Mme de La Fayette (1634-1693) est une femme instruite et cultivée. Elle tient un salon littéraire à Paris et fréquente la cour. Elle appartient au mouvement du classicisme, et est connue essentiellement pour son roman classique, La princesse de Clèves. D’abord publié en 1678 sans nom d’auteur, il fut ensuite attribué à Mme de La Fayette.
Ce roman peut cependant être considéré comme une œuvre collective. Mme de La Fayette a sans doute été inspirée par ses amis La Rochefoucauld et madame de Sévigné, ainsi que par Huet, un auteur théoricien sur l’origine des romans. Mais c’est Mme de La Fayette qui fut la principale architecte de cet ouvrage. L’action se déroule à la cour d’Henry II (XVIe siècle). C’est donc un roman historique, puisque écrit à la même époque. Il raconte l’histoire de la princesse de Clèves, une femme mariée tombée amoureuse du Duc de Nemours.
L’extrait étudié est situé à la fin du roman (tome 4). Mme de Clèves, devenue veuve, est libre de son engagement marital. Elle refuse cependant d’épouser le Duc, afin de rester fidèle à son mari. La princesse de Clèves est un exemple de vertu que souhaite donner Mme de La Fayette.
I. L'expression de l'amour du point de vue du Duc de Nemours
a) La déclaration d'amour
Le Duc expose ses sentiments à la troisième personne ("un homme qui vous adore", "résister à ce qui nous plaît"). Il crée ainsi une distanciation pour donner plus de poids à ses paroles.
C'est une abnégation courante au XVIIe siècle chez les personnes courtoises. ("Le moi est haïssable", Pascal). C'est une déclaration passionnée, renforcée par l'attitude du Duc de Nemours.
b) L'attitude du Duc, son invitation à l'aimer
Le Duc essaye d'abord de convaincre Madame de Clèves d'abandonner son engagement par la parole. Il l'interpelle grâce à un questionnement ("croyez-vous le pouvoir, madame?") pour l'amener aux conclusions qui sont les siennes.
Il utilise ensuite les gestes pour la persuader de l'aimer ("M. de Nemours se jeta à ses pieds et s'abandonna à tous les mouvements dont il était agité", "ses pleurs"). Ce sont des actes désespérés, qu'il utilise en dernier recours. Même s'ils touchent Mme de Clèves, ils ne suffisent par pour lui faire abandonner ses principes.
II. L'attitude de Madame de Clèves
a) Le devoir et la bienséance
La princesse de Clèves possède un sens de l'honneur qui l'empêche d'écouter ses sentiments. Son rang l'oblige à adopter une attitude vertueuse. Elle ne peut donc pas aimer le Duc de Nemours sans l'épouser, et ne peut pas l'épouser après la mort de son mari. Elle y est contrainte par une "vertu austère", qui ne parait cependant pas être invincible.
b) Un combat pathétique
Tout au long du texte, on peut voir que Mme de Clèves se bat contre ses sentiments. Elle aime le Duc de Nemours, mais ne peut se résoudre à l'épouser. Elle lui dit ne pas penser être assez forte pour lui résister, et lui demande donc de s'éloigner d'elle.
III. Deux points de vue face à l'amour et au bonheur
a) Le point de vue du Duc
M. de Nemours entend les arguments de la princesse, mais ne comprend pas qu'elle puisse l'aimer et refuser de l'épouser. Selon lui, elle devrait s'abandonner à ses sentiments, et profiter du bonheur de leur amour.
Pour le Duc, Mme de Clèves et sa source de bonheur ("vous seule vous opposez à mon bonheur").
b) Les arguments de la princesse de Clèves
Par bienséance, Mme de Clèves ne souhaite pas débuter une histoire d'amour sur la mort de son mari. Même si elle aime le Duc, elle doit, à la fois pour son "repos" (sa tranquillité) et pour le souvenir de son mari, résister aux avances du Duc.
Ce dernier ne la laissant pas indifférente, elle décide de s'éloigner de lui.
Conclusion
Cette scène est une scène d’adieu et de tragédie. Deux personnages s’aiment mais ne peuvent pas s’épouser. C’est un conflit d’arguments causé par des points de vue différents.
La beauté de ce texte est traduite dans les déclarations d’amour des deux protagonistes, qui sont exprimées en termes très simples, mais très profonds. Cette scène de roman est très proche d’une scène de théâtre.