Descartes, Discours de la méthode: la maitrise des désirs

Je suis en terminale S, c'est un corrigé complètement rédigé d'un devoir maison. J'ai eu 14.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: sou92000 (élève)

Texte étudié

« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde et généralement, de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m'empêcher de rien désirer à l'avenir que je n'acquisse, et ainsi pour me rendre content.
Car notre volonté ne se portant naturellement à désirer (= la volonté désire) que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que, si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n'aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d'être sains, étant malades, ou d'être libres, étant en prison, que nous faisons maintenant d'avoir des corps d'une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. »

Descartes, Discours de la méthode

Introduction

Paradoxe : Dans le Banquet, Platon est le premier à donner une définition du désir : le désir est toujours lié à la jouissance de posséder quelque chose qui nous manque . Or, l’impossible est par défnition l’irréalisable ou l’impossédable. Et pourtant, l’homme est généralement attiré par ce qu’il ne pourra jamais atteindre comme l’immortalité.

Problème philosophique : Désirer l’impossible n’est-ce pas prendre le risque d’être dans un perpétuel état d’insatisfaction ? Mais maîtriser ses désirs est ce possible ? Cela permet-il d’apaiser l’âme ?

Thèse de l’auteur : Descartes affirme dans son Discours de la méthode, que pour être heureux il faut lutter contre cette attraction pour l’ impossible, il affirme la possibilité de pouvoir ne désirer que ce que nous savons obtenir par nous même.

Plan du texte : Dans le début de l’extrait, Descartes présente sa troisième maxime : il faut s’habituer à considérer toutes choses qui ne dépendent pas de nous comme non désirables et donc à changer l’objet de ses désirs pour ne désirer plus que ce qui est possible.
Dans un deuxième temps, Descartes va montrer comment par l’usage de sa volonté toujours associée à l’entendement, la réalisation de la maxime précédente est possible et amène le contentement.

I. Etude linéaire

La troisième maxime de Descartes, est exposée dans un système de comparaison : il énonce ce qu’il faut faire en l’opposant à ce qu’on est tenté de faire généralement. Ainsi il faut porter ses efforts sur soi même plutôt qu’essayer en vain de changer ou de se battre contre « la fortune » ce qui est par définition le hasard de la vie malheureux ou heureux, en d’autres termes ce qui ne dépend pas de nous.

L’adverbe « toujours » introduit le fait que cette maxime est un devoir de chaque instant, elle doit fixer le rapport de l’individu avec le monde extérieur et la fortune.

Ainsi, le rapport à l’extérieur doit etre défini ainsi : Il faut « changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde ». L’ordre du monde est du domaine de ce qui ne dépend pas de l’individu et qu’il ne pourra jamais posséder : les autres, le monde, les lois. Les désirs au contraire sont le fruit de notre conscience. Ainsi, Descartes affirme qu’il faut privilégier un travail sur notre conscience plutot que s’efforcer en vain de changer ce qui est inchangeable en une seule vie : l’ordre du monde.

Mais dans quelle mesure avons-nous un pouvoir sur nos désirs ? Selon Descartes, nous avons sans aucun doute la possibilité de maîtriser nos désirs. En effet, le désir n’est autre qu’une pensée, la prise de conscience du manque de quelque chose. Or, la pensée ou conscience permet à l’individu de se représenter lui-même.
Elle lui permet donc de devenir l'origine de ses actions, de décider de faire telle ou telle action selon qu’elle correspond ou non à une représentation qu’il se fait de lui-même. Ainsi, devenir maître de ces actions ne dépend que de lui, puisque la pensée est ce qu'il a et qui est propre à lui, et ce qui ne peut être détaché de lui.
Cependant, il convient de préciser que Descartes ne dit pas que le contrôle complet de ses désirs peut être atteint de manière immédiate. Cela demande un travail sur soi même, il faut « s’accoutumer à croire » en son pouvoir, s’habituer à cette nouvelle manière de pensée.

Descartes va déterminer ensuite les conséquences du suivi de sa troisième maxime : des lors que l’on a fait de « notre mieux » c'est-à-dire fait un travail sur nos pensées puisque c’est la seule chose sur laquelle l’homme ait un pouvoir conséquent, en s’habituant à juger chaque chose qui nous entoure, chaque « chose extérieure » comme possédable par nous ou non et considérer tout ce qui ne dépend pas de nous comme impossible, on pourra ne désirer que ce qui pourra réussir.

Toutefois, il ne faut pas parler de résignation, il s'agit seulement de ne pas essayer d'agir sur ce qui ne dépend pas de nos pensées parce que l'effort est inutile puisque c'est hors de notre pouvoir. Il faut donc bien juger de ce qui est possible ou non.

Des lors que nous nous sommes accoutumer à bien juger, nous ne songeons plus à désirer les choses impossibles et par conséquent nous ne ressentons aucun sentiment d’échec puisque tout ce que nous avons entrepris a réussi. Nous évitons ainsi le sentiment d’impuissance et de frustration, où la tristesse qui découle de l’échec.
Cette règle pratique ne se base pas sur un savoir, une science mais toutefois Descartes affirme que son suivi est justifié parce qu’ il lui « semble » permettre le bonheur.

