La raison peut-elle rendre raison de tout ?

Annale bac 2017, Série ES - France métropolitaine

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Dernière mise à jour : 10/12/2021 • Proposé par: Nono68 (élève)

Rendre raison d’une thèse, c’est la justifier, donc c’est établir une vérité. Pourvoir rendre raison de tout serait alors pouvoir donner à toutes les thèses existantes des fondements indubitables. La meilleure façon serait alors d’utiliser la démonstration. Le plus célèbre mathématicien et physicien du XXe siècle, Albert Einstein écrivit un jour que « La science sans religion est boiteuse, mais la religion sans sciences est aveugle ». L'attrait de cette citation réside dans la mise en évidence du lien qui existe entre science et religion. Effectivement d'un premier abord on aurait tendance à penser que la croyance religieuse et la recherche scientifique sont deux choses bien distinctes si ce n'est tout à fait opposées. La religion est fondée sur des croyances qui cherchent à expliquer ou trouver un sens à la vie humaine tandis que les sciences se traduisent par la recherche de la vérité et de la compréhension du fonctionnement de l'Univers par la théorisation. On constate, dans ces deux cas, la volonté forte très ancienne de comprendre la place de l'Homme dans l'Univers. De nos jours nous avons pris l'habitude de laisser la raison et la logique régir notre quotidien. Mais pourquoi avoir fait ce choix ?

La raison, l'outil qui permet de distinguer le vrai du faux, le bien du mal, l'utile du nuisible et le juste de l'injuste permettrait-elle donc de mettre fin à toutes ces questions humaines qui obsèdent Homo Sapiens depuis si longtemps ? Pour tenter de répondre à cette question, nous commencerons par voir si la raison peut-elle rendre compte de la totalité du réel. Ensuite nous nous attarderons sur les failles et les défauts de ce mode de pensées qui laisse présager des paradoxes. Enfin nous reviendrons sur notre manière de percevoir et d'analyser le monde par le prisme de la raison.

I. La raison peut rendre compte d'une partie du réel

Depuis que l'humain en temps qu'Homo Sapiens est doué de la capacité de réflexion, il cherche à comprendre le monde qui l'entoure et par conséquent la place qu'il occupe dans celui-ci. Pour se faire, il a eu recours à deux moyens qui semblent proches, mais qui sont en réalité bien différents : la croyance et la théorie scientifique. En s'attardant sur l'histoire de l'humanité, on peut se rendre compte que ces deux pratiques n'ont pas toujours été distinguées. Albert Einstein était par ailleurs un fervent religieux, comme de nombreux scientifiques de haut vol de nos jours. Les deux systèmes basent leurs prédictions sur des hypothèses. Dans le cas de la religion, la théorie est définie comme étant vraie sans avoir été prouvée préalablement elle relève alors de l'ordre de la croyance, car c'est une certitude subjective. La théorie scientifique quant à elle ne peut et ne pourra être déclarée vraie, même après de nombreux essais fructueux, car elle doit accepter de pouvoir être réfutée pour rester une théorie et continuer de faire avancer la science. Effectivement les sciences sont, de nos jours le système de compréhension du monde le plus efficace trouvé, car il permet de prédire de manière plutôt exacte les événements futurs. Cette justesse de prévision trouve racine dans la remise en question constante des théories scientifiques qui permet ainsi la création de nouvelles hypothèses ou au contraire d'asseoir l'efficacité de celles déjà existantes. Les sciences ne peuvent donc être des vérités universelles et absolues, mais elles tendent néanmoins vers la vérité absolue grâce à la recherche et à la réflexion.

