Il s'agit du poème intitulé "Les Femmes" situé en dernière place de la section Rhénane, qui est elle-même au début de la deuxième moitié du recueil Alcools, écrit par Guillaume Apollinaire en 1913.
Ce poème est composé de neuf quatrains en alexandrin aux rimes embrassées. Il relève de l'esthétique du quotidien qui caractérise certaines des "Rhénanes". Il peint l'intérieur humble et les activités domestiques de la "maison du vigneron" où des femmes conversent paisiblement en évoquant leur monde familier.
Intégrant des fragments de dialogue matérialisés par l'italique, à des parties descriptives, ce poème laisse entendre plusieurs voix juxtaposées qui suggèrent plus qu'elles ne racontent des histoires banales, chronique d'un village. Mais cette banalité rassurant devient inquiétante et finit par s'assombrir.
On remarque la structure suivante :
La structure discontinue isole les trois premiers vers, un regroupement de 3 vers et deux séquences conséquentes dont l'une développe l'éloge de la modernité et l'autre célèbre l'enfance et la ferveur religieuse qui lui est liée. Les deux derniers vers établissent un lien entre religion et célébration du monde moderne.
I. Un poème de la discontinuité
Les ressorts d'une organisation poétique décousue et discontinue sont présents dans ce poème et contribueront à transformer progressivement le quotidien apaisant en un univers mystérieux et menaçant.
a) Rupture entre régularité strophique et continuité typographique
- On remarque une opposition entre le narratif-descriptif et les dialogues, celle-ci don-née par la typographie.
- L'écriture est en effet faite de deux polices différentes.
- Les lettres habituelles montrent qu'il s'agit du narratif-descriptif : "Dans la maison du vigneron les femmes cousent" (v.1) ou "grâce au vent chantait …" (v.14)
- Quant à l'italique, il s'applique aux fragments de voix : "Apporte le café le beurre et les tartines …" (v.17) ou bien "Ilse la vie est douce" (v.28).
- Ces deux formes d'écriture, discours et description, sont donc présentes dans le poème, intervenant tour à tour d'une façon bien délimitée. En effet, aucun élément ne vient s'interposer entre ces formes d'écriture ; des expressions comme "dit-elle" ou "demande-t-elle" ne sont pas présentes. Les phrases de dialogue sont "jetées" directement parmi les phrases narratives ou descriptives.
- On peut observer aussi l'absence de ponctuation, auparavant sans doute présente car il reste des traces dans la présence de majuscules au milieu des vers comme au vers 29 : "La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus …" ou au vers 33 "Il est mort écoutez La cloche de l'église".
- On a également la sauvegarde des tirets qui marquent les changements de voix : "Dieu garde – Pour ma part …" (v.23).
b) Irrégularité dans le rapport narration-description / voix
- On remarque que la place des différentes formes d'écriture varie selon des différentes strophes.
- Certaines strophes sont consacrées entièrement aux voix et au discours/dialogue :
- C'est le cas du 5ème quatrain où l'on remarque la totalité de ces 4 vers en écriture italique donc, quatrain réservé aux voix.
- Cas du 3ème quatrain.
- Cas du 6ème quatrain.
- Au contraire, d'autres strophes sont consacrées seulement à la description-narration.
C'est seulement le cas de la strophe 8 qui est consacrée uniquement à la narration qui décrit ici l'arrivée de la mort.
- On trouve également un système où tantôt le narratif-descriptif est enchâssé par les voix comme dans la 7ème strophe : le vers 27 relevant de la narration étant le seul au milieu des vers de dialogue ; tantôt les vers de dialogue sont encadrés par la narration comme au derneir quatrain.
c) Discontinuité dans le rapport vers/phrase
- La discontinuité entre les vers et les phrases vient de la grande présence d'enjambe-ments, de rejets et de contre-rejets qui viennent bousculer l'apparence de continuité du sonnet.
- Les rejets sont très fréquents :
- aux vers 2 et 3 : le terme "dessus" est séparé de l'unité syntaxique précédente par sa place au vers 3. Le tiret marque une coupure entre ce terme et la nouvelle phrase "Le chat …".
- Aux vers 7/8 où l'on retrouve cette même construction.
- Les contre-rejets sont par ailleurs également présents ici :
- aux vers 13/14 où le sujet "la forêt" (v.13) est séparé du verbe "chantait à voix grave …" (v.14).
