Choisit-on d'être celui que l'on est ?

Dissertation entièrement rédigée en trois parties.

Dernière mise à jour : 21/05/2022 • Proposé par: paulined (élève)

Dans notre vie quotidienne, nous sommes sans cesse amenés à faire des choix qui nous engagent plus ou moins selon les circonstances et le domaine auxquels ils se rapportent. Certains d’entre eux sont des choix assez insignifiants (quelle émission télévisée vais-je regarder ce soir ? Que choisir : la robe bleue ou la noire ?) Mais d’autres peuvent revêtir une importance autrement capitale (collaborer ou résister durant la Seconde Guerre mondiale, par exemple). Quoi qu’il en soit, choisir signifie prendre une décision. Mais avons-nous toujours le choix ? Sommes-nous réellement libres d’exprimer notre volonté à travers nos choix, et plus particulièrement ceux qui touchent au problème de notre identité en tant qu’êtres humains ? Notre physique, mais surtout notre caractère, nous définissent. Or, si nous ne pouvons pas décider de notre physique, ce choix nous étant extérieur, pouvons-nous cependant choisir ce qui constitue notre personnalité ? Ainsi, choisit-on d’être celui qu’on est ?

I. On ne choisit pas d’être celui qu’on est : le rôle de l’inconscient et de l’influence

On ne choisit pas d’être celui qu’on est. En effet, nous ne sommes pas réellement libres de nos actions et donc de nos choix, puisque nous sommes parfois gouvernés par notre inconscient. De temps à autre, un mot m’échappe alors que ce n’était pas celui-là que j’avais prévu de prononcer. Ce phénomène s’appelle un lapsus, et il nous révèle que notre inconscient s’est exprimé malgré nous. Ainsi, il existe une activité du corps et de l’esprit dont les conséquences sont conscientes mais dont les causes ne le sont pas. Le « Moi », nous dit Freud dans son Introduction à la psychanalyse, n’est pas maître chez lui ? Il est confronté au « Ca », qui contient nos caractères héréditaires et où se logent nos principales pulsions dans les domaines de la libido, de l’égoïsme, et de la violence. Le « Moi » doit également respecter la censure imposée par le « Surmoi ». On ne peut donc considérer que nous choisissons d’êtres tels que nous sommes, étant donné que nous ne sommes pas entièrement libres de faire nos actions qui sont inconscientes et qu’il existe une contrainte : le « Surmoi ».

De plus, l’homme est un être sociable. Contrairement à l’animal, il est doté d’une conscience et la conscience étant, selon Hegel, « un réseau de communication » entre les hommes, il est amené à fréquenter des personnes. Or, à moins d’être doué d’une très forte personnalité, l’homme est également un être influençable. Il se reconnaît et existe à travers autrui, tout comme autrui ne se reconnaît et n’existe qu’à travers lui. L’Autre, « c’est ma transcendance transcendée » nous dit Sartre. Mais dans de telles conditions, je prends le risque qu’autrui exerce une certaine influence sur moi. Dans ce cas, les choix que je fais ne sont plus entièrement les miens, ils sont aussi une part des idées que m’a donnée l’Autre, ou éventuellement une part des idées que j’ai pu reprendre à mon compte dans un livre qui m’a plu, par exemple. Au sein d’un groupe d’amis, si tout le monde décide d’aller à la plage alors que j’aurais préféré rester chez moi, il y a de fortes chances pour que finalement j’adopte l’avis de la majorité. Pour pouvoir choisir vraiment d’être celui que j’aurais voulu être, il me faudrait être complètement coupé du monde et de toute influence, me libérer des autres, de la ‘pression du groupe’. C’est pourquoi Kant insiste sur le fait que pour être libre, il faut avoir « le courage de se servir de son propre entendement ».

