Introduction
On parle souvent de liberté pour en déplorer l'absence, car nous sommes impuissants à réaliser tous nos désirs. Le monde extérieur, les lois, les autres nous empêchent de le faire. Mais qu'adviendrait-il si nous faisions rigoureusement tout ce que nous voulions? Serions-nous libres et heureux? C'est en fait une illusion dangereuse. Épictète la dénonce. Il montre, dans ce texte, qu'être libre pour un être humain ne consiste pas à vouloir réaliser tout et n'importe quoi, sans discernement, car cela donne l'inverse. La liberté suppose au contraire de conformer son jugement et sa volonté à l'ordre des choses. Cela seul lui confère sa réalité et sa valeur absolue. On peut alors se demander si la liberté humaine ne peut se réaliser qu'en étant « raisonnable »? Qu'est-ce qu'une liberté qui consiste dans l'acceptation de l'ordre des choses: n'est-ce pas plutôt de la résignation, c'est-à-dire presque son contraire?
Dans un premier temps, nous verrons la dénonciation de l'illusion, puis la justification donnée par l'auteur à sa définition.
I. La liberté et volonté du fou
1. La liberté absolutiste
Épictète ouvre son texte par une définition radicale de la liberté, qui correspond assez à l'idée reçue. Quand on parle spontanément de liberté, on pense tout de suite à l'idéal et l'absolu de la liberté. On dit qu'il s'agit pour un être de décider de ses actes en fonction de sa seule volonté, et non de celle d'un ou de plusieurs autres. On dit aussi qu'il doit pouvoir agir ou faire agir les choses extérieures en conformité avec cette décision. Cela supposerait donc l'absence d'influence ou d'obligation pesant sur la volonté, avant qu'elle ne se prononce, et l'absence de contraintes extérieures, une fois la décision prise, pour qu'elle se réalise. L'homme totalement libre veut ce qu'il fait et fait ce qu'il veut. Or, c'est exactement la définition que présente Epictète: celui « à qui tout advient selon sa volonté », Il précise même: que pas un être humain ne peut s'opposer à lui, ni faire « obstacle » à ses volontés.
Mais l'objection est alors inévitable: une telle conception fait consister la liberté dans la « déraison » et la « folie ». Elle n'est pas en prise sur le réel. En effet, le seul être capable de réaliser tout ce qu'il veut, de rendre le cours des choses conforme à sa seule volonté, est Dieu. Or, si tant est qu'un tel être existe, il n'est justement pas humain. Donc, à l'échell