Antoine François Prévost d’Exiles, nommé l'Abbé Prévost, est né en 1697 dans une famille noble et suit une éducation jésuite. Il mène une vie sous l'habit d'un religieux, mais qu'il quitte régulièrement pour les voyages, la littérature et les salons. Il meurt en 1763, écrasé par les dettes. Il est notamment l’auteur des Aventures et Mémoires d’un homme de qualité, ensemble de romans dont Manon Lescaut est le septième et dernier volume.
Manon Lescaut, raconte l’histoire d’amour et les aventures de Manon Lescaut et de Des Grieux, entraînés dans une marginalisation et une déchéance progressives. Le passage étudié se situe à la fin du roman, alors que Manon a été déportée en Louisiane et que Des Grieux l’a suivi, et qu'ils sont contraints de fuir la ville où ils s’étaient établis. C’est lors de cette fuite dans le désert que Manon voit ses dernières forces la quitter et qu’elle meurt dans les bras de Des Grieux.
Nous nous demanderons comment le récit douloureux de Des Grieux sublime la mort de Manon.
I. De la prostration à la résolution
a) L’impossibilité de la séparation (de « Je demeurai » à « ma chère Manon »)
Des Grieux ne peut se résoudre à la séparation. Le verbe d'état « Je demeurai », placé en début de phrase, traduit son immobilité, sa prostration. Le lexique du corps, renvoyant aussi bien à Des Grieux (« bouche ») qu'à Manon (« visage », « mains »), et le participe passé « attachée » signalent le lien indéfectible qui unit les amants.
Il offre ainsi à ses auditeurs un tableau pathétique qui s'inscrit dans la durée, comme le suggère l'indicateur de temps associé à un comparatif de supériorité « plus de vingt-quatre heures ». La perception du temps est ainsi bouleversée par l'émotion. On notera également l'évocation laudative de l'aimée, exprimant un sentiment d'appartenance (« ma chère Manon »). Des Grieux veut ainsi retenir l'objet de son amour par-delà la mort.
b) Le retour à la réalité (de « Mon dessein » à « sa fosse »)
Des Grieux sature ses propos d'expressions qui renvoient à sa fin prochaine à laquelle il ne peut échapper : « mourir » / « mort », « trépas », « fosse ». Cet horizon fatal paraît d'autant plus certain qu'il est désiré : « Mon dessein », « Je formai la résolution ». Par son récit qui adopte un style élevé (« trépas »), il se pose en héros tragique q