« Nous voulons être libres et jouir de notre vie », proclamaient en 1968 beaucoup de jeunes de cette génération. Ceci est un idéal qui peut sembler impossible, on pourrait alors le qualifier d’utopie.
Mais est-ce si simple ? Les lendemains qui déchantent nous amènent à nous interroger pour savoir si la liberté rend vraiment heureux et surtout à se demander ce qu'est être libre et comment l'on peut définir le bonheur. Le bonheur et la liberté sont-ils opposés ? Être heureux implique-t-il le fait de renoncer à une certaine liberté ? Autrement dit, être pleinement libre veut-il dire renoncer à la béatitude ?
I. La liberté n'est pas de faire tout ce que l'on désire
En latin, "liber" signifie le livre, sans entrave, sans chaînes, par opposition à "servus", esclave. Libertas désignait l'état juridique de l'homme libre par opposition à la condition d’esclave. L'homme libre agit à sa guise, il n'a pas de maître. Les anciens concevaient la liberté dans un contexte historique où l'esclavage allait de soi. La première définition de la liberté est donc l'absence de contraintes, la liberté de faire ce que l'on veut, à condition d'être un homme libre. Cette définition correspond à celle du sens commun : la liberté est l'absence d'obstacles, tout comme la chute libre d'un corps est celle qui ne rencontre pas d’oppositions. Dans ce cas, l'animal aussi est libre : il agit spontanément, sans contrainte sociale. Mais c'est confondre instinct et intention, besoin et volonté. L'homme, conscient de sa destinée de mortel, va construire sa vie en faisant des choix et des projets. Être libre, est-ce donc de pouvoir faire tout ce que l'on veut ? C'est la position du sophiste Calliclès, personnage du Gorgias de Platon. Individu fougueux, passionné, intempérant, Calliclès représente la nature contre la loi. La seule définition possible de la liberté, c'est l'excès, c'est absolument ce que l'on veut, sans aucune contrainte, sans se soucier des autres ni des conséquences de ses actes. Mais agir ainsi, est-ce vraiment être libre ? Le passionné est dépendant de sa passion. Il n'est donc pas libre puisqu'il agit par rapport à elle. La liberté n'est pas l'assouvissement de tous les désirs ni le rejet de toute autorité. Ce que Calliclès oublie, c'est que vivre sans contraintes, c'est vivre seul. En effet, toute société est régie par des lois, donc par des restrictions, des compromis, parfois même des sacrifices. Mais si, comme le dit Aristote, l'homme est par essence