Bergson, L'Energie spirituelle: Passé, futur et conscience

Travail personnel fait en classe en 3 heures. Note : 16/20. Appréciation du professeur : Travail sérieux. Explication satisfaisante. Des efforts d'analyse conceptuelle et de questionnement.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: blueyes89 (élève)

Texte étudié

Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir nous sommes penchés: s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir. Mais à quoi sert ce pont, et qu'est ce que la conscience est appelée à faire ? Si la conscience retient le passé et anticipe l'avenir, c'est précisément, sans doute, parce qu'elle est appelée à effectuer un choix : pour choisir, il faut penser à ce qu'on pourra faire et sé remémorer les conséquences, avantageuses ou nuisibles, de ce qu'on a déjà fait; il faut prévoir et il faut se souvenir. [ ... ]
Qu'arrive-t-il quand une de nos actions cesse d'être spontanée pour devenir automatique? La conscience s'en retire. Dans l'apprentissage d'un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutions, parce qu'il vient de nous, parce qu'il résulte d'une décision et implique un choix; puis, à mesure que ces mouvements s'enchaînent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d'autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l'aurons fait? Les variations d'intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable du choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu'il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c'est que conscience est synonyme de choix.

Bergson, L'Energie spirituelle

Le thème fondamental de l'extrait tiré de l’œuvre de Bergson "L'énergie spirituelle" (1919 ) c'est la conscience de l'Homme. Deux idées importantes émergent de ce texte : Qu'est - ce que la conscience? et Quels sont les différentes intensités de la conscience?
La thèse de l'auteur n'apparaît qu'à la fin du texte. Bergson prétend que "si conscience signifie mémoire et anticipation, c'est que conscience est synonyme de choix".
Cette thèse peur répondre, en un certain sens, au grand problème philosophique qui est de définir la conscience.

Bergson indique dès la première phrase ce qu'est pour lui la conscience. Il commence par "ce que nous percevons". "Nous" renvoie ici à l'humanité en général. Cela veut dire que tout homme est capable de percevoir. Mais que signifie ici percevoir? Est-ce percevoir des idées, des sensations?
La perception est une forme de conscience, accompagnée déjà par la volonté de compréhension et de réflexion. Donc percevoir, c'est avoir conscience. Et donc la faculté d'avoir la conscience est universelle, commune à tout homme. L'homme est donc doué de conscience, il est capable de percevoir. Et ce qu'il perçoit "c'est une certaine épaisseur de durée". Est-ce qu'ici la durée veut dire temps? C'est alors une idée, une conception, une représentation subjective, le "nous" désignant l'humanité toute entière. La durée est perçue par tout homme doué de conscience, mais pas de la même manière, d'où la formule "une certaine". Par notre façon de percevoir cette durée, on peut dire qu'elle se divise en deux. On peut, grâce à notre conscience, clairement distinguer le passé et le futur. L'auteur parle ici du "passé immédiat" et de l"avenir imminent". Mais on peut également dire qu'il y a un présent. Certes, l'auteur nous parle ici d'une durée : celle du passé et celle de l'avenir mais ne peut-on pas dire que la durée ce n'est que du présent? Le temps, la durée existent-ils vraiment ou ne sont-ils que des représentations de la conscience de l'homme?
L'homme a pour base son passé et comme objectif son avenir. Et le présent c'est sa conscience. L'homme est solidement tenu par ce qu'il a vécu et il est toujours à la recherche de choses nouvelles, d'expériences nouvelles. Il n'oublie jamais son passé et il attend l'avenir. Il est conscient donc de cela. Sa faculté de conscience relie ces deux durées et en fait un présent. L'homme est comme uni par le fait qu'il ait conscience du passé et de l'avenir. Ces durées font parties de lui comme un tout et sont rassemblés dans le présent. Mais pourquoi faut-il prendre conscience? A quelle nécessité la conscience répond-elle? La réponse de l'auteur est d'"effectuer un choix". C'est donc faire usage de son libre-arbitre. Avoir conscience c'est faire des choix, donc être libre. Et pour choisir il faut penser, donc avoir conscience. En effet, l'expérience vécue et l'expérience à venir sont étroitement liées, et l'homme a le choix en fonction de ce qu'il a vécu de choisir en partie son avenir. Il est libre de se comporter comme il le veut devant un problème et donc il est libre de tracer son propre chemin. Il peut se souvenir des conséquences de ses actes, qui ont d'ailleurs été bonnes ou mauvaises, et anticiper sur ce qu'il fera plus tard.
Avoir conscience pour Bergson, dans un premier temps, c'est donc "se souvenir" et "prévoir" . Pour lui, tout homme est doué de conscience et l'homme, en tant qu'être conscient, peut faire des choix, donc il est libre. Se pose maintenant le problème de savoir s'il existe des degrés de conscience, si on peut être plus ou moins conscient selon une situation donnée. Et arrive-t-il des cas où la conscience disparaît complètement?

