Marx, Le Capital: L'abeille et l'architecte

Travail fait par l'élève, en classe de Terminale.

Dernière mise à jour : 02/10/2023 • Proposé par: maellyrol (élève)

Texte étudié

Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvements afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet aspect primordial où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand , et l’abeille confond par ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de formes dans les matières naturelles : il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté.

Marx, Le Capital - I, IIIe section, chapitre VII, I

Le texte qu’il nous revient de commenter appartient à l’œuvre Le Capital, rédigée par Karl Marx en 1867. Ce texte traite du thème du travail et le problème auquel l’auteur entend répondre est le suivant : Le travail de l’homme et des animaux est-il différent ? Et en quoi l’est -il ? En d’autres termes, est-il important de faire une distinction entre leur manière de travailler ?

À ce problème, l’auteur répond que les deux types de travail sont opposés. Pour lui, les hommes et les animaux travaillent, mais que pour ces derniers, le travail est instinctif, contrairement aux hommes qui ne font pas tous le même travail, exposant ainsi une conception originale de la notion de travail. Au problème de la différence entre le travail humain et animal, le sens commun aurait pu répondre que cette différence n’existe pas puisque tout être produit un effort pour le travail et y consacre sa vie. Or l’auteur répond que cette différence est bien présente.

Ce texte s’avère par conséquent important dans le cadre d’une définition plus générale du travail. Dans la première partie du texte, de la ligne 1 à la ligne 5, l’auteur expose le travail humain, il nous explique comment celui-ci fonctionne. Cela lui permet dans une deuxième partie du texte, jusqu’à la ligne 11, de montrer cette fois-ci le travail animal, à quel point il est instinctif. Enfin, dans une troisième partie, Marx cherche à spécifier l’importance de l’imagination dans le travail de l’homme et remet en cause cette notion.

I. Le travail humain semble se fondre dans une définition générale du travail

Dans cette première partie, Marx s’interroge sur le travail humain.

Il commence néanmoins par formuler une définition courte et générale du travail qui peut s’appliquer à la fois pour l’homme ou bien l’animal : « un acte qui se passe entre l’homme et la nature ». Mais qu’est-ce qu’un homme ? Et qu’est-ce que la nature ? L’homme est un être intelligent, incluant l’homme et la femme et ici, la nature est l’ensemble des êtres et des choses qui composent l’univers. Chacun est indispensable à l’autre puisque sans homme ou sans nature il n’y aurait pas de travail. Dans la définition du texte citée précédemment, Marx insinue donc que tout ce qui va venir modifier la nature est un travail, et que celui-ci consiste en fait à adapter la nature à ses besoins essentiels. En effet, l’une des définitions du travail qu’il est possible d’apporter est : l’ensemble des opérations que l'on doit accomplir pour élaborer quelque chose. Celle-ci s’applique donc bien à la fois à l’homme et à l’animal.

L’auteur explique ensuite que le travail engendre une modification de la nature « l’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle ». Ici, la puissance désigne l’efficacité de quelque chose en rapport avec les moyens disponibles. Puis, il prouve que l’humain est doté de « forces » , qui peut se rapporter de nouveau à la puissance, qui lui permettent de travailler de manière « utile », c’est-à-dire qui va servir à quelque chose. Cela met en lumière l’instinct du travail que l’on retrouve chez l’humain et l’animal, mais il existe une différence. Les animaux sont contraints de le suivre, c’est dans leur nature alors que l’humain peut tout à fait choisir de ne pas travailler s’il n’en a pas envie.

Pour finir, Marx nous dit « il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent », il veut donc montrer que la transformation de la nature chez l’homme passe par une forme d’intelligence, mis en œuvre par son imagination. Il imagine alors quelque chose dans son esprit qu’il voudrait atteindre, mais qui n’est pas encore réussi. Cependant, l’animal n’est pas capable de faire ceci puisqu’il n’est pas doté de la même intelligence.

Nous venons par conséquent de voir en nous concentrant sur la vision du travail humain de Marx que celui-ci est bien différent en comparaison au travail animal sur lequel nous allons nous concentrer dans la deuxième partie.

II. Mais le travail animal, basé sur l'instinct, s'en distingue

Dans la seconde partie, Marx traite du travail animal en prenant deux exemples.

