Serions-nous plus libres sans État ?

Annale bac 2012, Série S - France métropolitaine

Devoir maison entièrement restranscrit. Note obtenue: 16/20.

Dernière mise à jour : 29/07/2023 • Proposé par: ccc.charlotte (élève)

L'État est l'ensemble organisé des institutions (politiques, juridiques, policières, militaires, administratives et économiques) sur un territoire indépendant et sous un gouvernement autonome disposant d'une souveraineté. Or, l’État, pas l’établissement de lois et et la punition de tout acte se heurtant aux règles qu’il a établies représente la force contraignante par excellence.

De fait, le rapport entre État et liberté relève du paradoxe. En effet, devoir se soumettre aux lois, n’est-ce pas accepter de restreindre sa liberté ? La liberté et l’obéissance à la loi sont-elles nécessairement incompatibles l’une avec l’autre ? Serions-nous plus libres sans l’État ? Dans un premier temps, l'État peut être considéré comme une restriction abusive de notre liberté naturelle. Or, la puissance publique peut être envisagée comme un moyen de fonder sa liberté véritable et de protéger l’homme ses passions et de sa violence naturelle. Enfin, définir le cadre de l’État et ses limites est essentiel afin de permettre la coexistence des libertés de chacun.

I. L'État, une restriction apparemment abusive de notre liberté naturelle

La conception la plus courante de l’État est celle d’un pouvoir qui, comme tel, peut s’opposer à la liberté de l’individu, constituant de fait un obstacle à l’expansion de ses désirs ou même représenter une forme d’oppression. L’État rendrait l’homme esclave.

Tout d’abord, Nietzsche affirme qu’au nom de la paix, l'État, décrit comme « le plus froid de tous les monstres froids », disciplinerait les individus en leur retirant toute initiative personnelle. Ainsi, l’histoire de l’humanité regorge d’exemples d’États ayant fait usage de leur « monopole de la violence légitime » (Weber) et de leur souveraineté de façon abusive. De fait, l’extrême représenté par le totalitarisme montre que même un État de Droit peut, en dépit des mécanismes de protection institutionnels (séparation des pouvoirs, respect du pluralisme des valeurs…), dériver vers une forme pervertie et devenir ennemi de la liberté. L’État aurait donc une tendance à l’abus de pouvoir, et cette tendance serait liberticide.

D’autre part, l’anarchiste, dont la devise se résume à cette expression, « ni Dieu ni maître », incarne une vive hostilité à l’égard de l’État et montre un refus profond de s’assujettir à quelque organisation politique. En effet, la puissance publique représenterait le mal politique absolu, une force oppressive et contraignante n’ayant de cesse de briser les initiatives individuelles et de brimer la liberté de ceux qu’il régit afin d’asseoir sa propre souveraineté. Ainsi, selon l’anarchiste, la liberté et l’obéissance à la loi seraient incompatibles.

Toutefois, peut-on se satisfaire pour autant de cette explication ? Si l’État entoure le citoyen de tant de contrôles et d’interdiction, n’est-ce pas pour que la vie en collectivité soit possible ?

II. Mais la puissance publique nous protège de nos passions

L’État règlerait le problème de la coordination des individus libres et nous permettrait d’échapper à la contrainte des volontés et passions d’autrui.

Tout d’abord, selon John Stuart Mill l'État, chargé de faire respecter le droit, évite que les libertés individuelles de chacun n’entravent celles des autres. Ce faisant, il affirme que « la liberté des uns s’achève où commence celle d’autrui ». En effet, la réalisation de libre coexistence entre les individus ne serait susceptible d’être atteinte que si chacun, en choisissant de se soumettre librement à la loi qui limite sa liberté par la considération de celle des autres, peut être convaincu qu’il obtiendra d’autrui en retour la même attitude. Par conséquent, le droit, garanti par la puissance publique de l'État, protège la liberté des uns de celle des autres et assure la coexistence des libertés au sein de la société.

Par ailleurs, selon Hobbes, le véritable problème qui se poserait dans une société sans État, sans instance investie de la souveraineté, c'est que chacun se croirait maître absolu de lui-même et voudrait faire la justice tout seul à l'aune de son intérêt personnel. En ce sens, Hobbes écrit « l’homme est un loup pour l'homme ». C’est-à-dire que dans le cadre d’une liberté absolue que Kant qualifie de « liberté sauvage », l’homme, laissant libre cours à toutes ses pulsions agressives et destructrices mettrait en péril la liberté des autres et même leur sécurité. Ainsi, l’homme ne peut être absolument maître de lui-même, et il est donc nécessaire de trouver des principes régulateurs des passions humaines afin d’éviter les dérives anarchiques et les violences qu’elles entraînent.

Il semble donc que, même dans l’intérêt des individus, il faille brider leurs libertés via l’’établissement d’un État et de lois communes et nécessaires. Or, ne peut-on admettre que dans certaines situations, l’État intervient trop et prend trop de place, étouffant la liberté individuelle ? Tout n’est-il pas une question de proportion ? Auquel cas, quelles seraient les limites à ne pas dépasser ?

III. Définir le cadre de l’État permet la coexistence des libertés de chacun

Ainsi, il est aujourd’hui difficile de concevoir une société sans État. Toutefois l’organisation d’une coexistence harmonieuse entre les hommes et respectueuse de leurs libertés ne va pas de soi. Il s’agit donc de définir le cadre de l’État afin de concilier les libertés de chacun avec le bien commun .

Dans un premier temps, considérant que toute forme d’État n’est pas libératrice, Benjamin Constant affirme que la puissance publique se doit de limiter sa propre souveraineté. Ainsi, la condition d’un exercice modéré du pouvoir politique serait le maintien d’une sphère irréductible des libertés individuelles échappant complètement au contrôle de l’État. Par exemple, en affirmant que « l'autorité ne peut agir sur la conviction, elle n'agit que sur l'intérêt », Constant défend la protection des libertés de pensée et de conscience et surtout le principe de laïcité. Ainsi, selon la tradition libérale, limiter le pouvoir politique c’est protéger le peuple de toute captation de sa souveraineté et de ses libertés.

Par ailleurs, dans son œuvre Du Contrat Social Rousseau prône l’affirmation de la souveraineté de l’individu au sein même de l’État qui, loin d’assujettir les êtres humains, fonderait pleinement leur liberté véritable. De fait, pour Rousseau, il est nécessaire que l’individu soit aussi l’auteur de la loi à laquelle il se soumet. En effet, s’il suffisait d’obéir aux lois pour être libre, les sujets d’une tyrannie connaîtraient eux aussi la liberté. Ainsi, le « contrat social » proposé par Rousseau garantit la liberté des citoyens non en les délivrant de toute loi, mais en faisant d’eux les auteurs de la loi par le vote. Ce sont les prémices du Républicanisme où l’individu même est l’État.

Conclusion

Pour conclure, à première vue, vivant dans une société gouvernée par l’État, l’homme semble perdre certaines de ses libertés fondamentales en les cédant à la puissance publique. Or, parallèlement, l’État protège les libertés publiques et pose des limites pour que la liberté des uns n'entrave pas celle des autres. Cette institution permettrait ainsi aux hommes d’effacer leurs défauts naturels, à condition qu’ils s’investissent dedans afin qu’elle les représente réellement.