Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme - Postambule

Explication linéaire du texte.

Dernière mise à jour : 01/11/2023 • Proposé par: nano_33 (élève)

Texte étudié

Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l'administration nocturne des femmes ; le cabinet n'avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l'ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé.
Dans cette sorte d'antithèse, que de remarques n'ai-je point à offrir ! je n'ai qu'un moment pour les faire, mais ce moment fixera l'attention de la postérité la plus reculée. Sous l'Ancien Régime, tout était vicieux, tout était coupable ; mais ne pourrait-on pas apercevoir l'amélioration des choses dans la substance même des vices ? Une femme n'avait besoin que d'être belle ou aimable; quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si elle n'en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune, qui la portait au mépris des richesses ; alors elle n'était plus considérée que comme une mauvaise tête ; la plus indécente se faisait respecter avec de l'or ; le commerce des femmes était une espèce d'industrie reçue dans la première classe, qui, désormais, n'aura plus de crédit. S'il en avait encore, la révolution serait perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus […].

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme - Postambule

Olympe de Gouges, de son vrai nom Marie Gouze, a vécu de 1748 à 1798. C’était une femme de lettres qui a milité et écrit en faveur des droits de la femme, elle a également participer à la Révolution Française et à réclamer l’égalité des sexes. La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne est son texte le plus célèbre. C’est un pastiche de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dans laquelle Olympe de Gouges réclame l’égalité entre hommes et femmes. Cette œuvre publiée en 1971 s’inscrit dans le mouvement des Lumières.

Le texte étudié ici est un extrait du postambule dans lequel Olympe de Gouges évoque des femmes puissantes dont elle critique l’attitude sous l’Ancien Régime en effet, il est question de l'assujettissement de ces dernières, de leur corruption, il s’agit ici d’une vision négative des femmes sous l’Ancien Régime.

Après avoir pris connaissance du texte, nous pouvons nous demander, comment Olympe de Gouges explique-t-elle l’inégalité entre les hommes et les femmes au XVIIIe siècle? Afin de répondre à cette problématique nous allons répartir le texte en deux mouvements: Le premier mouvement commence à la ligne 1 jusqu’à la ligne 10 qui correspond à la mise en évidence de la responsabilité des femmes dans leur infériorité sociale. Le deuxième mouvement commence à la ligne 11 et se finit à la ligne 22, il abordera la dénonciation de la société de l’Ancien Régime.

I. La responsabilité des femmes dans leur infériorité sociale (l.1 à 10)

Dans la première partie du texte, Olympe de Gouges dresse un bilan peu glorieux de l'Ancien Régime et de l’attitude des femmes à cette époque. La première phrase affirmative donne le ton et dresse un constat dépréciatif : « Les femmes ont fait plus de mal que de bien » (ligne 1), il y a une opposition entre le bien et le mal. On remarque la généralisation au pluriel qui accentue leur responsabilité. Olympe de Gouges emploie les temps du passé, à savoir le passé composé et l'imparfait, ce qui montre qu’elle fait référence à une période révolue « ont eu recours » (lignes 2 et 3) « a été soumis » (ligne 9). On relève ensuite l’utilisation de termes péjoratifs insistant sur leurs défauts, je cite : « ruse » (ligne 2), « dissimulation » (ligne 1) faisons référence à l’hypocrisie, ou encore « cupidité » et « ambition » (à la ligne 9). Cependant, les femmes sont aussi présentées comme des victimes par les termes « contrainte » (ligne 1) et « force » (ligne 2) c’est parce que les hommes ont abusé de leur force que les femmes ont dû employer des moyens immoraux pour les asservir à leur tour.

Olympe de Gouges insiste sur l’empire et l’emprise des femmes sur les hommes par l’anaphore du mot « tout » je cite: « toutes les ressources de leurs charmes » (ligne 3), « tout leur était soumis » (ligne 4), « tout ce qui caractérise la sottise des hommes » (ligne 8), « tout a été soumis » (lignes 8 et 9) cela souligne leur pouvoir total. Le superlatif absolu dans les lignes 3 et 4 « Le plus irréprochable ne leur résistait pas » montre que même les hommes les plus vertueux était victime. L’autrice poursuit par une hyperbole de « pendant des siècles » (dans les lignes 5 et 6) je cite : « Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l’administration nocturne des femmes » ce qui démontre leur domination de la sphère politique, renforcée par la négation totale « n’avait point » (ligne 6). L’euphémisme « administration nocturne » (ligne 6) rappelle d’ailleurs la courtisanerie tandis que « le poisson, le fer » (ligne 4) sont des métonymies évoquant les moyens, peu moraux, voire criminels employé pour assouvir leurs pouvoirs. L’antithèse entre les mots « crime » et « vertu » (lignes 4 et 5) met en évidence le faite qu’elles étaient capables, du pire comme du meilleur. On relève également une gradation de termes se référant à la sphère politique ou militaire je cite : « ambassade, commandement, ministère, présidence » (ligne 7) tandis que « pontificat » et « cardinalat » (lignes 7 et 8) font référence à des fonctions élevées au sein de l’Église, ce qui est paradoxal car les représentants du clergé faisaient vœu de célibat et de chasteté. On voit donc que les femmes dominent la vie politique et religieuse et du plus bas au plus haut de l’État. Cela est repris par l’antithèse entre les mots « profane » et « sacrée » (ligne 8) tandis que Olympe de Gouges critique la « sottise » masculine.