Pour Bergson, il existe en effet des cas où la conscience de l'homme disparaît à un moment. Que signifie le terme « disparaître » ? La conscience disparaît-elle entièrement ou en partie ? Est-ce qu’on peut avoir conscience que notre conscience a disparu ?
Bergson nous dit que cette conscience, l’intensité de cette conscience décroît pour enfin disparaître . Et il s’appuie sur l’exemple de l’apprentissage. En répétant systématiquement une action, l’homme, à la fin, arrive à la reproduire mécaniquement, instinctivement, sans le moindre effort intellectuel et donc sans conscience. Au contraire, la première fois où il fait cette action, l’homme a besoin de comprendre, de réfléchir et donc d’avoir conscience de l’enchaînement des gestes à faire, du choix des gestes à faire. Il fournit alors un effort intellectuel et il a alors une très forte conscience. Au fur et à mesure de l’apprentissage et de la compréhension, les gestes sont acquis et la conscience des choix, de l’enchaînement des gestes diminue pour ne plus intervenir. La conscience « se retire ». elle quitte alors la pensée humaine et se transforme en action automatique. En réalité, est-ce que la conscience peut sortir de l’homme ? Est-ce qu’elle est indépendante e peut elle décider elle-même à quitter la pensée humaine ? Est-ce que la conscience pense dans ce cas-là pour prendre la décision de se retirer ?
Bergson nous dit donc que l’apprentissage « implique un choix » et « résulte d’une décision ». De quelle choix ou de quelle décision veut Bergson nous parler ici ? Est-ce le choix de l’exercice à apprendre ? D’autre part, l’auteur nous indique que le mécanisme nous dispense de décider et de choisir. Et il nous précise que la conscience disparaît lorsque nous effectuons quelque chose mécaniquement. N’est-il pas vrai qu’en respirant ( la respiration étant une action mécanique ) je peux décider à tout moment de ne plus respirer ? De plus, j’ai conscience que je respire et je peux précisément faire le choix de ne plus respirer. Selon Bergson, la conscience a donc la capacité de diminuer et de disparaître lorsqu’une action effectuée devient mécanique. A ce moment-là il n’y a pas de choix à faire, il n’y a pas besoin de réfléchir à l’enchaînement des gestes. Mais ce n’est pas la conscience de l’homme qui disparaît, ce n’est pas sa conscience en tant que conscience de tout être humain, c’est juste la conscience de l’action à faire, des gestes à produire.
De plus, quand l’homme est confronté à des problèmes importantes, quand il a des choix essentiel à faire, pour Bergson c’est à ce moment-là que l’intensité de la conscience humaine est de plus grande ampleur. C’est précisément, et Bergson insiste, aux « moments de crise intérieure ». Il y a alors quelque chose qui ne va pas à l’intérieur de l’homme. L’intérieur, donc la pensée de l’homme. Le sujet hésite et il y a une confrontation d’idées, de choix dans sa pensée, dans sa conscience. C’est l’hésitation entre différentes choix à faire qui fait que le niveau de conscience augmente. Ces choix sont décisifs. Bergson nous parle de « création ». Pourquoi utilise-t-il ce terme pour parler des choix ? Faire un choix c’est donc créer. Mais crée quoi ? Peut-être ce sont des actions, des décisions qui seront visibles sur notre conduite. Le choix ou la création permet alors à l’homme de se conduire d’une manière ou d’une autre. C’est donc faire avancer l’expérience, la vie de l’homme en « créant » ( en faisant des choix son parcours, son chemin.
La conscience c’est donc la création, le choix. Bergson dit que « tout porte à croire » et « conscience en général ». Donc cette définition n’est pas définitive. C’est l’expérience, son expérience qui l’a amené à conclure, à croire que conscience c’est le choix. Et ce n’est pas la conscience en particulier mais en général. L’auteur termine donc par une définition qu’il juge la plus judicieuse de la conscience : « si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que la conscience est synonyme de choix ». Il faut donc à la fois que la conscience soit et mémoire et anticipation pour que conscience soit choix.