Dans cet extrait d’Éléments de philosophie, Alain cherche à démontrer que « c’est une faute » de « grossir le terme d’inconscient », c'est-à-dire en faire une sorte de monstre qui habiterait chacun d’entre nous. Le texte répond donc à la question suivante : l’inconscient est-il un autre moi ? On pourrait croire en effet qu’il y a en nous comme un étranger, qui se manifeste dans nos rêves ou nos manies, qui expliquerait par exemple pourquoi nous insupporte la vue d’une souris, pourtant inoffensive. Mais l’auteur, contre cette idée, essaye de démontrer que l’hypothèse de l’inconscient peut se révéler dangereuse, qu’elle permet à l’homme de se décharger de ses responsabilités en mettant ses fautes sur le compte de cet autre Moi, et que si l’homme pense, il est responsable. Pour affirmer cette thèse, il adopte un plan en trois parties, exposant d’abord que deux Moi ne peuvent pas aller de pair, ensuite le fait que l’inconscient est une échappatoire à la responsabilité de nos actes, puis en expliquant que la pensée étant liée à la conscience, elle va à l’encontre de l’inconscient.
I. L'absence d'un second moi
Dans sa première partie, Alain commence en admettant que « l’homme est obscur à lui-même », c’est-à-dire qu’il a bien des facettes énigmatiques dans sa personnalité, que l’on ne peut se connaître vraiment, mais ces zones obscures ne sont selon lui nullement expliquées par un second Moi qui voudrait faire agir l’individu contre son gré. En effet, selon lui, une « erreur grave » est de penser « que l’inconscient est un second moi ».
Son premier argument est de montrer qu’il ne peut pas y avoir en une seule personne deux « voix » à la fois ; car les « préjugés », les « passions » et les « ruses » sont du domaine de la conscience. Si on concédait une place à l’inconscience, le Je deviendrait impersonnel, et l’inconscience et la conscience seraient rivales. En raisonnant ainsi, Alain s’oppose à la notion d’inconscient Freudien, qui soutient l’existence d’un conflit permanent entre le moi et le « ça », c'est-à-dire l’inconscient
II. L'inconscient ne dicte pas notre conduite
En second lieu, l’auteur explique qu’abuser du terme d’inconscient est dangereux, car lui donner de l’importance serait admettre qu’il dicte notre conduite. Mais s’il en était ainsi, personne ne serait vraiment responsable de ses actes, et tous les crimes pourraient être commis au nom de l’inconscient de