Dans ce texte, Kant examine les rapports entre la liberté et les lois morales à travers la question de savoir si nous sommes capables de vaincre nos penchants et, si nous le pouvons, par quels moyens. Question qui soulève le problème suivant : de deux choses l'une, ou bien nous ne sommes pas capables de nous conduire autrement que sous l'empire de nos penchants, de nos passions, de nos désirs, auquel cas nous ne sommes pas libres, ou bien nous pouvons nous opposer à tout cela, ce qui tendrait à prouver que nous sommes libres. La thèse que Kant soutient, c'est que nous sommes capables de vaincre en nous la puissance de nos penchants, donc que nous sommes libres, parce que nous pouvons nous opposer à la tentation de céder à nos passions par la conscience des lois morales.
Cette thèse, Kant l'établit par l'analyse de deux fictions qui successivement donnent des réponses d'abord à la question de savoir s'il est tout simplement possible de vaincre les passions, puis, après avoir montré que c'était possible, à la question de savoir comment cette victoire sur les passions est obtenue.
I. Il est possible de vaincre les passions
Le texte débute avec une première fiction : " Supposons que quelqu’un affirme, en parlant de son penchant au plaisir, qu’il lui est tout à fait impossible d’y résister quand se présentent l’objet aimé et l’occasion ". Kant reproduit ici le discours de quelqu'un qui se déclare irrésistiblement attiré par un plaisir au point de ne pas pouvoir s'empêcher de vouloir l'éprouver chaque fois que cela est possible. Dire qu'il ne peut pas résister à l'attrait d'un plaisir signifie que sitôt que l'occasion se présente, il n'a pas la force de ne pas céder, qu'il n'a pas la possibilité de choisir entre céder et ne pas le faire, en somme qu'il n'est pas libre. Pourquoi ? Non pas parce qu'une contrainte extérieure lui impose de céder, mais parce que son penchant, c'est-à-dire son désir, le pousse, le force, le conduit à céder. C'est plus fort que lui, comme on le dit. Ce qui implique qu'il cède malgré lui, que tous les efforts qu'il fait ou pourrait faire contre son désir sont ou seraient vains.
Or, c'est précisément cette nécessité, ce caractère irrépressible du désir, que Kant met en question en poursuivant la présentation de sa fiction : "[i]si, devant la maison où il rencontre cette occasion, une potence était dressée pour l’y attacher aussitôt qu’il aurait satisfait sa passion, ne triompherait-il pas alors de son penchant