Dans la phrase « Nous ne nous arrêtons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif », il fait une transition entre ses deux points de vue du travail, c’est-à-dire qu’il vient nuancer son propos et considère que la partie essentielle du travail étudié dans la première partie n’est pas complète puisqu’il n’a pas encore traité de l’instinct, à savoir la tendance naturelle des êtres vivants à faire quelque chose. Avec cette phrase, il énonce ainsi qu’il y a autre chose que cette vision.

Dans la deuxième phrase, il tente de nous indiquer que dans sa réflexion, il place le travail humain en supériorité, c’est pour lui la vision normale et ainsi son « point de départ ». Il prend donc tout d’abord l’exemple de l’araignée dont l’objectif est de construire sa toile et la compare à un tisserand. Mais celle-ci ne peut faire que des toiles puisque l'animal a des capacités limitées et il ne sait pas ce qu'il produit alors que le tisserand pourrait tout à fait changer de métier. Ainsi, le travail implique la sollicitation des facultés intellectuelles, la réflexion est nécessaire.

Marx prend d’autre part l’exemple de l’abeille qu’il compare à un architecte. Il explique bien que pour lui le travail des animaux relève de l’instinct notamment avec la phrase « il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche ». C’est donc une différence d’essence qui caractérise l’humain et l’animal, l’abeille est comme programmée, elle va chercher le pollen et construire sa ruche sans se poser de questions puisqu’elle ne peut pas se représenter la ruche à l’esprit. C’est pour cela que Marx considère que le travail des animaux n’est pas vraiment du travail étant donné que ces derniers possèdent plus de savoir-faire que de savoir. Un vrai travail pour lui est subséquemment quelque chose qui se réfléchit, qui est présent dans l’esprit et dans la conscience, ce qui est le cas pour l’homme.

Nous venons d’observer en nous concentrant sur la vision du travail animal de Marx que celui-ci est basé sur l’instinct, et donc qu’il n’est pas comparable à celui de l’homme qui va devoir se baser sur l’imagination ce que nous allons étudier dans cette troisième et dernière partie.

III. L'importance de l’imagination dans le travail de l’homme

Cette troisième partie vient présenter l’importance de l’imagination dans le travail de l’homme. L’imagination est le pouvoir de se représenter un objet à l’esprit même en son absence et de l'examiner indépendamment des sens, et comme nous l’avons vu précédemment, seul l’être humain en est capable. C’est donc une capacité qui va permettre de fonder son intelligence utile au travail.

À travers la phrase « le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur », on constate que l’homme, à l’inverse de l’animal, sait à quoi il veut parvenir, il y a une activité réfléchie qui se déroule pour parvenir à la production de travail. Marx vient donc introduire l’idée qu’il ne faut pas penser que la spécificité du travail humain repose entièrement sur la transformation de la nature en disant « Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ».

Dans la dernière phrase, Marx va venir approfondir sa pensée en critiquant le travail. Avec la conjonction de coordination « et », il appuie sur le fait que cette subordination de la volonté au travail, soit l’intention ferme de faire ou de ne pas faire quelque chose n’est pas que temporaire. En d’autres termes, cela signifie que tout au long de son travail, l’homme doit soumettre sa volonté à son action puisqu’il ne peut pas toujours faire ce qu’il souhaite.

Finalement, le travail contraint l’homme à utiliser certaines techniques, il doit donc s'y plier. L’imagination est par conséquent une chose essentielle dans le travail puisque c’est ce qui permet de distinguer l’humain de l’animal, mais elle doit rester raisonnable et doit être maîtrisée.

Conclusion

Tout au long de ce travail, nous nous sommes questionnés sur les possibles différences entre le travail humain et animal. Grâce au texte, nous comprenons que le travail est une activité proprement humaine qui suppose la conscience de ce que l'on fait, alors que l'activité animale relève de l'instinct, même si on peut la comparer à celle de l'être humain. Chez l'homme il y a de l’originalité, de l’invention, car il y a de la réflexion.

Pour l'animal, la réalisation se fait instinctivement. L'inventivité est par conséquent propre à l'espèce humaine. Marx considère finalement que le travail des animaux n’est pas vraiment du travail contrairement à celui des hommes. Il serait alors intéressant de se demander si l’être humain a toujours été doté de cette réflexion ou si les premiers hommes avaient peut-être des tendances instinctives comme les animaux.