Victor Hugo, Les Contemplations - III, II: Melancholia

Corrigé d'un devoir dirigé avec notamment la structure apparente de l'introduction et de la conclusion.

Dernière mise à jour : 06/03/2022 • Proposé par: danielle (élève)

Texte étudié

[...]

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : - Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? que veut-il ?
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

[...]

Victor Hugo, Les Contemplations - III, II

I. l’introduction générale et particulière du poème

En vous servant du paratexte, rédigez l’introduction générale et particulière du poème en respectant la grille des critères d’évaluation suivante :

a) Phrase amorce

Victor Hugo, chef de file de l’école romantique, s’est impliqué dans la vie sociale et politique de son époque.

b) Contextualisation du texte

Dans son poème « Melancholia » extrait du recueil poétique intitulé Les Contemplations, il évoque le travail dur et pénible des enfants.

c) Présentation et explication du contenu

Dans ce poème polémique, Hugo a recours au registre pathétique pour persuader ses contemporains de l’atrocité que représente le travail des enfants.

d) Problématique

Comment Hugo arrive-t-il grâce à l’écriture poétique à dénoncer ce problème social et à sensibiliser ses contemporains à l’exploitation du travail des enfants ?

e) Plan

Nous montrerons dans un premier temps que c’est un poème argumentatif, dans second temps nous évoquerons l’exploitation des enfants au travail, pour enfin démontrer que ce texte est un poème engagé.

II. Développez l'axe suivante: l’exploitation du travail des enfants

Tout au long de son poème Hugo décrit avec indignation l’exploitation des enfants au travail.

a) L’aspect physique des enfants

Tout d’abord, le poète souligne l’aspect physique des enfants en commençant son poème par une triple interrogation appuyée par la négation « pas un seul ne rit » (v. 1) qui traduisent l’état psychique des enfants qui sont loin d’être heureux. En effet, leur état de santé ne leur permet pas de vivre pleinement leur enfance comme le souligne au vers 2 l’emploi du substantif « fièvre » et du verbe « maigrit ». de plus, il a recours aux couleurs blafardes pour mettre en relief leur état de santé « quelle pâleur ! » (v.12), une idée appuyée par l’expression « la cendre est sur leur joue » qui rappelle le charbon que ces êtres, manipulés par les adultes, extraient toute la journée, et qui connote aussi la mort certaine à laquelle ils sont condamnés à cause des mauvaises conditions du travail qu’ils exercent et qui n’est pas destiné à ces « doux êtres pensifs » (v.2)

b) La durée du travail industriel et son aspect répétitif

Ensuite, le poète met en lumière la durée du travail industriel et son aspect répétitif en précisant aux vers 4- 5 les longues heures consacrées au travail « quinze heures », une idée renforcée par l’emploi de l’hyperbole « de l'aube au soir » (v.5). Quant à l’adverbe « éternellement » employé dans ce même vers, il souligne la répétition de ce travail qui abrutit les enfants au lieu de les aider à s’épanouir. Cet aspect répétitif est mis en valeur par l’emploi des répétitions « ils s’en vont » (v.4), « ils vont » (v.5), « dans la même prison, le même mouvement » (v.6) comme si ces petits sont des prisonniers condamnés aux travaux forcés.

c) La dureté du travail industriel

Enfin, le poète insiste sur la dureté du travail industriel effectué par ces enfants, un travail monstrueux et inhumain où ils sont traités comme des esclaves comme le marquent les antithèses au vers 9 appuyés par le parallélisme de construction « innocents / bagnes », « anges / enfer » et qui soulignent l’injustice exercée sur ces enfants innocents. Hugo compare le monde des usines et la mine à un enfer mais aussi à un monstre « hideux » (v.8) qui avec ses « dents » « mâchent on ne sait quoi dans l’ombre » ; il souligne ainsi la terreur dans laquelle les enfants travaillent marquée par les allitérations en « m, r, ch » qui mettent en valeur la menace que ce travail représente pour les enfants.

III. Rédigez la conclusion suite à votre commentaire

a) Bilan

En conclusion, Melancholia est un poème engagé à visée argumentative qui dénonce par la poésie réaliste et pathétique l’exploitation des enfants dans les usines, l’une des injustices sociales qui marquaient son époque.

b) Élargissement

En essayant d’améliorer le sort des pauvres et des mineurs de son époque, ce poème illustre un des aspects de l’ensemble des ouvrages de Victor Hugo, celui de lutter contre toute forme d’injustice, d’où la ressemblance avec son œuvre Les Misérables.

IV. Justifiez l’emploi des phrases interrogatives et exclamatives dans ce poème

a) L'étonnement

Le poète a recours aux phrases interrogatives ; en effet, Le poème commence par une triple interrogation partielle à partir du même adverbe et du même verbe « où vont » (v.1) qui vise à interpeler le lecteur et à attirer son attention sur ce phénomène social . Ce vers s'ouvre sur l'image d'un groupe important « tous ces enfants », caractérisé par une négation totale « dont pas un seul ne rit » qui traduit l'absence de ce qui fait le charme de l'enfance, le sourire ; cette interrogation exprime aussi son étonnement face à deux phénomènes bizarres : des enfants qui ne rient pas et des fillettes qui cheminent seules.

b) L'indignation et la colère

Plus tard, Hugo use de l’interrogation pour exprimer son indignation face au progrès responsable de ce massacre auprès des enfants « Le progrès dont on demande, où va-t-il ? » L'indignation et la colère du poète s'expriment par de nombreux points d'exclamation «Ô servitude infâme imposée à l'enfant ! » ; ces exclamations insistent ensuite sur la mauvaise santé de ces pauvres enfants « quel pâleur ! » « rachitisme ! ». L'emploi au vers 14 de l'adverbe exclamatif « hélas » relève du pathétique et a pour but de susciter la pitié du lecteur.

Enfin, dans les derniers vers du poème, le poète intensifie l’emploi des phrases exclamatives pour exprimer clairement et franchement sa colère soulignée par la reprise anaphorique de l’adjectif « maudit », cette stratégie vise à combiner sa propre souffrance avec celle des enfants afin de toucher encore plus profondément le lecteur.