Pouvons-nous réellement faire confiance à notre conscience ?

Copie entièrement retranscrite d'un élève de terminale générale, pour un devoir maison. Note obtenue: 19/20.

Dernière mise à jour : 14/01/2022 • Proposé par: M3l (élève)

Ce tribunal que l'homme sent en lui est la conscience, d’après Freud. Mais qu’est ce que la conscience ? Conscience vient du latin cum qui signifie « avec » et de scientia « savoir », étymologiquement le mot signifie « accompagné de savoir ». La conscience est en effet un savoir qui nous accompagne lorsque nous pensons. C’est elle qui nous relie au monde : conscience réfléchie, nous permet de discerner le bien du mal : conscience morale. Mais la conscience est aussi conscience de soi : c’est avoir conscience de ses actes et de leurs conséquences. Ainsi il semble difficile de ne pas avoir confiance en la conscience. A priori la conscience ne trompe pas, elle permet au contraire de former des idées en distinguant le vrai du faux, le bien du mal.

Mais comment vérifier que nos certitudes les plus fortes ne sont pas de simples illusions ? Et ainsi peut-on se fier à notre conscience les yeux fermés ? C’est pourquoi nous pouvons nous demander si nous pouvons réellement faire confiance à notre conscience ? Nous verrons dans un premier temps que nous pouvons faire confiance à notre conscience puis dans un deuxième temps les critiques qui existent face à la confiance en la conscience et enfin nous verrons le dépassement possible de ces critiques.

I. Nous pouvons à priori faire confiance à notre conscience

Ainsi la conscience est ce qui fait le propre, la dignité de l’homme. En un sens commun, on peut ainsi faire confiance à la conscience, car si nous ne lui faisons pas confiance à qui peut-on faire confiance alors ? La conscience peut être pratique ; elle nous permet de juger du temps qu’il fait dehors et ainsi de décider en fonction de ce temps comment agir : il y a de gros nuages dehors, il risque donc de pleuvoir, je dois prendre mon parapluie. Très rarement nous sommes déçus de notre jugement.

La conscience est aussi un juge intérieur. Au sens moral, la conscience est la capacité de distinguer le bien et le mal, de porter des jugements de valeur qui vont guider notre conduite et s’oppose donc à l’instinct, à la pure détermination naturelle : nos passions et pulsions. On serait alors soit ’ une pierre ou une brute’, on ne s’appartiendrait pas ou on serait pareil à l’animal n’a pas de conscience, il ne s’appartient pas, on ne peut pas dire que ce qu’il fait soit bon ou mauvais puisqu’il n’a pas conscience de ses actes. Ainsi sans conscience, il n’y aurait plus de morale, car il ne serait plus possible de prendre du recul par rapport à nos actions. La conscience nous fournit aussi la vérité première. En effet Descartes qui doutait de tout : du rêve, de son propre doute, car il était à la recherche de la vérité première finit par conclure après réflexion que « je pense donc je suis » : ceci est donc la certitude première, je peux faire confiance à ma conscience. Descartes parlera ainsi du « cogito » qui ne doit rien au corps, ne dépend pas d’une réalité matérielle ou d’une perception sensible. Ainsi pour Descartes la conscience est immatérielle et à une forme d’autonomie.

Cette vérité permet aussi de prouver que l’on existe puisqu’il y a une activité du « je » pense. Quand je calcule, je dessine ou raisonne, tout se rapporte à ma conscience. Même les perceptions sensorielles se rapportent à elle, car une perception non consciente est comme non perçue. Husserl dira même qu’ « il n’y a pas de cogito sans cogitatum », il n’y a pas de pensée sans objet de penser. On parle alors de conscience ‘intentionnelle’ Ce « je », condition de toutes les pensées est appelée par Kant « aperception transcendantale », et permet de lier les états de conscience. C’est pourquoi la conscience fait donc l’identité du moi, ce qui fait le « je ». Nous savons ainsi par la conscience qu’il y a un monde extérieur avec lequel nous sommes en rapport. Contrairement aux choses, qui sont seulement dans le monde, l’homme est face au monde, c’est-à-dire qu’il le connaît et transforme. La conscience permet ainsi une mise à distance entre le sujet qui pense et l’objet qui est pensé. La conscience permet ainsi à l’homme de ne pas être « une chose parmi les choses ». Elle est stable et a un côté unificateur qui fait qu’on peut lui faire confiance.