II. On a toujours le choix 

Cependant, malgré l’action de notre inconscient et de l’influence, nous sommes libres de nous choisir. En effet, l’homme a toujours le choix, et ce sont eux qui déterminent ce qu’il est. Nous choisissons de vivre au sein d’une cité, de rencontrer d’autres personnes, aussi nous choisissons le risque d’être influencés. Et, quand même nous ne choisirions pas, ce serait une illusion. Il est impossible de ne pas choisir, puisque « ne pas choisir, c’est encore choisir de ne pas choisir », nous explique Sartre dans l’Existentialisme est un humanisme. Ainsi, que ce soit par l’intermédiaire du plus bas degré de notre liberté, c’est-à-dire l’indifférence, ou bien par sa plus haute expression, comprenons le libre arbitre, on choisit toujours d’être celui qu’on est, et penser le contraire ne serait que la preuve d’une mauvaise foi indéniable. Pleurer sur mon sort parce qu’aucune sortie n’est prévue ce week-end, c’est choisir de me résigner. Il ne s’agit en aucun cas d’une fatalité. Si je souhaite à tout prix faire quelque chose ce week-end, je n’ai qu’à prendre l’initiative d’organiser une sortie. Sinon, c’est que je choisis de ne pas sortir.

Ensuite, comme nous l’avons vu, l’homme est un être sociable, qui vit en société de la plupart du temps se regroupe avec ses semblables au sein d’une cité. Il choisit donc de ne pas rester à l’état de nature et de passer à celui de culture. Bien sûr, ce choix a été fait avant lui par ses ancêtres. Quand l’homme préhistorique a découvert le feu, il a choisi de s’en servir. Il a donc choisi les conséquences que son acte (se servir du feu) entraîneraient, à savoir son évolution, un changement de sa vie quotidienne. Mais l’homme actuel choisit de rester dans la lignée de cet état d’esprit. Rien ne l’empêche de rejeter la modernité et de retourner à l’état de nature. Mais rester à l’état de nature, ce n’est pas être libre, c’est seulement être sauvage. Pour devenir libre et pouvoir choisir d’être ce qu’il est, l’homme doit choisir le passage à la culture. Il existe deux sortes d’évolutions, nous dit Ruffié. L’une est naturelle et est antérieure à nous. L’autre est culturelle et est le fait de l’homme, des choix de l’homme. La preuve en est que l’évolution naturelle est souvent bien plus longue à s’effectuer que l’évolution culturelle. C’est pourquoi il est juste d’affirmer qu’on choisit d’être celui qu’on est en choisissant d’être homme à l’état de culture et non à celui de nature.

III. Nos choix nous dépassent

Ainsi, on choisit d’être celui qu’on est. Mais en se choisissant, on choisit également l’Homme. Chacune de nos paroles, de nos pensées, de nos actions, nous les choisissons et de ce fait, nous reconnaissons que nous avons eu raison de les choisir. Nous formons ainsi l’image que nous nous faisons de l’Homme. Nos choix entraînent en effet l’humanité entière. Et tous, même le plus petit, même celui qui semble être de prime abord le plus insignifiant, ont leur importance. Car si je choisis par exemple de me marier, c’est que je considère qu’il est bien de se marier. Aucun choix n’engage que moi, tous doivent faire l’objet d’une réflexion attentive de ma part, car ils renvoient l’image que je souhaite donner de l’homme. En ce cas, la liberté de pouvoir choisir d’être celui qu’on est, dans la mesure où mes choix sont liés à ma conviction de l’homme, est lourde à porter. Sartre qualifie même cette responsabilité de « boulet », de « fardeau » pour l’homme.

De même, à travers les choix que nous faisons, nous exprimons notre perception de valeurs telles que la justice. Si nous volons sans scrupule dans un magasin, alors nous considérons que voler est bien, et par conséquent que ne pas voler est contraire à cette morale. Nos actions (et nos choix car nous choisissons nos actions) posent notre conception de la moralité, du Bien et du Mal, de c’est est bon de faire ou de ne pas faire. C’est pourquoi Kant nous recommande de toujours faire « de telle sorte que la maxime de notre action puisse être érigée en loi universelle ». Alors, je ne peux être immoral sans prôner l’immoralité comme valeur universelle, et ainsi de suite.

Conclusion

Pour conclure, nous pouvons dire qu’il est vrai que nous choisissons d’être celui que nous sommes, et que par nos choix non seulement nous choisissons de donner une certaine image de nous, mais nous donnons aussi notre perception de l’Homme et de l’humanité telle que nous la concevons. Ainsi, pouvoir choisir d’être celui qu’on est, c’est faire, en fin de compte, l’expérience d’une immense liberté, qui devient parfois presque une contrainte.