La raison qui régit le fonctionnement des sciences permet d'apporter des réponses cohérentes aux problèmes modernes, mais voyons maintenant comment la raison fonctionne-t-elle. L'Homme semble donc très attaché à la compréhension du fonctionnement de l'Univers : il cherche une explication, une raison. C'est l'incompréhension née du doute ou d'un paradoxe qui pousse l'humain à dépasser les frontières du monde connu pour trouver une réponse logique. On pourrait par ailleurs comparer cette quête de vérité à l'enquête d'un inspecteur de police, car comme celui-ci le chercheur démarre ses recherches à partir d'un fait problématique duquel il développe plusieurs pistes de réflexion ou hypothèses qu'il met à l'épreuve pour qu'il ne reste, pour finir, qu'une seule possibilité valable et logique. L'historien est un bon exemple du travail type de n'importe quel scientifique, car il s'évertue à enquêter sur le passé d'une civilisation. Il ne s'agit pas de retrouver simplement l'ordre des évènements comme lors de la datation de roches en géologie, mais bien de comprendre les raisons qui ont entraîné ces décisions. Contrairement aux autres sciences dures I‘histoire n'a pas vocation à prédire ou modéliser le futur. C'est pourquoi certains historiens disent de l'Histoire qu'elle « ne permet pas de prévoir le futur, mais de comprendre le présent »), ce qui n'est pas forcément une tâche plus aisée puisqu'étudier le passé revient à analyser un phénomène déjà révolu et par conséquent qui n'est plus réel. On ne peut qu'en déceler les effets plus où moins estompés qui sont trouvables dans notre présent immédiat. L'historien doit donc faire face à cette première difficulté qui est que l'objet qu'il étudie n'existe pas à proprement parler, mais qui plus est les témoignages sur lesquels il s'appuie sont subjectifs et partiels, un écueil que ne rencontrant pas la plupart des autres scientifiques, car leur recherchent se basant sur des faits objectifs.

II. La raison fait néanmoins apparaître des paradoxes

La raison peut-elle néanmoins expliquer tous les fondements, les lois du réel ou connaît-elle des limites ? Nous verrons dans un premier temps s'il n’y a rien dont la raison ne puisse pas rendre raison puis si cette faculté résiste à l'irrationnel et enfin les dangers d'une raison de tout.

Comme le disait Aristote dans La Physique « Rien n'arrive sans raison » ; autrement dit rien n'arrive par hasard, sans avoir été déterminé par une cause qui lui est propre. Les sciences sont le domaine dans lequel on cherche à rendre raison de tous les phénomènes, c'est ce que pense les sophistes qui, eux, affirmaient qu’il n'y avait pas de vérité commune, mais qu'il n'y avait que des opinions. Le propre de l'homme est dans l'art de raisonner face à ce qui l'entoure, dans un recul distant et réfléchi, à pouvoir s'adapter aux choses. Ce pouvoir qu'est « la raison » le rend apte à avoir un avis ou une vue sur toutes les choses et à ne rien laissé différent. Par exemple dans l’allégorie de la caverne, le choix de laisser un esclave s'échapper lui permet non plus de percevoir et donner une explication avec ses amis à ce qu'il voit dans la grotte, mais de créer son propre raisonnement logique et d'analyser tout son environnement en partant de fausses idées pour en créer des meilleures, c'est ça le don que possède l'être humain. Pour Platon et Aristote la philosophie est le domaine par lequel on accède à la vérité des phénomènes naturels jusqu'à la question de l'origine de l'univers en vertu de savoir, comprendre ou expliquer pourquoi les choses sont telles quelles sont ? Quelles sont leurs origines ? On retrouve un rapport entre la raison et le réel : nous avons accès à la raison par le réel grâce à un ordre ; il y a une sorte de lien intime entre ces deux derniers, la raison explore le réel rationnel c'est pourquoi elle peut rendre raison de toute chose. Comme disait Friedrich Hegel dans les Principes de la philosophie du droit ou encore aujourd'hui, la « théorie scientifique du tout » est une théorie qui regrouperait toutes les doctrines scientifiques. On remarque donc qu'il y a une histoire au fil des siècles qui aujourd'hui à sa pertinence. Certains penseurs comme Emmanuel Kant dans la Critique de la raison pure, expriment l'idée que ce qu'on ne peut connaître, nous pouvons au moins le penser. À l'inverse la raison peut couvrir tout le champ du réel, elle est immense et rien ne peut lui échapper, elle peut donc rendre raison de tout.