Mais la conscience est aussi ouverte aux possibles et est contingente. Elle permet à l’homme de ne pas être déterminé dans une conduite unique et ainsi de le rendre libre. Ainsi pour Descartes même si la conscience ne doit rien au corps, elle est la condition de toutes actions libre et à un pouvoir sur lui, ainsi elle permet de nous autodéterminer. Enfin, en plus de faire l’unité du moi, la conscience permet aussi de faire l’unité de a mémoire. En effet elle est « un pont jeté entre le passé et l’avenir ». Sans conscience il n’y aurait qu’une suite d’instant présent sans lien.

II. Néanmoins des déterminismes peuvent faire douter de notre conscience

Néanmoins la conscience peut pour paraître illusoire. En effet, si nous marchons dans un désert, il peut apparaître devant nous comme par magie une oasis, mais ceci n’est qu’illusion. Ainsi nous ne pouvons faire confiance à la conscience puisqu’elle peut nous tromper.

Elle est même pour certains le pur produit de déterminisme corporel. Cette vision de la conscience s’oppose à celle de Descartes : ce n’est plus elle qui agit sur le corps, mais l’inverse. Ces personnes qui pensent ainsi sont les matérialistes. Pour eux la pensée est déterminée par des phénomènes matériels et corporels, car ils ont la conception que tout se réduit à la matière; ce qui remet en cause le sujet qui s’autodétermine. Ainsi ils partent du principe que la conscience est matière : elle peut être étudiée. Ils prennent l’exemple de ‘Phileas Cage’ qui, après un accident de travail, a reçu une barre dans la tête et a vu sa personnalité changée. Il semble alors que nous ne sommes que le produit de notre cerveau : «On est un produit de nous, malgré nous ». Si c’est le cerveau qui nous détermine, alors on ne peut se comprendre comme un sujet qui s’autodétermine, car même si une chose est en moi, elle n’est pas moi.

De même pour Nietzsche il faudrait dire « ça pense » plutôt que « je pense ». La conscience ne serait alors qu’un épiphénomène des pulsions du corps et l’unité du moi est remise en cause. Cette unité ou du moins ce sentiment d’unité ne serait produit que par une force en nous qui l’emporterait sur les autres. D’après lui la conscience serait née de l’intériorisation de pulsions, car une seule pulsion peut dominer : « La volonté de puissance nous possède plus que nous la possédons ». De plus la conscience ne serait qu’un élément de falsification, car notre volonté d’avoir raison l’emporte sur tout : on se donne des raisons pour avoir l’impression qu’on a raison. La conscience n’est alors qu’une chose influençable et déterminée. Le travail est une condition matérielle d’existence qui détermine les pensées. Outre le désir de se réconforter, pour Marx, la conscience n’est pas autonome, mais ne fait que refléter les conditions matérielles d’existence. Dans l’Idéologie allemande, il affirme que « ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie sociale qui détermine la conscience ». On pense selon notre classe sociale et on nourrit une image de soi-même qui est fausse.

Enfin, pour Freud, la conscience n’est pas une connaissance, et il critique ainsi la position de Descartes. De tout ce qui nous fait agir comme on le fait, ou de tout ce qu’on est, il y a des causes inconscientes auxquelles on ne peut avoir accès. Ces causes sont des forces qui viendraient de l’inconscient: celles que Freud appelle le « ça » correspondent à des pulsions innées qui consistent à vouloir faire tout ce qui nous fait plaisir. Mais au fur et à mesure que nous grandissons, la société, par l’intermédiaire de nos parents, va nous interdire de satisfaire certaines de nos pulsions. Ces interdits vont former la seconde sorte de forces, qu’il appelle le « surmoi ». Au fur et à mesure de notre vie, ce que nos pulsions vont rencontrer sont des résistances venant du surmoi. Ainsi il interdit ou permet aux pulsions de se satisfaire ; se serait une morale inconsciente. Les désirs les plus inavouables vont être censurés, refoulés dans la conscience. Néanmoins cela va poser problème puisque même refoulés, nos désirs sont toujours là et vont avoir tendance à revenir. Ils vont agir sur nous, mais sans que nous nous en rendions compte. Ils s’exprimeront alors d’une façon détournée, symbolique, cryptée. Freud prendra pour exemple : les lapsus, les actes manqués, les rêves, les maladies psychiques comme l’hystérie. Tous sont la façon déguisée, par un désir inavoué, de s’exprimer. Nous sommes ici complètement déterminés par notre inconscient, nous ne sommes donc pas libres puisque la conscience est la conséquence du renoncement aux pulsions et est donc déterminée.