- aux vers 29/30 sur le même schéma, où le sujet "les vi-gnobles" (v.29) est séparé de son verbe situé en premier mot du vers 30.
- Aux vers 33/34 où là encore le sujet ("la cloche") est séparée du verbe "sonnait" (aussi en première place du vers 34).
Ces contre-rejets marquent donc la discontinuité avec insistance étant donné qu'ils forment une rupture syntaxique en séparant des éléments inséparables grammaticalement.
- Les enjambements sont d'autre part courants :
- aux vers 8/9 : le complément de cause "pour …" est sé-paré du groupe verbal.
- Aux vers 12/13 : là encore le complément de cause est aussi séparé du verbe.
Ces deux enjambements sont des enjambement de strophe ce qui est d'autant plus insistant.
- aux vers 17/18 : enjambement de vers.
d) Le morcellement des voix
- On a un morcellement des voix, surtout à la strophe 6 où cette rupture est marquée par les tirets chargés de montrer le changement de locuteur. C'est par exemple le cas des vers 22 et 23 ou bien du vers 28 "- Lotte l'amour rend triste – Ilse la vie est douce" et du vers 8.
On a donc deux voix qui s'enchaînent sur un même vers à chaque fois.
- On a parfois aussi de l'étirement ou de la segmentation. C'est le cas du vers 3 où le terme "dessus" est bref par rapport à la seconde moitié du vers, ou bien encore des vers 22-23 et 28.
- La seule strophe où une continuité de dialogue s'amorce est la strophe 6 où est réin-troduit le thème de l'amour.
- On a aussi la présence d'une certaine discontinuité sur la langue même donnée par l'intrusion de la langue allemande du vers 15 : "Herr Traum", "Frau Sorge" en plus des prénoms "Gertrude", "Ilse" ou "Lotte". On a ici un choix de l'intrusion de la musique d'une langue différente où le s sons sont plus durs.
On remarque donc que l'apparente continuité est rendue fausse par la présence d'enjam-bements, de ruptures … On a un décalage entre les unités syntaxiques. Cette apparence de régularité est en fait irrégulière par l'intérieur du poème.
II. La proximité du quotidien et de l'angoissant
a) Un quotidien rassurant et discontinu
- On a un entrecroisement du quotidien et des grands thèmes.
- La scène se passe dans "la maison du vigneron" comme l'indique le premier vers ainsi que d'autres indications : "le vin sera bon" (v.10) ou "les vignobles aux ceps tordus" (v.29). On a donc la présence d'un espace rural de la vallée du Rhin (langue allemande également présente). Un contexte spécial est donc présent.
- Le quotidien est présent à travers plusieurs points, notamment dans la conversation :
La chaleur et la nourriture :
- Cette maison est caractérisée par la chaleur donnée par "le poêle" présent plusieurs fois au cours du poème : au deuxième vers du poème et à l'avant-dernière ligne. On a donc un effet d'encadrement. Cette chaleur nous donne donc une atmosphère apaisante.
- Les femmes discutent et parlent donc de nourriture, une de leur préoccupation, nour-riture très présente par la boisson : "l'eau du café" (v.2), "le café" (v.17). Mais la nourriture est beaucoup plus présente dans le cinquième quatrain : "le beurre", "les tartines", "la marmelade", "le saindoux", "un pot de lait" (v.17/18) par une énumération – ou bien à la strophe 7 dans "du sucre candi".
- Là encore, l'atmosphère paraît comme apaisant et familier par l'énoncé d'une nourri-ture simple et courante, une nourriture agricole presque faite maison.
La saison :
- La saison est également présente au cours du poème car les femmes parlent météoro-logie. On se trouve au début de l'hiver : "cet hiver est très froid" (v.10) et le froid est présent, d'une part par la présence du poêle apportant la chaleur, d'autre part, par les expressions "sous la neige" (v.8), "au vent" (v.14), "bas" (v.16) (vêtement pour le froid), "le café" présent à 4 occurrences pour éloigner le froid et se réchauffer, "je tousse" (v.25), "en neige" (v.31).
Les activités féminines :
- Ces activités sont à la fois familières et banales. On a la préparation du café dans "mets l'eau du café" (v.2) et la nourriture "apporte le café le beurre …", "encore un peu de café".
