Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme - Préambule

Corrigé linéaire effectué à partir des notes prises en classe.

Dernière mise à jour : 10/03/2024 • Proposé par: Audrey (élève)

Texte étudié

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la Nation, demandent d'être constituées en Assemblée nationale ; considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des Citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.
En conséquence le sexe supérieur en beauté, comme en courage dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne :

ARTICLE PREMIER La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et surtout la résistance à l'oppression.

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme - Préambule

Lors de la Révolution française, les privilèges de la noblesse et du Clergé sont abolis. En effet, le mot « égalité » est inscrit dans la devise française « Liberté, Egalité, Fraternité ». Pourtant cette égalité affichée ne s'applique pas à la moitié de la population, puisque les femmes sont toujours considérées comme inférieures aux hommes. Ainsi, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de Olympe de Gouges, publiée le 14 septembre 1791 dans la brochure Les droits de la femme fait écho à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, adoptée le 26 août 1789. Olympe de Gouges y défend l'égalité entre les hommes et les femmes, en plaidant en faveur des droits des femmes et en réhabilitant leur place dans la société : la femme est une citoyenne qui doit avoir des droits politiques, des droits sociaux, des droits juridiques.

Les dix-sept articles de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne sont précédés d'une adresse à la reine Marie-Antoinette, d'une apostrophe à l'homme et d'un Préambule. La Déclaration est ensuite suivie d'un Postambule. Nous nous situons dans ce texte au début du Préambule. Avant d'entamer la liste de ses articles, l'auteure s'adresse aux hommes puis à l'Assemblée nationale. Elle met en avant les injustices faites aux femmes.

Problématique

Dans quelle mesure Olympe de Gouge défend-elle les droits de femmes pour préserver la paix de la nation ?

Mouvements

-1er mouvement, lignes 1 & 2: un début efficace
-2nd mouvement, lignes 2 à 11: un détournement accusateur et polémique
-3eme mouvement, lignes 12 à 14: une fin de préambule provocatrice
-4ème mouvement, lignes 15 à 19 : des articles réécrits au féminin

I. Un début efficace (lignes 1 & 2)

a) Le projet de l'autrice expliqué dès le départ

Ce préambule dessine, dès le départ, le projet d'Olympe de Gouges : mettre au devant de la scène les femmes, représentantes du peuple, revendiquant leur liberté d'expression.

L'énumération « Les mères, les filles, les sœurs » qui ouvre le texte fait écho à l'ouverture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais Olympe de Gouges remplace la formulation « les représentants du peuple français », qui ne renvoie qu'à des hommes, par une énumération prenant en compte toutes les femmes françaises, quelle que soit leur statut.

b) Le rôle des femmes

On remarque que l'autrice met en avant leur rôle familial, tout en valorisant leurs revendications communes grâce à l'emploi du pluriel. En désignant les femmes par « Les mères, les filles, les sœurs », elle souligne les liens naturels, les liens du sang qui les unissent.

Le verbe d’action « demandent » s’ajoute à ce qui était dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les femmes demandent un nouveau droit, celui de se constituer en assemblée nationale .

II. Un détournement accusateur et polémique (lignes 2 à 11)

a) La raison qui a amené à la rédaction de cette déclaration

Dans la phrase « Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements », en remplaçant l'énumération « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme » par « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme », Olympe de Gouges met en valeur le fait que les femmes sont tout simplement omises de la Déclaration de 1789.

C’est une source de problèmes et ce pour tout le monde, nous le voyons avec les termes globalisants « publics » et « gouvernements ».

b) Les droits qui vont être énoncés par la suite sont caractérisés

« [elles] ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme ». L'énumération d'adjectifs positifs dans l'expression « les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » permet de caractériser les droits des femmes et d'insister sur leur caractère fondamental.

« Les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme » sont d'abord les mêmes que ceux des hommes, mais les femmes doivent auparavant gagner le droit d'être considérées comme les égales des hommes pour accéder aux mêmes droits qu'eux (voir en ce sens les articles de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne).

L'adjectif « sacré » renvoie à l'argument de la création divine et au « chef d'œuvre immortel » évoqué dans l'adresse aux hommes (voir le passage précédent).

c) Les objectifs de cette déclaration

Les objectifs de cette déclaration sont alors précisés « afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous. »

L'anaphore de « afin que » dans un rythme ternaire introduit les différents buts de cette déclaration. Tout d'abord, cette déclaration doit rappeler sans cesse les droits et les devoirs des femmes aux « membres du corps social », c'est-à-dire à toute la société comme le souligne la périphrase.

En outre, elle doit permettre aux « actes du pouvoir des femmes et [à] ceux du pouvoir des hommes » d'être plus « respectés ». Par le parallélisme (« les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes »), elle donne bien une portée universelle à sa déclaration.

