Hegel, Esthétique: Consience de soi-même

Ce commentaire expose un plan proposé par un professeur et rédigé par un élève. Il contient une introduction, deux grandes parties, une conclusion ainsi qu'une ouverture à la critique.

Dernière mise à jour : 15/10/2023 • Proposé par: champomy54 (élève)

Texte étudié

Cette consience de lui-même, l'homme l'acquiert de deux manières : théoriquement, en prenant conscience de ce qu'il est intérieurement, de tous les mouvements de son âme, de toutes les nuances de ses sentiments, en cherchant à se représenter à lui-même, tel qu'il se découvre par la pensée, et à se reconnaître dans cette représentation qu'il offre à ses propres yeux. Mais l'homme est également engagé dans des rapports pratiques avec le monde extérieur, et de ces rapports naît également le besoin de transformer ce monde, comme lui-même, dans la mesure où il en fait partie, en lui imprimant son cachet personnel. Et il le fait, pour encore se reconnaître lui-même dans la forme des choses, pour jouir de lui-même comme d'une réalité extérieure. On saisit déjà cette tendance dans les premières impulsions de l'enfant : il veut voir des choses dont il soit lui-même l'auteur, et s'il lance des pierres dans l'eau, c'est pour voir ces cercles qui se forment et qui sont son oeuvre dans laquelle il retrouve comme un reflet de lui-même. Ceci s'observe dans de multiples occasions et sous les formes les plus diverses, jusqu'à cette sorte de reproduction de soi-même qu'est une oeuvre d'art.

Hegel, Esthétique (traduction Jankélévitch)

Hegel distingue dans son extrait une vision dualiste de la conscience de soi. En effet l’auteur fait référence à deux prises de conscience de soi et non à une seule. Il nuance d’abord en une première manière une démarche théorique, le fait d’avoir recours à l’introspection. Puis en une seconde manière, une démarche pratique qui est de l’ordre de la projection, en d’autres termes, de l’extériorisation. Cette dernière est donc considérée comme opposée et symétrique de la première qui elle est brève, car commune.

Ainsi, il est intéressant de distinguer les deux manières opposées et symétriques de prendre conscience de soi que l’auteur met en avant dans son explication. Puis par le biais des deux exemples proposés dans l’extrait, de préciser la prise de conscience de soi par la pratique.

I. Deux manières opposées et symétriques de prendre conscience de soi

La distinction s’énonce sous la forme d’une opposition et d’une symétrie entre deux manières concrètes, selon Hegel, de la prise de conscience de soi.
Prendre conscience de soi théoriquement renvoie à se connaître de manière affective. Hegel renvoie à la notion d’émotion par : « les mouvements de son âme » (l.3) et « ses sentiments » (l.4). Ces termes sont de connotation affective. On peut ainsi dire que l’affectivité n’est pas un domaine de singularité. En effet une vie affective est complexe, riche et, par bien des aspects, elle est changeante. Il s’agit d’essayer de constituer un portrait affectif de soi-même c’est-à-dire de savoir ce que nous sommes dans notre singularité. Par introspection on essaye de se faire une image de soi qui soit la plus ressemblante possible, tout en sachant que nos réactions, nos sentiments sont imprévisibles. Hegel détermine par cette première manière que l’homme prend conscience de lui-même par le biais d’une intériorisation, d’une introspection de sa propre personne. On peut alors dire, d’après l’explication de Hegel, que l’homme acquiert « cette conscience de lui-même » par un travail personnel qui nécessite une attention primordiale.

Par opposition et symétrie, Hegel met en avant la prise de conscience de soi de manière pratique en l’annonçant par le « mais » (l.7). Il ne s’agit plus alors seulement de ce que l’homme pense pour prendre conscience de lui-même, mais de ce qu’il fait. Par conséquent il ne s’agit plus de s’intérioriser, mais de s’extérioriser. On peut simplement faire remarquer que dans ce passage, Hegel ne rend à aucun moment compte d’une reconnaissance extérieure, en d’autres termes, il n’est pas question d’autrui. Hegel dit alors, que l’homme n’est pas un pur d’esprit, concrètement il vient d’un environnement naturel. Il est contraint de modifier la nature par besoin vital, mais aussi pour le rendre familier en lui imprimant son « cachet personnel » (l.11). L’homme ne laisse rien à l’état originel, il transforme aussi bien le monde que sa propre personne. L’homme prend conscience de lui dès lors qu’il effectue une activité pratique qui a un impact sur les choses extérieures. Il réalise cette fin en transformant les choses extérieures auxquelles il applique la marque de son intériorité et dans lesquelles il perçoit ainsi ses propres déterminations. L’homme agit ainsi pour faire en sorte de ne pas être étranger au monde extérieur. Il y met son empreinte pour donner une familiarité à celui-ci.