Descartes va alors expliquer pourquoi savoir exactement ce qui est en notre pouvoir ou non permet le bonheur.

Pour commencer, d’après Descartes, « notre volonté se porte à désirer ». Le désir est donc un mouvement de la volonté, le désir c’est la volonté d’avoir un objet. Mais vouloir ce n'est pas avoir, pour avoir il faut pouvoir. C’est pourquoi la volonté est « naturellement » guidée par notre entendement, notre bon sens. L’entendement se base sur le savoir. Ce savoir étant limité (on ne peut pas tout connaître) l’individu dès lors qu’il ne comprend pas comment réussir une chose sait qu’il est sorti des limites de son entendement et donc que la chose qu’il veut entreprendre est impossible. Par conséquent, le désir, bien qu’il soit quant à lui illimité (on peut tout désirer, être immortel par exemple) ne peut pas porter sur tout puisque la volonté est guidé par l’entendement. Ainsi c’est grace à cette alliance de la volonté et de l’entendement, que la maîtrise des désirs devient possible si et seulement si au préalable l’individu sait ce qui lui est possible ou non de réussir.

Or les « biens qui sont hors de nous » sont souvent hors de notre pouvoir dans la mesure où nous n'en sommes pas les auteurs. Par conséquent, l’entendement considérera tous les biens qui nous sont extérieurs à nous de la même façon, c'est-à-dire comme des choses sur lesquelles nous n'avons aucune action.

Ainsi, nous ne ressentirons aucun regret face à la fois à ce que nous n’avons plus, que face à ce que nous n’aurons jamais. Ën conséquence, même un membre de la noblesse qui depuis son enfance a été habitué à une vie confortable , n’éprouvera pas de sentiment de manque à l’égard des biens dus à sa naissance si un jour ceux-ci devaient disparaître et être impossible à récupérer. En fin de compte, il ne désirera pas plus sa vie passée que celle qu’il n’a jamais eu comme par exemple être le roi de Chine ou du Mexique.

Transition : Descartes dit donc qu’il faut faire de "nécessité vertu" en acceptant la nécessité, en ne désirant plus l'impossible, cesser de ressentir de l'amertume à ne pas posséder l'objet de son désir.
Dès lors, grace à cette maîtrise des désirs possible par un examen critique de chacun des objets de nos désirs, nous permet d’éviter la dépendance aux conditions extérieures, de ne plus être tributaires du cours des choses. Limiter ses désirs, c’est être donc plus libre. Ainsi, même le prisonnier sera heureux s'il règle ses désirs sur l'accessible, s'il ne désire pas la liberté impossible.

II. Discussion critique

Descartes donne donc une clé pour accéder au bonheur : on y accède non pas en désirant contre l'ordre du monde, pas plus qu'en renonçant à tous ses désirs, mais en ne désirant que ce que l'on sait pouvoir obtenir. En effet, lorsqu’on ne veut que ce que l’on peut, on peut tout ce que l’on veut.

Epicure, dans sa lettre à Ménécée, soutient également la thèse de Descartes selon laquelle maîtriser ses désirs à ne désirer que ce qui est facilement possédable permet de ne plus craindre « les coups de la fortune », permet de se suffire à soi même. En effet, si on s’habitue à manger une nourriture simple, on ne sentira pas le manque de la nourriture couteuses et celles-ci lorque nous aurons l’occasion d’en manger nous apporterons d’antant plus de plaisir. Ainsi, Epicure affirme t-il la nécéssité de l’autarcie pour atteindre l’ataraxie, « absence de troubles de l’âme et de douleur du corps ».

Cependant, écarter tout ce qui est impossible peut paraître plus difficile que Descartes ne l’énonce dans la mesure ou la limite entre le possible et l’impossible est relative. L’histoire montre que ce qui était possible à une époque donnée a pu devenir possible à une époque ultérieure. Ainsi, le désir de faire un voyage vers la lune décrit dans de nombreux romans de Jules Verne paraissait impossible à son époque mais devint réalité lorsqu’en 1960 Neil Armstrong pose le premier pas sur le la lune. De même, sur le plan social, le désir de l’impossible est le moteur du progrès. Les utopies socialistes, le rêve d’un monde égalitaire ont permis concrètement la réduction du temps de travail.

Conclusion

Descartes montre que le désir et son objet peuvent être inspectés par l'entendement et être réglés par la volonté puisque le désir est de l'ordre de la pensée du sujet. Et que par conséquent, nous pouvons éduquer nos désirs , les maîtriser et ainsi nous défaire des désirs impossibles, du désir des biens extérieures hors de notre portée et ainsi atteindre un état de contentement. Mais, la limite relative entre le possible et l’impossible amènerait à penser que peut être ne désirer plus que ce qui nous semble possible serait devenir passif face à ce qui nous entoure, diminuer nos possibilités de progresser.