- La couture et la broderie sont présentes, dès le premier vers "les femmes cousent" ou bien dans les expressions "brode une étole" (même s'il s'agit d'une activité extérieure à la mai-son), "tu n'as pas bien raccommodé ces bas" (v.16). Cette activité est sur deux niveaux : le quotidien et le côté art.
- La chasse, malgré qu'il s'agisse d'une activité masculine, est présente dans la conver-sation des femmes dans le vers 26 : "Pierre mène son furet chasser les lapins" : les hommes sont objet de discours des femmes.
- On retrouve aussi l'activité qui consiste au bien-être de la maison, à s'occuper du poêle, à "attiser le poêle" (v.35).
- Les femmes se soignent : "il me faut du sucre candi Leni je tousse" (v.25).
- Les femmes ont donc de nombreuses activités qui donnent un côté paisible, chaleu-reux et rassurant.
La vie de village.
- Elle fait également partie des sujets de conversation des femmes.
- Les conversations nous apportent un côté familier en nous donnant des éléments sur la vie du village.
- Plusieurs personnages sont cités, la plupart par leurs activités (d'une façon habituelle) et précédés de l'article de notoriété (connu de tous) : le facteur, le sacristain, la fille du vieux bourgmestre.
- On apprend plusieurs grandes nouvelles concernant le villages :
- "Gertrude et son voisin Martin enfin s'épousent" (v.4) : il n'y a pas de précision sur les noms de famille, tout le monde se connaît au village et un mariage se savait vite.
- "Le facteur vient de s'arrêter pour causer avec le nouveau maître d'école" (v.8/9) : deux personnages de la vie quotidienne.
- Le sacristain sourd et boiteux est moribond" (v.11) : personne de mauvaise humeur, qui ne va pas bien, comme il en arrive tous les jours.
- "La fille du vieux bourgmestre brode une étole … pour la fête du curé (v.12/13) : on a une préparation à une fête, le village connaît des moments de joie commune pour tous les ha-bitants.
- Il s'agit donc d'évènements très quotidiens : une heureuse nouvelle, des faits de tous les jours …On a en plus la présence de personnages toujours présents dans un village, person-nages connus de tous.
- La quotidienneté est aussi rendue par un langage simple et courant qui donne la me-sure de la tranquillité et de la sérénité apparente des choses.
- On a en effet un langage quotidien : "s'il te plaît" présent 2 fois aux vers 19 et 21, "causer" (v.9), "curé"(v.13), "chut" (v.24). Il s'agit parfois de termes familiers tels on les en-tends dans un village où on connaît aussi le patois.
- On a la présence du présent dans les voix : "vient de …", "est", "brode" … et de l'im-pératif qui rend le discours vivant : "Apporte", "écoutez", ce qui donne au lecteur la véritable impression d'assister à la scène.
- Cette quotidienneté est mêlée au grand thème de l'amour dans le 6ème quatrain : "je crois qu'elle aime". Les quatre répliques s'enchaînent au milieu de cette strophe sur ce thème : le thème lyrique est réintroduit par le biais des voix et au milieu d'éléments qui ont trait à la quotidienneté.
- Ce thème est introduit par une sorte de question d'un personnage: "Lotte es-tu triste O petit cœur" où l'expression "O petit cœur" est totalement prise du lyrisme.
- Les peines de l'amour sont donc évoquées sur le mode de l'indiscrétion puis sur le mode de la maxime de sagesse dans la strophe 7. On remarque alors que ces peines de l'amour ne gâtent en rien la paix et la douceur de la maison qui émanent de ce tableau domestique : L'expression élégiaque "Lotte l'amour rend triste" est mise sur le même niveau que son contre-poids, la maxime de même construction et du lyrisme : "Ilse la vie est douce".
- L'expression "Dieu garde" signifie que Dieu nous garde de ce malheur qu'est l'amour. C'est un côté inquiétant de l'amour qui est relativisé par la protection religieuse.
- Le thème de l'amour se retrouve dans celui du mariage : "Gertrude et son voisin Mar-tin enfin s'épousent".
- Les femmes représentent la réalité quotidienne rassurante : leurs remarques sont ba-nales, leurs préoccupations terre à terre et leur vision rassurant. Pour elles, l'amour, même s'il rend triste, n'empêche pas la vie d'être douce.
b) Simultanéité du paisible et de l'angoissant
Cet univers de sérénité est progressivement contaminé, fissuré par le mystère, l'inquié-tude et la mort. Cette atmosphère angoissante est caractéristique des passages de narration-description.