Transition

Quand l’homme transforme son environnement, quand il y laisse sa trace, il s’agit encore de prendre conscience de lui-même c’est-à-dire savoir ce dont il est capable et révéler sa personnalité par projection en l’extériorisant.

II. Précisions sur la prise de conscience de soi

Hegel illustre la distinction des deux manières de prise de conscience de soi par deux exemples.

D’abord l’exemple de jeu pour lequel il suffit de lancer une pierre dans l’eau et où celle-ci forme des cercles; un jeu totalement gratuit, à première vue un jeu qui ne sert à rien. De plus, l’effet produit est totalement éphémère. Mais le plaisir du jeu est que l’on peut recommencer indéfiniment. C’est le jeu où les enfants ne se lassent pas. On ne voit pas l’intérêt en quoi consiste, mais aucun enfant ne peut s’empêcher de se livrer à ce type de jeu. Hegel demande pour quelle raison l’enfant fait ça. L’intérêt réel est pour l’enfant de savoir que c’est lui qui produit cet effet-là, il a un certain pouvoir, il est capable de la faire, c’est la simple satisfaction de dire, « c’est moi qui l’ai fait ! ». Hegel donne une tout autre dimension : ce type de comportement est précoce, et les enfants font ce genre de chose bien avant d’être capable de procéder à une introspection. On peut supposer que l’enfant joue à ça avant même d’être capable de s’exprimer à la première personne. Hegel choisit d’évoquer l’exemple de l’enfant, car c’est inéluctablement l’exemple type du pouvoir de la conscience. Lorsqu’il est petit, un enfant ne dit pas « je » il dit « veut ça ! » ou bien il parle à la troisième personne. C’est seulement dès lors qu’il commence à employer le « je » qu’il demande réellement ce qu’il désire et qu’il devient alors une personne à part entière. Donc, pour Hegel, l’enfant ne prend pas conscience de lui théoriquement, mais bien plus pratiquement via des activités qu’il fonde lui-même. Il prend conscience de lui lorsqu’il s’appréhende comme une identité singulière. Autrement dit un sujet à sujet à conscience de lui quand il a conscience de ce qu’il fait.

Hegel décide de terminer par un exemple généralisant sa thèse. L’exemple de l’enfant et du jeu n’est alors qu’un exemple parmi tant d’autres puisqu’il insinue qu’il existe une fréquente importante et une multiplicité d’activité humaine de cas similaire à celui exposé. Avec cette généralisation, on suppose que l’auteur dit que tout ce que font les hommes est une façon, une dimension de se révéler à soi-même, et par soi-même. Ainsi, c’est ce que je fais qui me révèle le mieux. Chaque fois qu’un être humain fait quelque chose à son idée, à sa manière, librement, il exprime sa singularité, son individualité. Ça peut être un travail, une activité de loisirs, une façon de se vêtir ou de choisir son apparence physique. Autrement dit, il peut choisir d’activité nécessaire ou d’activité non utilitaire. Les deux exemples de Hegel, le jeu de l’enfant et l’œuvre d’art sont deux exemples que l’on a tendance à considérer comme au-delà de la nécessité humaine, comme superflu. Si l’auteur les a choisis, c’est que l’on voit se manifester à l’état pur le besoin de prendre conscience de soi en s’extériorisant. L’œuvre d’art est alors l’exemple par excellence pour illustrer la prise de conscience de soi puisque celle-ci rend compte essentiellement d’une reproduction de soi même selon Hegel.

Enfin, l’essentiel du texte de Hegel est qu’il présente une démarche qui n’était pas retenue par la tradition philosophique. Hegel démontre que la conscience donne les sentiments d’être un « moi » singulier : le sujet s’affirme en s’opposant à tout ce qui n’est pas lui-même. Confirmant son existence, le sujet ambitionne de devenir, comme Auguste dans Cinna, de Corneille, « maître de soi comme de l’univers ». La conscience serait l’équivalent, dans l’individu, d’une capacité d’autocontrôle ou d’un centre de volonté, constituant le sentiment d’un moi capable de s’opposer au reste.

Conclusion

Dans cet extrait, il est uniquement question du rapport de soi à soi et non pas du rapport avec autrui ou du monde extérieur à soi. Il n’est pas fait référence au rôle que peut jouer notre entourage dans la prise de conscience de soi en tant que sujet. Un problème se pose alors : qu’elle rôle joue autrui dans la prise de conscience de soi ? Est-ce qu’on pourrait imaginer prendre conscience de soi tout seul ?