Enfin, le troisième but de cette déclaration est que les réclamations des citoyennes soient « fondées désormais sur des principes simples et incontestables » et donc contribuent « au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs et au bonheur de tous », principes énoncés avec un vocabulaire mélioratif. Les femmes ont en effet cette spécificité par rapport aux hommes d'être sujettes dans la société aux problèmes qui touchent à la morale et à l'intégrité physique, et plusieurs articles aborderont d'ailleurs ces questions.

Elles sont désignées comme « citoyennes » (l. 9), un statut que les révolutionnaires masculins leur ont d'abord refusé, avant de leur accorder une citoyenneté « passive » (sans droit de vote) dans la Constitution de 1791. Ici, l'autrice met en valeur leur appartenance au corps social et leur nécessaire participation à la vie politique de la nation.

III. Une fin de préambule provocatrice (lignes 12 à 14)

La fin du préambule reconnaît la femme comme étant le sexe fort, « supérieur », courageux et beau. Une fin qui place la femme sur le devant de la scène et qui requiert ses droits et devoirs en tant que Citoyenne française.

Dans « En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne. », le connecteur « En conséquence » donne une valeur conclusive au dernier paragraphe, qui annonce les articles à venir de la Déclaration.

La périphrase « le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles » fait référence aux expressions traditionnelles de « beau sexe » et de « sexe faible » pour désigner les femmes : reprenant la première, elle dénonce la seconde en rappelant les souffrances de l'accouchement qu'endure toute mère, ce qui montre que les femmes ne sont pas un sexe si « faible » et fragile que ce que les hommes veulent bien croire. Avec cette périphrase, l'autrice présente malicieusement la prérogative féminine de l'accouchement comme le signe d'une plus grande force.

IV. Des articles réécrits au féminin (lignes 15 à 19)

a) Un réel projet politique et littéraire

Ces articles témoignent d'un réel projet politique et littéraire d'Olympe de Gouges: mettre la femme au centre du projet politique en lui redonnant un statut juridique et social. « ARTICLE PREMIER. La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Le fait de désigner les femmes par le singulier, dans les articles 1 et 2, montre que Gouges considère les femmes en tant que genre, et non comme une addition d'individualités.

Les femmes sont au cœur du texte. Les hommes ne sont mentionnés que trois fois dans tout l'extrait et n'apparaissent que pour montrer la symétrie des droits des femmes et des hommes: « les actes du pouvoir des femmes et ceux du pouvoir des hommes », « la femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits », « des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme ».

Le mot « droits » est répété six fois en dix-neuf lignes : il s'agit donc du thème principal de l'extrait. Dans tout le préambule, il désigne exclusivement les droits « de la femme » ou « de la femme et de la citoyenne », alors que dans les articles les droits sont présentés comme communs aux femmes et aux hommes. Par ces ajouts, le texte met en valeur un ton polémique et pointe du doigt les incohérences et la condamnation de l'homme qui omet la femme. « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression. »

b) Une énumération de droits naturels et imprescriptibles

L'article 2, à la fin de l'extrait, propose une énumération des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l'homme : « la liberté, la propriété, la sureté, et surtout la résistance à l'oppression ».

L'énumération des droits fondamentaux des individus est soulignée par des échos sonores : les trois premiers termes de l'énumération sont rapprochés par une assonance en [é], et la fin de l'énumération joue sur une allitération en [s]. Cette proximité dans les sonorités permet de souligner l'énumération et de la rendre plus facile à mémoriser.

Par rapport à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Olympe de Gouges a rajouté l'adverbe « surtout » avant la « résistance à l'oppression » : elle souligne ainsi discrètement l'importance de ce droit, qui résonne avec l'accusation de despotisme qu'elle adresse aux hommes dans Les Droits de la femme et dans l'article IV.

« naturels » rappelle la démonstration d'Olympe de Gouges dans Les Droits de la femme, qui précède le préambule. Elle y montre que la nature est égalitaire, puisque les sexes y sont partout (dans toutes les espèces vivantes) confondus et qu'ils «coopèrent ».

Conclusion

En conclusion, Olympe de Gouge en reprenant le texte fondateur de la Révolution, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, critique avec virulence la tyrannie masculine tout en défendant les droits de la femme. Elle souligne en effet que la paix et la concorde ne peuvent advenir au sein de la société sans une présence féminine dans la vie publique et politique et sans le respect des droits de l'ensemble des citoyens.

A ce titre Olympe de Gouges est considérée aujourd'hui comme une pionnière du féminisme. Il faudra pourtant attendre 1944 pour que les femmes françaises obtiennent le droit de vote et les années 1960 - 1970 pour que des droits équivalents à ceux des hommes leurs soient enfin reconnus.