Intro: Cette scène rend compte des enjeux de la pièce. Elle est comique car elle est sous forme d'une
tirade d'Arnolphe, qui est face à un personnage muet (Agnes). On retrouve donc ici le comique de la
Comedia del arte.
I - Une scène comique dans la tradition de la comedia del arte
1) Les coups de théâtre
• Le couple se retrouve dans l'intimité (Horace et Agnes) contre la volonté d'Arnolphe.
• L 1151-1154: arrivée d'Arnolphe « à peine ». Cela est caricatural car trop rapide, donc comique.
• L 1153 : situation comique, farce: l'amant dans le placard et en parallèle, la colère d'Arnolphe qui se manifeste par le corps. Horace et Arnolphe sont l'un à côté de l'autre sans le savoir et ont des comportements différents, presque opposés = comique de la comedia del arte,
• L 1167: parallélisme « chambre »/ « étuis » = caractère interchangeable des deux hommes (ils prennent successivement la place de l'autre).
• L 1170-1171: Horace va enlever Agnes pendant la nuit = intimité de plus en plus grande entre le couple (ils se voient seuls et la nuit). Ils ne prennent pas en compte les dangers, sont complices (rime « nuit »/ « sans bruit » = silence). Trahison d'Agnes, elle bascule dans le mal.
2) Deux personnages archétypaux (clichés littéraires)
• Les personnages Horace et Arnolphes sont typiques des personnages de la comedia del arte:
Horace l'amant et Arnolphe le mari trompé et jaloux.
- Arnolphe: l,1162 « bec cornu » = l'homme trompé a des cornes, dans l'imaginaire collectif.
C'est la métaphore du cerf, symbole de l'adultère. Le prénom n'est pas un hasard: il s'appelle Arnolphe, comme le Saint Arnoult, le saint des cocus. Sa violence et sa colère sont des clichés (1155-1161): c'est une violence gratuite, injuste et déviée (chien, vases... pas Agnes directement). Il manifeste sa frustration avec le silence. C'est le cliché du mari qui n'a pas les informations pour accuser sa femme, il n'a pas de preuve de l'adultère.
- Horace: pour lui aussi, le choix du prénom n'est pas anodin, c'est celui des amants dans les pièces de la comedia del arte. Il est un stéréotype car il est séduisant et que personne ne lui résiste (l,1148). De plus, il est courageux et a de l'assurance car il ne mesure pas le danger de venir la nuit chez Agnes alors qu'Arnolphe est dans les parages. Il est également chanceux, car il frôle tout juste la catastrophe en échappant à Arnolphe (tournure restrictive 1152 « tout ce qu'elle a pu »). Il est obstiné et ne retient pas les leçons (il veut revenir la nuit suivante, alors qu'il a faillit être vu par Arnolphe). On peut remarquer enfin, l'absence de sentiments, il exprime son amour par des actes, comme dans la comedia del arte. Quand il décrit Arnolphe, il donne ses actes et ses gestes, non ce qu'il pense + verbes d'action lignes 1171-1175 « m'introduire, toussant ... ».
• Toutes ces facettes des personnages en font des stéréotypes de la comedia del arte.
3) Différence et renouvellement du comique
• Situation de confidence qui est différente de la comedia del arte où ces mises en scéne n'existent
pas, et où les discours sont rapportés, on ne voit pas la scène.
• Le comique de situation: Horace raconte à Arnolphe sans savoir que c'est le propriétaire d'Agnes et qu'il a lui-même assisté à la scène. Il lui révèle l'échec de la stratégie d'Arnolphe. On peut alors imaginer sa colère.
• L 1143: Horace est heureux de rencontrer Arnolphe alors qu'il est en réalité son ennemi. Il est
comique sans le savoir.
• L 1176: Horace considère Arnolphe comme son ami alors qu'il lui brise le coeur en lui racontant
l'histoire.
• L 1154: quiproquo « je ne le voyais pas ».
• L 1172-1175: Horace multiplie les détails de la scène avec Agnes. Arnolphe ne peut plus se dire qu'elle est naïve car Horace décrit Agnes comme participante de l'action (1174), il ne peut plus se mentir.
• Réaction d'Arnolphe: il est silencieux, découragé, tragique. C'est un mélange des genres. > Cette scène montre l'évolution psychologique des personnages: comédie de moeurs.
II - Évolution des personnages: une scène de revirement
1) Agnes poursuit son processus de libération
• Comparaison avec lignes 485 et 1147: Agnes est sur le balcon et travaille dans l'acte 2, alors qu'elle prend juste le frais dans l'acte 4. Elle se fait plaisir.
• Lignes 487-488: Horace fait signe à Agnes, alors qu'aux lignes 1147-1148, c'est Agnes qui fait un signe à Horace. Renversement de situation, cette fois Agnes provoque et ne subit plus.
• Elle devient un personnage d'action: acquiert le savoir (l,1148 « elle a su faire en sorte » +
L 1149 elle ouvre la porte). Elle est sujet d'un verbe d'action + symbolique de la porte (après
avoir été le moyen d'enfermement, c'est le moyen de se libérer).
• Elle est moteur de l'action aux lignes 1173-1174: « secondé d'Agnes » = elle mène l'action, c'est
elle qui est la première.
2) Arnolphe plonge dans la douleur, il est de plus en plus tragique
• L 1151: « le jaloux » + « bec cornu » = décrit comme un homme jaloux, cocu, souffrant.
• L 1165: injustice liée à son impuissance.
• Silence: il se tait deux fois: quand il entre dans la chambre et pendant le discours d'Horace = il est impuissant et frustré (avant, il faisait semblant d'être concerné et intéressé par le discours d'Horace, maintenant, il est découragé et n'a plus la force de jouer la comédie, d'où son silence.
Il jette les masques de l'ami parfait et du fiancé attaché = il avoue sa dépendance vis à vis d'Agnes, et comprend qu'elle peut le faire souffrir, qu'elle a un pouvoir sur lui.)
> Arnolphe est prisonnier car amoureux.
3) Évolution de l'amour d'Horace pour Agnes
• Au début, il est juste un séducteur, maintenant, il s'engage et tombe amoureux. Il n'est plus dans son rôle d'amant. Il passe de la galanterie à l'amour.
• L,1175: sentiment amoureux à l'origine de son action. >> Cette scène rend compte des enjeux d'écriture de la pièce. Entre tradition et modernité, elle renouvelle le comique.
Tradition = retournements de situation + farce + stéréotypes.
Modernité = parole rapportée + pédagogie (dénoncer la souffrance d'un jaloux, monter le processus
de libération d'Agnes = triomphe du naturel).