Le passage se termine par un chiasme « ce sexe autrefois méprisable et respecté, » (ligne 9) aujourd’hui « respectable et méprisé » (ligne 10) qui met en évidence une contradiction voir un paradoxe. En effet, alors que les mœurs des femmes sont devenues plus respectables qu'avant car grâce à la Révolution, elles ont essayé d’asseoir leurs pouvoirs sur des moyens et des motifs plus légitimes et vertueux, tandis que le statut des hommes s’est dégradé.

II. La dénonciation de la société de l’Ancien Régime

Dans la deuxième partie du texte on remarque une dénotation accentuée par le parallélisme syntaxique généralise et le lexique péjoratif « Sous l’Ancien Régime, tout était vicieux, tout était coupable » (ligne 13). On note également la reprise du terme « vices » dans la question oratoire (ligne 14). Celle-ci est introduite par un connecteur d’opposition « mais » ce qui confirme le paradoxe ainsi que l’emploi du conditionnel. Cela pose l’idée d’un changement en comprenant mieux quels sont ces vices et comment ils se sont développé dans la société.

La négation « ne… que » (a la ligne 15) insiste sur la description de la condition féminine tirant son pouvoir sur l’image d’une femme séductrice. Ce pouvoir est associé à l’argent à travers deux cas envisagés: Le premier transforme la femme en une sorte de prostituée que se disputent les séducteurs « Quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds » (lignes 15 et 16). Le second montre que celles qui ne cherchent pas à tirer un avantage de la séduction sont rares « Si elle n’en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune, qui la portait au mépris des richesses » (lignes 16 et 17). Non seulement cette attitude semble incompréhensible mais elle se retourne contre celle qui refuse. Elles sont alors blâmées au lieu d’être considérées comme vertueuses « Alors elle n’était plus considérée que comme une mauvaise tête » (ligne 18).

Le rôle de l’argent est mis en valeur par le champ lexical « l’or », « commerce », « industrie » (ligne 19). Le terme « crédit » (ligne 20) sous-entend que dans la finance c’est l’argent qui ouvre à la femme un pouvoir d’action. Selon Olympe de Gouges les valeurs étaient donc inversées puisque la morale n’a plus d’importance: « la plus indécente se faisait respecter avec de l’or » (ligne 18 et 19) par la seule fortune que lui valaient ses charmes. L’opposition temporelle entre l’imparfait pour décrire la situation sous l’Ancien Régime et le futur, affirmation catégorique, marque l’objectif d’Olympe de Gouges qui est de détruire ce rôle de l’argent « qui désormais n’aura plus de crédit » (ligne 20). En effet, la Révolution a permis l’abolition des privilèges (il n’y a plus de première classe). Les citoyens sont tous égaux en droit, ce qui permet un espoir pour la fin des « vices », elle exprime sa confiance en un progrès à porter par la Révolution.

Conclusion

Pour conclure, l'extrait du postambule de la Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne met en lumière la disparité entre hommes et femmes au XVIIIe siècle. Elle dénonce le comportement des femmes et la société de l'Ancien Régime, tout en exprimant son optimisme quant à un changement apporté par la Révolution. Cet extrait témoigne de son engagement en faveur de l'égalité entre genres et des droits des femmes.

Toutefois, cette quête d'égalité ne se limite pas à cette époque révolutionnaire. Dans l'œuvre Carmen de Prosper Mérimée, parue en 1845, nous retrouvons également une figure féminine puissante et indépendante, remettant en question les normes sociales de son temps. Ainsi, à travers les siècles et les œuvres littéraires, la revendication de l'égalité entre hommes et femmes perdure, reflétant les luttes et les aspirations des femmes dans la société.