Racine (1639-1699) est tragédien, auteur de Phèdre, Andromaque ou Iphigénie. Il est par ailleurs rival de Corneille. Bérénice est une tragédie qui repose sur une esthétique sobre, sur la simplicité extrême de l'intrigue. La pièce est construite autour d'une interrogation : comment Titus parviendra-t-il à expliquer à Bérénice qu'il a décidé de la renvoyer en Orient ? Titus aime Bérénice, la reine de Palestine. Or, devenu empereur de Rome depuis quelques jours en succédant à son père, il voit son amour s'opposer à son devoir d'état puisque le Sénat et Rome lui interdisent tout mariage avec une reine étrangère. Il a donc décidé, depuis le début de la pièce, de lui annoncer cette rupture.
Pourtant, malgré ses affirmations péremptoires et résolues, Titus s'est avéré incapable de dire la vérité en face à celle qu'il aime. Il s'est finalement décidé à l'acte III à voir Bérénice pour lui annoncer sa résolution : mais avant cette entrevue qu'il sait décisive, Titus repousse encore le moment de la confrontation et demande à rester seul pour réfléchir une dernière fois sur la conduite à tenir.
Problématique
En quoi ce long monologue est-il un monologue délibératif ?
I. Le monologue d'un homme tourmenté confronté à un dilemme
a) Le profond désarroi de Titus
La scène est un monologue. On peut le voir grâce à la didascalie « seul » (v.1) accolée au nom du personnage « Titus ». Donc seul personnage présent sur scène, sur lequel va se concentrer l'attention des spectateurs. Cette scène met en scène un héros face à lui-même, qui recherche la solitude (annonçait à la fin de la scène précédente qu'il désirait être seul). L'émotion se manifeste par la présence de points d'exclamation (v.38, 52), d'interjections « hé bien » v.1 renforcé par l'adverbe, « ah » v.38, 52.
Le désarroi de Titus s'explique par la nécessité de rompre avec Bérénice :« adieux» v.3. Le renvoi de la reine est ainsi présenté comme un « combat » (v.5, placé à la césure) à livrer avec celle qu'il aime. Titus se met lui-même en scène comme un bourreau face à sa victime. Il utilise ainsi des termes particulièrement forts appartenant au champ lexical de la violence guerrière : « cruauté » v.4 (qui fait référence par son étymologie au sang qui coule). « barbare » v.6, « percer » v.13, 14 qui renvoie aux blessures infligées. La séparation est mise en relief par la formulation de la