Molière, Le Malade imaginaire - Acte II, scène 5: Tirade de M. Diafoirus

Explication linéaire en deux parties.

Dernière mise à jour : 02/04/2022 • Proposé par: cons (élève)

Texte étudié

MONSIEUR DIAFOIRUS

Monsieur, ce n'est pas parce que je suis son père; mais je puis dire que j'ai sujet d'être content de lui, et que tous ceux qui le voient, en parlent comme d'un garçon, qui n'a point de méchanceté. Il n'a jamais eu l'imagination bien vive, ni ce feu d'esprit qu'on remarque dans quelques-uns; mais c'est par là que j'ai toujours bien auguré de sa judiciaire, qualité requise pour l'exercice de notre art. Lorsqu'il était petit, il n'a jamais été ce qu'on appelle mièvre et éveillé. On le voyait toujours doux, paisible et taciturne, ne disant jamais mot, et ne jouant jamais à tous ces petits jeux que l'on nomme enfantins. On eut toutes les peines du monde à lui apprendre à lire; et il avait neuf ans, qu'il ne connaissait pas encore ses lettres. Bon, disais-je en moi-même: les arbres tardifs sont ceux qui portent les meilleurs fruits. On grave sur le marbre bien plus malaisément que sur le sable; mais les choses y sont conservées bien plus longtemps; et cette lenteur à comprendre, cette pesanteur d'imagination, est la marque d'un bon jugement à venir. Lorsque je l'envoyai au collège, il trouva de la peine; mais il se raidissait contre les difficultés; et ses régents se louaient toujours à moi de son assiduité et de son travail. Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences; et je puis dire, sans vanité que, depuis deux ans qu'il est sur les bancs, il n'y a point de candidat qui ait fait plus de bruit que lui dans toutes les disputes de notre école. Il s'y est rendu redoutable; et il ne s'y passe point d'acte où il n'aille argumenter à outrance pour la proposition contraire. Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son opinion, et poursuit un raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique. Mais, sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c'est qu'il s'attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n'a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang et autres opinions de même farine.

Molière, Le Malade imaginaire - Acte II, scène 5

Molière créateur d’un genre nouveau de comédie de mœurs. Sa fonction est le castigare ridendo mores : « corriger les mœurs par le rire ». Le Malade imaginaire, créée en 1673, est sa dernière pièce . Molière meurt à l’issue de la quatrième représentation. C'est une satire traditionnelle des médecins mais la pièce est particulière avec les dernières années de sa vie sombres (rupture avec Lully ; maladie…). L'intrigue tourne autour du personnage d'Argan qui se trouve sous la coupe des médecins. Elle reprend la trame classique, comme le mariage arrangé, pour y dénoncer notamment les médecins de l'époque.

Dan la scène V de l'acte II, Diafoirus (au nom ridicule) vient présenter son fis Thomas qui prétend à la main d’Angélique. C'est une tirade dans laquelle il doit vanter les mérites de ce beau parti malgré tous ses défauts… Cette parodie de discours et triple objectif : énoncer le mariage forcé dans l’intrigue de la pièce, faire la satire des médecins et, plus fondamentalement, dénoncer le fanatisme contre l’esprit libre.

Problématique

Comment par ce texte Molière retourne t-il l'argumentation de M. Diafoirus contre lui-même  ?

Plan du texte

On pourrait dire que cette tirade se compose de deux parties : l’enfance « prometteuse » de Thomas puis ses qualités de nouveau diplômé en médecine.

I. L’enfance "prometteuse" de Thomas Diafoirus

a) La rhétorique au service du discours

L'utilisation des figures de style permet d'asseoir son discours:
- « Monsieur » : à la fois témoignage de respect dans ce qui s’apparente à une captatio benevolentiae et façon de marquer la distance qui sépare les deux personnages car M. Diafoirus fait partie d’une caste, d’une corporation jalouse de ses prérogatives et privilèges…
- « Ce n’est pas parce que je suis son père… » : Première précision visant à affirmer l'objectivité et l'impartialité du portrait qui va suivre mais évidement on va s'apercevoir très vite que c'est bien parce que c'est son père qu'il en parle ainsi, il en est fier surtout quand son fils lui ressemble (voir à la fin).
- "je puis dire" : affirmation modérée, modalisée qui doit rendre plus acceptable ce qui est dit.
- "tous ceux qui le voient" : jugement universel et non personnel, limité à son père, argument d’autorité
- "il n'a point de méchanceté" litote qui est à la fois une affirmation adoucie et en même temps un procédé visant à renforcer l'expression

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