Mais est-il réellement possible de limite la conscience à quelque chose de matériel ? Toutes ces théories se valent-elles vraiment ?

III. Connaitre les déterminismes permettent de les dépasser

La science ne peut traiter de l’esprit comme d’une réalité distincte du corps, et que ce qui peut être, objet d’expérimentation ou observable. Ainsi elle ne traite de l’esprit qu’en le réduisant à la matière. Mais cela ne veut pas dire que l’esprit se réduise vraiment à cela : ce n’est qu’un présupposé scientifique. Ainsi le matérialisme pose problème.

C’est pourquoi Bergson, dans L’énergie spirituelle, donne l’image d’un clou et d’un manteau accroché à celui-ci. Avec cette image il veut montrer qu’il y a un lien entre les deux même si le vêtement est indépendant du clou. C’est pareil pour la conscience et le cerveau, on ne peut pas nier le lien entre les deux. Toutefois le vêtement ne se réduit pas au clou, il y a donc une indépendance entre les deux, tout comme pour le cerveau et la conscience.

Chez Merleau-Ponty, l’homme peut se rapporter à une multitude d’objets sans se confondre avec aucune grâce à la conscience. Il faut bien distinguer l’objet qui pense et celui qui est pensé. Quand l’homme fait d’une réalité un objet de pensée, il la met à distance et n’est plus pris par cette réalité. Toutefois Merleau-Ponty souligne que l’homme est immergé dans le réel et subit de nombreux déterminismes. Il y a donc bien un déterminisme matérialisme, comme avait pu le souligner Marx et qui agit sur nous. Mais la prise de conscience de ce déterminisme nous permet d’en faire un objet de pensée, de le mettre à distance et donc nous offre la possibilité de s’en libérer. Le déterminisme matérialiste se contredit ainsi sur ce point puisque connaître ce déterminisme nous ouvre la possibilité de son dépassement. On ne subirait le déterminisme que quand on l’ignorerait.

Enfin, on peut répondre à la critique épistémologique face à la théorie Freud, en référant aux faits qu’il n’a de cesse de corriger sa théorie et qu’ainsi il n’a pas une attitude dogmatique. Par sa théorie de l’inconscient, Freud permet à l’homme de prendre conscience de lui en mieux connaissant son psychisme et donc offre la possibilité de se libérer de lui. Il y a ainsi des degrés différents de conscience : une conscience qui ignorerait ce qui la détermine serait à un degré faible alors qu’une conscience qui prend conscience de ce qui la détermine est à un degré plus haut.

Conclusion

Nous nous sommes demandé si nous pouvions faire confiance en notre conscience, en commençant par chercher des éléments qui permettent de justifier le fait qu’on puisse lui faire confiance. Nous avons donc vu que la conscience permet l’unité du moi et de la mémoire en liant les états de conscience, le passé présent futur, mais aussi, qu’elle permet d’arriver à la vérité première, au «cogito » et que du coup la conscience était autonome et immatérielle. Enfin elle est un juge moral qui permet de prendre conscience de nos actes. Dans un deuxième temps nous avons cherché les éléments qui permettaient la critique de la confiance en la conscience. Nous avons donc vu que la conscience n’est que le pur produit de déterminisme matériel et corporel. Qu’elle ne se réduirait qu’à la matière : elle n’aurait ainsi plus d’autonomie et que cette unité du moi ne serait qu’un sentiment.

Nous aurions aussi en nous l’existence d’un inconscient qui jouerait un rôle plus important que la conscience et agirait sur elle. Néanmoins la conscience ne peut se réduire à la matière comme nous l’avons souligné dans le dépassement de ces critiques. Certes la conscience peut subir des déterminismes, mais elle peut s’en libérer et ne plus être déterminée par eux en prenant conscience d’eux. Quant à l’action de l’inconscient sur la conscience : l’inconscient permettrait à la conscience de se libérer en lui permettant de mieux connaître son psychisme. Ayant d’une certaine manière réfuté les critiques, nous pouvons donc conclure que nous pouvons faire confiance à notre conscience.