Beaumarchais, Le Mariage de Figaro - Acte V, scène 7 (2)

Corrigé du professeur, au niveau première, pour le bac de français.

Dernière mise à jour : • Proposé par: Imanol (élève)

Texte étudié

FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.

[...]

LE COMTE prend la main de sa femme.
Mais quelle peau fine et douce, et qu’il s’en faut que la comtesse ait la main aussi belle !

LA COMTESSE, à part.
Oh ! la prévention !

LE COMTE.
A-t-elle ce bras ferme et rondelet ? ces jolis doigts pleins de grâce et d’espièglerie ?

LA COMTESSE, de la voix de Suzanne.
Ainsi l’amour…

LE COMTE.
L’amour… n’est que le roman du cœur ; c’est le plaisir qui en est l’histoire : il m’amène à tes genoux.

LA COMTESSE.
Vous ne l’aimez plus ?

LE COMTE.
Je l’aime beaucoup ; mais trois ans d’union rendent l’hymen si respectable !

LA COMTESSE.
Que vouliez-vous en elle ?

LE COMTE, la caressant.
Ce que je trouve en toi, ma beauté…

LA COMTESSE.
Mais dites donc.

LE COMTE.
Je ne sais : moins d’uniformité peut-être, plus de piquant dans les manières, un je ne sais quoi qui fait le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant : cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment (quand elles nous aiment !), et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu’on est tout surpris un beau soir de trouver la satiété où l’on recherchait le bonheur.

LA COMTESSE, à part.
Ah ! quelle leçon !

LE COMTE.
En vérité, Suzon, j’ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c’est qu’elles n’étudient pas assez l’art de soutenir notre goût, de se renouveler à l’amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.

LA COMTESSE, piquée.
Donc elles doivent tout ?…

LE COMTE, riant.
Et l’homme rien. Changerons-nous la marche de la nature ? Notre tâche, à nous, fut de les obtenir, la leur…

LA COMTESSE.
La leur ?…

LE COMTE.
Est de nous retenir : on l’oublie trop.

LA COMTESSE.
Ce ne sera pas moi.

LE COMTE.
Ni moi.

FIGARO, à part.
Ni moi.

SUZANNE, à part.
Ni moi.

LE COMTE prend la main de sa femme.
Il y a de l’écho ici, parlons plus bas.

[...]

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro - Acte V, scène 7 (2)

Le Mariage de Figaro est une comédie écrite durant le siècle des Lumières, soit le XVIIIe siècle par Beaumarchais. Cependant, Louis XVI, sensible à la critique de la noblesse et des privilèges qu’elle met en lumière, manifeste une opposition farouche à sa représentation. Effectivement, achevée en 1778, refusée par la censure, elle ne pourra être jouée qu’en 1784.

L'oeuvre se situe dans une trilogie théâtrale dont il constitue le deuxième volet entre le Barbier de Séville et la Mère Coupable. Il s’est écoulé trois ans depuis que le comte est parvenu, avec l’aide de son valet Figaro à conquérir Rosine, devenue, depuis, comtesse. Le spectateur suit, dans Le Mariage de Figaro, ses efforts afin de séduire Suzanne, la future épouse de Figaro et sa servante.

Le texte étudié est un extrait de la scène 7 de l’acte V. Ici, le comte est tombé dans le piège tendu par la comtesse et Suzanne. Il pense retrouver la servante à laquelle il a donné rendez-vous alors que c’est la comtesse, déguisée en Suzanne, qui le rejoint. Il fait nuit et il ne reconnaît pas son épouse. Figaro et Suzanne assistent, cachés, à la scène. La comédie de la fausse servante va, ainsi, pouvoir commencer.

Problématique

En quoi la comédie du valet laisse-t-elle place à la comédie des maîtres ?

I. Un comte séducteur et ridicule au cœur d’un quiproquo (l. 1 à 12)

a) La comparaison entre la comtesse et Suzanne (l. 1 à 4)

C’est sur une exclamation extrêmement drôle du comte que s’ouvre notre extrait: « Mais quelle peau fine et douce, et qu’il s’en faut que la comtesse ait la main aussi belle ! » (l. 1-2). Le comique de situation se trouve au cœur de la scène puisqu’Almaviva, au cœur d’un quiproquo, va adresser une série de compliments à celle qu’il pense être Suzanne alors qu’il s’agit de sa propre femme. Pour la séduire, il ambitionne de la flatter comme le mettent en évidence les deux adjectifs mélioratifs de la ligne 1 : « peau fine et douce ».

Il ne peut s’empêcher de comparer cette main à celle de la comtesse, ce qui amuse le spectateur qui sait qui se cache derrière le déguisement. Le comte apparaît comme un personnage avide de conquêtes, mené par un tel désir de séduction qu’il serait prêt à faire n’importe quel compliment pour obtenir les faveurs d’une femme, incapable de reconnaître la main de son épouse. Il est si sûr de lui qu’il ne saisit pas la comédie dont il est la victime.

L’aparté de la comtesse

Accédez à la suite de ce contenu
Obtenez un accès immédiat à tous nos contenus premium.