- Durant tout ce texte, on a le passage du paisible à l'angoisse. Le thème de la mort passe d'abord inaperçu dans la conversation des femmes puis les indices inquiétants se multi-plient.
Les deux thèmes de la vie et de la mort se rejoignent.
- Le caractère paisible est présent au vers 1, dès l'ouverture du poème : "les femmes cousent" avec un présent qui indique une habitude et un côté paisible.
- Quant à l'angoissant, il est présent dans le geste d'angoisse du dernier vers : "les femmes se signaient dans la nuit indécise".
- On a donc un contraste entre le premier vers et le dernier.
- Ce contraste est remarqué par la présence des femmes qui encadrent lepoème. Un chiasme établit dans le premier et le dernier vers : la construction est inversée.
Les femmes sont encadrées par la maison et par la nuit.
- Les femmes sont entre des choses importantes (amour et mort) et des choses moins importantes (nourriture, couture …).
L'angoisse dans le 2me quatrain :
En effet, le mystère est d'abord introduit par l'opposition symbolique du rossignol et de l'ef-fraie, opposition donnée par l'adverbe "mais" en tête du vers 6.
- Le premier oiseau est qualifié d'un adjectif dévaluatif "aveugle" dans l'expression "le rossignol aveugle".
- Son action est exprimée par un verbe d'effort "essaya de chanter" qui marque une impossibilité de chanter.
- L'apparition de l'effraie l'empêche aussi de chanter : "il trembla dans sa cage", et à cela s'ajoute le fait qu'il soit prisonnier, s'ajoute l'enfermement "dans sa cage".
- Le rossignol est un oiseau du lyrisme lié à l'expression de l'amour et symbolise le printemps et la joie.
Un contraste est présent entre le rossignol et l'effraie.
- La menace arrive donc de l'extérieur, par l'effraie, qui est un oiseau et rapace nocturne qui, dans les croyances populaires, était réputé pour annoncer la mort.
- L'oiseau de nuit apporte un climat d'inquiétude qui va envahir le paysage extérieur.
- Cet extérieur angoissant est présent dans cette même strophe (2) dans l'expression du dialogue : "ce cyprès là-bas a l'air du pape en voyage". On a là une personnification d'un élé-ment de la nature.
L'angoisse dans le 3me quatrain :
- La mort est annoncée par le 11ème vers :"le sacristain sourd et boiteux (deux adjectif très négatif) est moribond " : "mort" dans l'adjectif "moribond". Et le sacristain sera la per-sonne décédée à la fin du poème.
L'angoisse dans le 4me quatrain :
- Le caractère inquiétant est par ailleurs présent dans la strophe 6.
- On a la présence de la forêt : "la forêt là-bas" (v.13). Le vers 13 a une structure inha-bituelle : 7 + 5 syllabes : la deuxième partie du vers est inférieur à la moitié du nombre total de vers, soit 12 syllabes (dissonance rythmique).
Cette structure traduit l'éloignement par rapport au monde rassurant de la maison et de sa cha-leur soulignée par "là-bas".
- On retrouve "ce là-bas" au vers 13 avec l'apparition d'un monde sauvage "forêt" op-posé à un monde civilisé donné par une activité féminine de broderie à but religieux.
- la "forêt là-bas" est personnifiée par le verbe "chanter" à l'imparfait qui donne une sonorité inquiétante : "à voix grave", comparée à instrument par la métaphore : "de grand orgue". Cet instrument est solennel, sérieux et lié au culte.
- On a une immensité de la forêt donnée par l'adjectif qualificatif "grand" : forêt de l'instrument, forêt de l'arbre, forêt instrument de musique. On a une continuité du chant don-née par l'imparfait.
- Au vers 15, on a l'action du songe et du Souci au passé simple : "survint" qui donne une action sécante.
- On a en plus une personnification appuyée par la dénomination "Herr" (monsieur) et "Frau" (madame) qui, en même temps, situent le lieu : "du vigneron" (v.1) et "forêt" (v.13), vallée Rhénane.
- L'apparition personnifiée, merveilleuse et mystérieuse du songe et de sa sœur le souci, gagne la paix intérieure.
