Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse: Du plaisir de désirer

I. Le bonheur se trouve dans le désir
II. L'homme serait fait pour désirer
III. En quoi la possession de l'objet désiré en détruit la beauté
IV. le désir a une valeur ontologique selon Rousseau

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: arianev (élève)

Texte étudié

Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux.
En effet, l'homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel [de Dieu] une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu'il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l'objet même ; rien n'embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu'on voit ; l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on possède, l'illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d'être habité […].
Vivre sans peine n'est pas un état d'homme ; vivre ainsi c'est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus supportable.

Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse

Introduction

Jean Jacques Rousseau (1712-1778) est un des plus illustres philosophes du siècle des Lumières. Il est l'auteur de Julie ou la Nouvelle Héloïse, daté de 1761, dont le grand thème est le désir.
Dans son texte, l'auteur remet en cause l'aspect péjoratif du désir et en fait un élément positif, voire essentiel à notre bonheur. Rousseau se livre à deux descriptions : tout d'abord la description de l'état du désir, c'est à dire l'embellissement par l'imagination de ce qui est désiré ; ensuite, il décrit l'état dans lequel on se trouve lorsque l'on vient à posséder : la réalité ne peut alors rivaliser avec la beauté qu'avait produite l'imagination. Rétrospectivement, on se rend compte qu'il n'y a illusion et beauté que lors du désir, et que le plaisir qu'elles procurent est bien supérieur à celui de la possession.
Pour Rousseau, la vie ne vaut la peine d'être vécu que si elle est emplie de désir.
Nous allons voir dans un premier temps que, pour Rousseau, le bonheur se trouve dans le désir, puis dans un second temps que l'homme serait fait pour désirer, dans un troisième temps en quoi la possession de l'objet désiré en détruit la beauté, et enfin dans un quatrième temps, que le désir a une valeur ontologique selon Rousseau.

I. Le bonheur se trouve dans le désir

« Malheur à qui n'a plus rien a désirer !» avertit Rousseau dès la première phrase du texte. Cette phrase sonne comme une mise en garde et une prédiction. Or cela est paradoxal : en effet, le désir est généralement considéré comme le moment qui précède la satisfaction, donc un moment fait d'angoisse et de doute ; tant que l'on n'a pas obtenu ce que l'on désire, on ne possède encore rien, et on est donc, sinon malheureux, dans l'attente d'un bonheur à venir. Ce sens est tiré de l'origine du mot « désir ». « Désir » vient en effet de « de-siderare » en latin, qui signifie « la contemplation avec nostalgie d'un astre merveilleux », ou le regret de l'absence d'un ciel étoilé. Or Rousseau nous prédit le malheur non dans le désir, mais s'il on n'a « plus rien à désirer ». Il faut donc en déduire que le bonheur résiderait dans le désir. Comment Rousseau explique-t-il ce paradoxe?

Selon l'auteur, celui qui n'a plus rien à désirer perd « pour ainsi dire tout ce qu'il possède », L'expression « pour ainsi dire » prend acte que ce qu'il dit ne va pas de soi. En effet, le paradoxe semble s'accroître. Que peut donc perdre celui qui désire, donc

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