Les sciences modernes sont basées sur un courant philosophique nommé le déterminisme, c'est-à-dire la croyance en laquelle tout phénomène est nécessairement l'effet d'une cause. Mais de ce simple énoncé résulte un énorme problème : si l'on part du principe que tout phénomène dépend forcément d’une cause alors on ne peut tout expliquer, car chaque cause nécessitera elle-même une cause. Ce paradoxe se nomme la régression à l’infini, car par ce qui procède on ne trouve jamais de cause élémentaire qui expliquerait tout le reste de la chaîne de causalité. La science elle-même est incapable de nos jours de trouver une solution à ce problème d'où la grande question de notre époque : « Pourquoi l'Univers a-t-il commencé ?». Le prix Nobel et physicien Roger Penrose a émis l'hypothèse que le Big Bang ne serait qu'une singularité dans un ensemble d'expansion et de contraction de l’Univers (pour donner une image, on pourrait parler ici de cœur battant), c’est ce qu'il a appelé la « cosmologie cyclique conforme ». Mais en admettant que cette théorie soit plausible, la même question se pose à nouveau :« Pourquoi fonctionne-t-il ainsi ? Quand a commencé le premier « battement » ? ». Le scientifique s'apparente ici à un enfant qui ne cesse de poser une seule et même question en boucle : « Pourquoi ? » jusqu’à ne plus obtenir aucune réponse et être contraint de chercher la solution par lui-même. Aussi, ici la raison n'est-elle d'aucune utilité, car elle ne peut permettre de trouver la solution à toutes les questions, car dès qu'une réponse sera trouvée, une nouvelle question se posera à ceci, indéfiniment.

L'essence même de la science peut donc être remise en question par son fonctionnement, mais d'autres principes qui la composent peuvent également la fragiliser. Dans la science même la raison atteint donc des limites et ne peut donc rendre raison de tout, mais voyons à présent ce qu’il en est dans les autres domaines. Si nous revenions à la définition originale de la rationalité, cela nous permettrait de distinguer le bien du mal. Les faux droits et les personnes utiles nuisibles peuvent facilement abandonner considérant que la raison ne peut pas décider dans certains cas. En effet, il n'y a pas de "bonne" solution au problème. Par exemple, l'expérience de pensée menée par la philosophe Philippa Foot en 1967 est également connue sous le nom de "dilemme du tramway". Dans cette expérience, les sujets étaient confrontés à un dilemme : ne rien faire et blesser un groupe de personnes, ou simplement agir et tuer une personne. Évidemment, on peut changer des facteurs : par exemple, une personne peut être étroitement liée au sujet, ou un groupe de personnes peut être composé de délinquants. Il n'y a pas de solution prédéfinie, car elle correspond à nos mœurs et aux sentiments de chacun. Quelle que soit la solution adoptée, elle sera toujours remise en cause, car dans ce cas il n'y a pas de "bonne" solution : c'est une solution moins mauvaise. Surtout dans le domaine politique. Certaines décisions prises par le gouvernement ne peuvent être qualifiées de bonnes ou mauvaises, ils peuvent avoir du sens, mais les opposants politiques peuvent toujours trouver des failles et des failles dans ces choix ou méthodes de mise en œuvre. Par conséquent, nous pouvons penser que si la raison ne peut pas résoudre les problèmes humains ou est liée à notre éthique, c'est très simple, car les êtres humains ne peuvent pas se limiter à des faits objectifs. Chronométrez son choix (consciemment ou inconsciemment), puis n'en montre pas la raison.

La raison bien qu'étant très efficace la majeure partie du temps et très utilisée dans le domaine scientifique présente donc un paradoxe majeur : la régression à l'infini, mais également de nombreuses lacunes ou contresens dans les sciences qui permettent de remettre perpétuellement en question nos connaissances dans ce domaine. Enfin dans notre quotidien la raison ne peut permettre de résoudre les problèmes humains simplement parce que l'homme n'agit pas toujours de manière rationnelle. Essayons maintenant de remettre en question notre vision du monde et de la raison.

III. Surtout notre raison présente des biais qui doivent amener à la prudence

Au cours d'un texte, Einstein nous démontre toute la complexité et l'absurdité du métier de scientifique qu'il compare à un artisan qui cherche à comprendre « le mécanisme d'une montre fermée ». Effectivement le rôle du chercheur serait ici d'essayer d'élaborer une théorie qui expliquerait par quel phénomène les aiguilles se déplacent sans pour autant ne jamais pouvoir la vérifier en ouvrant la montre. Ainsi si un seul des mouvements des aiguilles ne correspond pas aux prédictions de la théorie, tout le travail de réflexion doit être repensé. Un peu comme un insecte qui construirait un édifice très complexe, mais qu'un simple coup de vent pourrait détruire totalement, il serait alors contraint de le rebâtir entièrement. Pour en revenir à notre montre, même si un scientifique émet une hypothèse scientifique parfaitement logique et efficace (un édifice parfait qui résisterait à n'importe quel coup de vent) cela signifie-t-il pour autant que ce soit la seule solution possible ? Existerait-il alors qu'une seule réponse au problème ? Jamais nous ne le saurons, mais il est important de garder cette idée en tête et pourquoi pas de remettre notre mode de réflexion en question.