L'angoisse dans le 5ème quatrain :
- On a une demande "encore un peu de café Lenchen s'il te plaît" présente deux fois (au vers 21) qui est semblable à une plainte qui revient 2 fois … quelqu'un qui va mourir. L'atmosphère est angoissant partout.
L'angoisse dans le 6ème quatrain :
- L'attitude de la grand mère "grand mère dit son chapelet" qui s'impose dans le silence "chut" (v.24) est un présage de la mort.
L'angoisse dans le 7ème quatrain :
- On retrouve cette personnification inquiétante poursuivie au vers 27 intercalée entre les voix. On a une même alternance entre quotidienneté et inquiétude par un sujet grave : l'amour et la vie.
- Le vent est personnifié en chorégraphe par rapport aux arbres "le vent faisait danser en rond tous les sapins", où les danseurs sont les sapins.
Concrétisation de l'angoisse au 8ème quatrain :
- On a une poursuite de cette angoisse au vers 9 sur tout le 8ème quatrain :
- Ce quatrain développe seulement deux phrases sur quatre vers.
- La première phrase est composée de 3 mots et de 4 syllabes : "la nuit tombait". Le terme "nuit" fait écho au terme "obscurité" du vers 30, ce qui nous donne l'angoisse, en plus de la violence exprimée par le verbe "tomber". L'atmosphère assombrie domine.
- On a des mouvements marquant la souffrance : "tordus" (v.29) qui qualifie "ceps", ce qui fait écho dans "repliés" antéposé à "suaires" (v.31).
- On a une sorte de chiasme disloqué sur trois vers qui associe dans le narratif-descriptif le rassurant :
- vers 29 : "les vignerons" aux "ceps tordus"
- vers 30 : "devenaient dans l'obscurité des ossuaires.
- vers 31 : "En neige et repliés gisaient là des suaires.
Les vignobles et l'angoissant transforment l'un en l'autre avec des termes appartenant à l'ense-velissement à la rime.
- On a un rebondissement de l'angoissant au vers 32 :
"Et des chiens aboyaient … aux passants morfondus"
Ici on a donc une hostilité par rapport aux humains.
- Cette hostilité vient aussi du sens de l'adjectif "morfondus" (qui a froid, se fait du soucis, attend : Négatif) et de la présence du terme "mort" dans cet adjectif.
La mort enfin présente au 9ème et dernier quatrain :
- On a d'ailleurs un écho entre "morfondus" et "mort" au vers 33.
- Echo qui se poursuit au vers 34 : "la mort du sacristain".
- On a une fois le son + deux fois le mot sur 3 vers = 1fois/vers.
- On a une opposition de la douceur du son par rapport à la mort. Au vers 33, on a l'adverbe "doucement" qui contraste avec "la mort du sacristain".
- On a une alternance qui rend la simultanéité de l'angoissant et du rassurant.
- On a le rassurant dans le quotidien à l'intérieur qui est pourtant contaminé par l'an-goisse :
"Lise, il faut attiser le poêle" mais … immédiatement "qui s'éteint" (v.35) qui donne la mort.
Le poêle est comme une menace.
On a une mort symbolique à travers le dialogue.
- La mort est donc annoncée simultanément par le discours des femmes et les cloches : "la cloche de l'église … sonnait tout doucement (+ COD) : la mort du sacristain".
- L'angoisse est rendue au dernier vers : "les femmes se signaient" : présence de la mort.
- On a une atmosphère angoissante aussi par la présence de la nuit : "dans la nuit indé-cise" (v.36).
Conclusion
Ce poème-conversation déstabilise l'énonciation lyrique. L'alexandrin, symbole consacré du chant poétique et du souffle lyrique devient le support insolite de brides de conversation.
On constate dans le poème l'effacement symbolique de sujet lyrique, le "je" du poète, au profit d'un "nouveau lyrisme", le "lyrisme ambiant" (Conférence sur l'esprit nouveau 1917 ). L'abandon du lyrisme traditionnel détermine une modernité littéraire qui heurte les critères esthétiques contemporains, pour lesquels l'énonciation poétique se confond avec la parole, hors du quotidien, faite d'une certaine appréciation du charme, de l'émotion esthétique.
Apollinaire crée ici une forme-sens qui mena son aboutissement dans Calligrammes de 1918. Les femmes annonce Fenêtres.