qui se propage et détruit la société. Cette figure de style renforce l'idée que le luxe est néfaste pour la cour et la société française de l’époque.

L'ironie à la ligne 12, avec l'utilisation de "malheureuse introduction" pour décrire l'introduction du luxe, suggère une prise de conscience tardive des conséquences du luxe sur la bourgeoisie, accentue ainsi le contraste entre les intentions initiales et les résultats réels. Ensuite, la litote à la ligne 13, avec "ne vont à rien moins", atténue la gravité apparente tout en soulignant les conséquences réelles, créant ainsi un effet subtil, mais percutant. Après, on peut voir le champ lexical de la maladie avec "plaie" et "cancer" cela montre bien que le roi a affaibli son royaume en utilisant l’argent des Français pour cultiver son addiction au luxe.

Pour finir, la gradation descendante à la ligne 20, avec la phrase "les suites sont infinies, et ne vont à rien moins qu'à la ruine et au renversement général", crée une intensification progressive, amplifiant le ton tragique du passage. Cette gradation souligne l'ampleur des conséquences liées au luxe.

III. Les conséquences néfastes du luxe sur la société

Pour la troisième partie du texte, les lignes 22 à 29 mettent en évidence les conséquences néfastes du penchant de Louis XIV pour le luxe sur la société. Plusieurs procédés stylistiques renforcent les impacts sociaux.

L'hyperbole à la ligne 22 "Rien, jusqu'à lui, n'a jamais approché du nombre et de la magnificence de ses équipages de chasses et de toutes ses autres sortes d'équipages", amplifie le nombre d’équipages de chasse que possède le roi . La question rhétorique à la ligne 24, avec "Ses bâtiments, qui les pourrait nombrer ?", engage le lecteur dans une réflexion sur le nombre de constructions de Louis XIV. Cette question souligne la richesse du roi, soulignant ainsi l'excès de ses réalisations architecturales.

L'énumération à la ligne 26, avec "l'orgueil, le caprice, le mauvais goût", met en relief les critiques adressées à Louis XIV. Cette liste d'attributs négatifs souligne la désapprobation du peuple envers le comportement du monarque et renforce l'idée de son manque d’empathie envers le peuple dont il se préoccupe peu. L'antithèse à la ligne 27, avec "Il abandonna Saint-Germain, et ne fit jamais à Paris ni ornement ni commodité, que le pont Royal, par pure nécessité", met en évidence l'abandon de certaines villes mise à part la construction du pont Royal. Cette opposition montre les choix discutables de Louis XIV, soulignant la préférence accordée à des projets personnels plutôt qu'à l'embellissement de la capitale.

Conclusion

Saint-Simon se livre ici à une critique très dure du roi et de son goût pour le luxe. Ce goût du luxe une influence non seulement néfaste pour la cour, mais également pour la société dans son ensemble, qui ne bénéficie pas des dépenses du monarque, plus intéressé par ses réalisations et ses biens que par le bien-être de son peuple.