Zola, Mon Salon - L'Evénement, le 7 mai 1866: Eloge de Manet

Analyse réalisée en première générale. Note obtenue: 14/20

Dernière mise à jour : 20/09/2021 • Proposé par: will_thn (élève)

Texte étudié

Le tempérament de M. Manet est un tempérament sec, emportant le morceau. Il arrête vivement ses figures, il ne recule pas devant les brusqueries de la nature, il rend dans leur vigueur les différents objets se détachant les uns sur les autres. Tout son être le porte à voir par taches, par morceaux simples et énergiques. On peut dire de lui qu'il se contente de chercher des tons justes et de les juxtaposer ensuite sur une toile. Il arrive que la toile se couvre ainsi d'une peinture solide et forte. Je retrouve dans le tableau un homme qui a la curiosité du vrai et qui tire de lui un monde vivant d'une vie particulière et puissante.
Vous savez quel effet produisent les toiles de M. Manet au Salon. Elles crèvent le mur, tout simplement. Tout autour d'elles s'étalent les douceurs des confiseurs artistiques à la mode, les arbres en sucre candi et les maisons en croûte de pâté, les bonshommes en pain d'épices et les bonnes femmes faites de crème à la vanille. La boutique de bonbons devient plus rose et plus douce, et les toiles vivantes de l'artiste semblent prendre une certaine amertume au milieu de ce fleuve de lait. Aussi faut-il voir les grimaces des grands enfants qui passent dans la salle. Jamais vous ne leur ferez avaler pour deux sous de véritable chair, ayant la réalité de la vie ; mais ils se gorgent comme des malheureux de toutes les sucreries écoeurantes qu'on leur sert.

Zola, Mon Salon - L'Evénement, le 7 mai 1866

Au XIXème siècle, la critique envers l’art est très pratiquée par les écrivains. Après avoir visité une exposition, ils en feront une sorte de compte rendu, sous forme d’essais ou d’articles publiés dans la presse. Aujourd’hui le texte qui nous intéresse se nomme, Mon Salon d'Emile Zola, écrit en 1866. Dans ce texte, l’auteur prend la défense et dresse un portrait élogieux d’un peintre original proche du naturalisme, Edouard Manet.

Comment est construite l’éloge d’un peintre dans ce texte ? Tout d’abord nous analyserons en quoi Manet est original selon Zola, ensuite en quoi Manet s’approche du naturalisme, et enfin que provoque cette originalité vis-à-vis du public.

I. L'originalité de Manet

Dans ce texte Emile Zola décrit toutes les caractéristiques faisant d'Edouard Manet un artiste en décalage, original par rapport à d’autre artiste de cette époque. En effet dans l’extrait de texte fournit les premiers mots de Zola sont « Le tempérament de M. Manet est un tempérament sec, emportant le morceau », « un tempérament sec » fait référence au fait que M. Manet était quelqu’un de franc disant les choses comme elles le sont, et non pas comme les gens souhaiteraient les entendre. Il s’arrête au minimum et ne soucie pas des émotions qu’il peut transmettre vis-à-vis des gens. Ligne 4 « Tout son être le porte à voir par taches, par morceaux simples et énergiques. », « Tout son être » souligne le fait qu’il ne pensait d’une seule manière et qu’il n’avait pas de penchant à changer sa manière de penser.

La manière dont M. Manet structure sa pensée, « par taches » puis « par morceaux simples et énergiques », lui octroie une vision que seule lui arrive à avoir en rassemblant les éléments entre eux (« par morceaux simples et énergiques »). Cette façon de penser, de structurer son esprit de cette manière reflète une sorte de facilité à peindre, « On peut dire de lui qu’il se contente de chercher des tons justes et de les juxtaposer ensuite sur la toile. » comme si ce qu’il faisait relever d’une facilité déconcertante « se contente ».

L’ensemble de ces adjectifs montre qu'Edouard Manet possédait un tempérament, une personnalité très spéciale, très originale comparée à celles des artistes de la même époque.

II. Manet, proche du naturalisme

Zola affirme que M. Manet est un artiste proche du naturalisme, mais qu’est-ce que le naturalisme ? Le naturalisme est un mouvement littéraire du XIXème siècle qui visait à reproduire objectivement la réalité, en introduisant les sciences humaines et l'expérimentation. Il faut savoir qu'Emile Zola a grandement contribué au naturalisme en le théorisant. M. Manet arrivait à capturer le bon moment à représenter sur ses œuvres « Il arrête vivement ses figures ». Il ne souhaite pas déformer les choses et préfère les montrer comme elles sont naturellement.

« il ne recule pas devant les brusqueries de la nature »: les brusqueries font références aux vérités que peu de monde accepte. Cependant M. Manet « a la curiosité du vrai», ligne 7. Il utilise les objets et les différencies chacun par leur « vigueur » c’est-à-dire que dans chacun de ses tableaux chaque objet possède une certaine vigueur lui permettant de bien se différencier des autres. « il rend dans leur vigueur les différents objets se détachant les uns sur les autres. ».

III. L'effet de cette originalité sur le public

A travers ses tableaux M. Manet montre la vérité tant cachée dont personne ne parle, que personne n'accepte. Ligne 7, Zola affirme qu’il « a la curiosité du vrai »: cela signifie qu’il cherche la vérité, afin de la montrer et de ne pas s’arrêter à ce que tout le monde dit. Les toiles de M. Manet étonnent, marquent les esprits par leur beauté et leur précision, mais aussi par ce qu’elles projettent, la vérité.

« Vous savez quel effet produisent les toiles de M. Manet au Salon. Elles crèvent le mur, tout simplement. ». Elles peuvent même être considérées comme dur parmi toutes ces autres œuvres dites « les douceurs des confiseurs artistiques à la mode ». Ses œuvres marquent les esprits; on pourrait même les qualifier de charismatique.

Conclusion

En conclusion, Emile Zola dans ce texte dresse le portrait d'Edouard Manet. Cependant, au-delà de cette éloge Zola cherche à critiquer d’une certaine manière la société en faisant comprendre que vérité semble être cachée à chacun d’entre nous, en imposant des codes de beauté, notamment par le biais de l’art à cette époque. On peut également faire le lien avec le nom de l’œuvre, qui se nomme Mon Salon, référence à cette époque au « salon », un endroit où les gens pouvaient discuter de la société.