Être conscient, est-ce savoir ?

Niveau terminale générale. Devoir maison.

Dernière mise à jour : 26/11/2023 • Proposé par: sandy (élève)

Dans L’Étranger, roman paru en 1942, Albert Camus écrit : « Dans l'univers de la connaissance, la conscience est la clé, car sans elle, le savoir reste dormant. » Cela semble indiquer qu’être conscient, c’est savoir. Étymologiquement, savoir vient du latin « sapere » : avoir du discernement. Par définition, le savoir désigne un ensemble cohérent de connaissances acquises au contact de la réalité ou par l’étude. De son côté, être conscient signifie : penser, sentir, raisonner, imaginer, se souvenir. Le mot Conscience vient du latin « cum scientia », ce qui veut dire « en le sachant ». Être conscient, c’est donc penser, mais également savoir qu’on pense. Au sens moral, être conscient c’est aussi savoir distinguer le bien du mal. Il semble donc qu’être conscient s’accompagne d’un certain nombre de savoirs.

Mais être conscient, est-ce vraiment savoir ? Soit conscience et savoir sont indissociables, soit ils ne sont pas liés. Dans le premier cas, comment se fait-il que l’on puisse se tromper à propos de ce dont on est conscient ? Comment expliquer que l’on soit conscient de certaines choses sans les connaître ? Comment expliquer les formes de connaissances acquises de manière inconsciente ? D’un autre côté, si conscience et savoir sont dissociables, cela signifierait que l’on puisse être conscient, mais ne pas le savoir ? Comment peut-on écouter un enseignement sans être conscient ? Ne mêlons-nous pas savoir et conscience pour avoir une compréhension profonde des choses ? Alors comment être conscient permet de limiter son ignorance ?

Nous verrons d’abord dans un premier temps qu’être conscient c’est savoir. Mais ensuite, nous remarquerons que la conscience peut aussi être liée à une certaine ignorance. Enfin nous comprendrons comment limiter cette ignorance par la conscience.

I. Être conscient, c'est savoir

L'un des arguments fondamentaux en faveur de l'idée que "être conscient, c'est savoir" repose sur le rôle central de la conscience en tant que point de départ de la connaissance. La conscience joue un rôle essentiel en nous permettant d'entrer en contact avec le monde qui nous entoure, de percevoir des informations sensorielles et d'acquérir des connaissances fondamentales sur notre environnement. La conscience est le médiateur entre nous et notre environnement. Elle nous permet de percevoir le monde à travers nos sens, tels que la vue, l'ouïe, le toucher, le goût et l'odorat. Par exemple, lorsque nous entendons les mouettes, que nous sentons le vent sur notre peau et que nous voyons les vagues, nous savons que nous sommes au bord de la mer. Cette capacité à percevoir le monde à travers la conscience est le point de départ de notre compréhension du monde.

La conscience facilite également l'expérience et l'apprentissage. Lorsque nous faisons l'expérience de quelque chose, que ce soit une sensation agréable ou désagréable, notre conscience enregistre cette expérience dans notre mémoire. Cela nous permet d'apprendre des événements passés et de les utiliser pour prendre des décisions éclairées à l'avenir. Selon Locke, l’identité personnelle se fonde sur la mémoire. C’est donc grâce à l’expérience que j’apprends à me connaître moi-même. Par exemple, si je mange un aliment dont je n’aime pas le goût, je ne le goûterai pas de nouveau. Cet aliment sera marqué dans ma conscience comme un aliment « mauvais ».

Enfin, la conscience permet la réflexion sur notre expérience. Lorsque nous faisons l'expérience de quelque chose, notre conscience ne se contente pas de l'enregistrer passivement, elle nous permet également de réfléchir à cette expérience. Nous pouvons nous interroger sur ce que nous avons vu, ressenti, entendu ou appris. Cette réflexion nous permet d'approfondir notre compréhension et d'élaborer des idées plus complexes. On peut donc faire le lien avec la phrase inscrite sur le fronton du temple de Delphes « Connais-toi toi-même » qui incite chacun à réfléchir sur sa propre identité. Ainsi, la conscience n'est pas seulement un récepteur passif d'informations, mais un outil actif de réflexion et de compréhension du monde.

Transition : En résumé, la conscience joue un rôle fondamental en tant que point de départ de la connaissance. Elle nous permet de percevoir le monde à travers nos sens, d'acquérir des informations par l'expérience et l'apprentissage, et enfin, de réfléchir sur ces informations pour approfondir notre compréhension. Cependant, si la conscience amène la connaissance, on peut se demander si elle ne peut pas être liée à une certaine ignorance.