Comme nous venons de le dire, notre vision du monde varie en fonction des différentes expériences que nous avons du monde sensible qui nous entoure, nous sommes aiguillés par notre perception de l'environnement dans lequel nous vivons. C'est pourquoi nous pouvons nous demander si nous réfléchissons aux problèmes scientifiques de la bonne manière ? Ne ferions-nous pas une grossière erreur ou un contresens total en cherchant une solution grâce à notre système actuel, le déterminisme qui semble de loin le plus efficace, mais qui est victime d'un paradoxe majeur : la régression à l'infini ? Je voudrais faire une analogie avec l'histoire pour que cette question soit un peu plus claire. Nous savons par exemple qu'au XVIIe siècle de nombreuses révoltes ont eu lieu, nous savons également que quelques temps avant, le prix des impôts avait augmenté alors la première hypothèse qui a été émise est que cet évènement qui a conduit à ces incidents. C'est un argument logique pour nous, européens du XXIe siècle, car de nos jours nous avons pu observer que l'augmentation des taxes peut mener à des mouvements de révolte (comme le mouvement des Gilets jaunes en France). Néanmoins certains historiens qui travaillent sur cette époque semblent penser que cet événement aurait pu être davantage lié aux défaites successives du roi Louis XIV, des défaites qui étaient un marqueur très important à l'époque pour jauger l'efficacité d'un monarque, bien plus qu'un alourdissement des taxes. Cet exemple est intéressant, car il met en lumière l'importance de notre vécu dans la compréhension du monde, tout comme notre mode de pensée moderne pourrait mener à des anachronismes en Histoire, peut être peut-il aussi entraîner des contresens dans d'autres domaines tels que les sciences physiques ?

Notre mode de réflexion pourrait donc être influencé par notre vécu nous empêchant ainsi de répondre correctement à une question, mais peut-on simplement rendre raison de tout ? On peut se demander s'il existe un moyen facile, quel qu'il soit qu’il puisse tout expliquer et tout prouver. Si la raison échoue parfois à résoudre des problèmes, la religion est-elle le seul moyen d'apporter certaines vérités ? Pouvons-nous le faire ? Si nous n'avons pas toutes les réponses aujourd'hui, est-ce parce que nous n'avons pas encore la technologie nécessaire, ou est-ce juste au-delà de notre capacité à comprendre ou à imaginer ? Par exemple, nous pouvons nous concentrer sur un gros problème qui a toujours tourmenté l'humanité : comment tout a-t-il commencé ? Certaines personnes religieuses diront que notre univers est le résultat d'une entité supérieure, qui a créé l'univers en déclenchant le Big Bang, tandis que d'autres dont nous avons discuté précédemment sont plus enclins à se conformer à l'hypothèse de la cosmologie périodique. Aucune de ces théories ne peut être prouvée, car elles ne peuvent pas être prouvées. Dans le cas de la cosmologie cyclique conforme (une chaîne d'expansions puis de contractions de la matière dans l'Univers) on peut se demander à quoi « appartient » cette sorte d'organisme qui se rétracte et se dilate ou bien s'il « existe » depuis toujours, comment pourrions-nous vérifier cette hypothèse si tous les astres y sont « détruits » puis « reconstruits » ? Aurons-nous un jour les capacités de répondre à cette question ou est-ce simplement impossible pour nous, êtres humains ? Nous continuons donc à chercher des réponses dans les mystères qui nous entourent, les trous noirs pour certains, les paroles divines pour d'autres, sans être sûrs de pouvoir y trouver une solution définitive.

Conclusion

Pour conclure, nous pouvons être sûrs que la raison est indispensable dans notre monde actuel, c'est le moyen le plus efficace de répondre au mystère qui nous entoure. Cependant, comme tout outil, il présente des défauts et des limites qui peuvent nuire à son efficacité et amener certaines personnes à le remettre en question. C'est pourquoi de nombreux scientifiques se sont tournés vers la voix divine lorsqu'ils ont réalisé la magnificence, la complexité et l'immensité de la nature et de l'univers alors que la raison était incapable de fournir des réponses satisfaisantes. Enfin, on peut s'interroger sur la nature de notre rationalité et comment nous l'utilisons, tout comme un couteau émoussé qui ne se coupe pas correctement, la rationalité n'aura peut-être qu'à être retravaillée et affûtée pour réparer ses anciens défauts et répondre le plus possible aux problèmes possibles des humains.