II. La conscience peut aussi être liée à une certaine ignorance

Tout d’abord, on peut s’interroger sur les limites de la conscience humaine en ce qui concerne la compréhension de certaines réalités. Certains phénomènes sont difficilement appréhendables par l’Homme. On peut donc être conscients de leur existence, sans les comprendre réellement, sans savoir les expliquer. Dans son livre Critique de la raison pure, Kant évoque cette limitation : l’homme ne peut pas tout connaître. Par exemple, les lois de la physique quantique sont connues, mais ne sont pas expliquées. Il en est de même pour les phénomènes paranormaux.

Ensuite, on peut se demander si notre environnement, notre milieu social ne peuvent pas influencer notre perception et notre compréhension du monde. Notre conscience individuelle peut être conditionnée par notre éducation, notre entourage ce qui peut conduire à une modification voire ignorance de certaines réalités. Cela rejoint la théorie du philosophe français Pierre Bourdieu selon laquelle nous sommes influencés par notre groupe social via les habitus sociaux. Par exemple, un jeune élevé dans un milieu néonazi et négationniste peut être persuadé que les camps n’ont jamais existé.

Enfin, on peut mettre en doute la fiabilité de notre conscience. En effet, notre conscience est fondamentalement subjective puisqu’elle passe par nos sens, nos expériences et nos réflexions. Comment pouvons-nous être sûrs qu’elle reflète la réalité objective ? Le philosophe français René Descartes a abordé cette question en 1637 dans le Discours de la méthode. Il a montré comment la subjectivité de la conscience peut nous conduire à l'illusion de la certitude, où nous croyons que nos propres perceptions sont indiscutables, alors qu'elles peuvent parfois être trompeuses. Nos sens peuvent être trompés par une illusion d’optique, nos réflexions faussées par de mauvais raisonnements.

Transition : En résumé, la conscience peut être liée à une certaine ignorance soit parce qu’elle limite notre compréhension, soit parce qu’elle déforme la réalité soit parce qu’elle nous induit en erreur. Mais alors, peut-on utiliser notre conscience pour limiter notre ignorance ?

III. Nous pouvons limiter cette ignorance par la conscience

Tout d’abord, on peut penser que la recherche de connaissance commence quand on prend conscience de son ignorance. Donc la conscience est l’élément déclencheur de recherche de savoir. Ainsi Socrate affirme que la première étape vers la sagesse est de reconnaître que l’on ne sait pas tout : « Je sais que je ne sais rien ». En admettant que l’on ne sache pas tout, nous sommes incités à remettre en cause nos croyances et à chercher la vérité. Cela stimule donc l’esprit critique et ouvre la porte à un apprentissage continu. Conscience et savoir se nourrissent ainsi mutuellement. C’est ce qui se passe par exemple lorsqu’un élève apprend de nouvelles notions.

Une autre façon de limiter son ignorance est de s’assurer que les connaissances acquises sont véritables. Cela consiste à mettre en doute toutes nos connaissances pour en faire des vérités indubitables, car prouvées. C’est ce que propose Descartes dans le Discours de la méthode en 1637. La conscience du doute conduit à la recherche de vérités plus fondamentales et à une compréhension plus profonde. Par exemple, lorsque l’on a un doute sur une information, on peut vérifier la source, croiser les recherches pour confirmer cette information ou pas.

Enfin, on peut constater que la conscience est un phénomène dynamique qui évolue avec nous tout au long de notre vie. Ainsi nous n’avons pas la même conscience des choses à 5 ans qu’à l’adolescence. Donc les expériences que nous vivons et l’évolution de notre conscience nous enrichissent et limitent notre ignorance. Par exemple, un enfant de 5 ans n’a pas conscience du danger lorsqu’il traverse une route alors que cette conscience vient plus tard.

Conclusion

Au cours de notre réflexion, il nous a d’abord semblé qu’être conscient c’était savoir, car la conscience permet de percevoir le monde à travers nos sens, d'acquérir des informations par l'expérience et l'apprentissage, et enfin, de réfléchir sur ces informations pour approfondir notre compréhension. Mais nous avons ensuite constaté que la conscience peut être liée à une certaine ignorance soit parce qu’elle limite notre compréhension, soit parce qu’elle déforme la réalité soit parce qu’elle nous induit en erreur. Enfin, nous avons tiré la conséquence de cette opposition : comme être conscient, ce n’est pas « tout » savoir, nous avons étudié comment la conscience pouvait limiter l’ignorance.

Il semble donc raisonnable de penser qu’être conscient mène au savoir, même si ce savoir acquis peut être mis à mal par nos limites, notre environnement et nos sens. En effet, l’enjeu de cette réflexion était de comprendre si être conscient apporte plus de savoir que d’ignorance. La question de la part d’ignorance chez l’homme reste posée. Et au-delà, quelles décisions prendre lorsqu’on ne sait pas ? L’ignorance peut-elle être coupable ?