Peut-on obéir aux lois sans renoncer à sa liberté ?

Copie de bac retranscrite par une élève de terminale en voie générale. Note obtenue: 16/20.

Dernière mise à jour : 09/04/2022 • Proposé par: julien (élève)

Depuis l’Antiquité, les sociétés de notre monde s'organisent autour de textes, de formules ou encore de règles de conduite appelées lois. Ces lois permettent de codifier, d'encadrer toutes choses, toutes actions. Mais certains états du XXe siècle comme l'URSS de Staline, l'Allemagne de Hitler, l’Italie de Mussolini, l’Espagne de Franco ou plus actuel encore, la Corée du Nord de Kim Jong-un, sont sous l'emprise de dictateurs. De ce fait, ils sont régis par des lois très dures qui répriment gravement les libertés de tout à chacun. Certes tous les états et sociétés ne sont pas comme ça, mais ces extrêmes nous poussent à nous poser une question: peut-on obéir aux lois sans renoncer à sa liberté ?

La notion de loi représente le cadre, les règles fixées par un état dans une société. Et la notion de liberté est le fait de pouvoir agir de son propre chef sans contraintes, être autonome. D'un côté, on peut se dire que le rôle des lois est de nous guider dans notre vie en société. Ce qui a pour effet de nous empêcher de sortir des règles en dehors des lois, et donc restreindre nos libertés. D'un autre côté, on peut également se dire qu'en obéissant aux lois, on profite pleinement de nos libertés. Pour répondre à ces interrogations, nous verrons dans un premier temps qu'une loi limite forcément les libertés. Dans un second temps nous verrons une société où les lois sont absentes ne peut garantir la liberté, et pour finir nous nous verrons que la liberté demande d'être limitée pour exister.

I. Une loi limite forcément les libertés

La loi rime souvent avec obligation. Elle nous oblige de faire ceci ou cela, elle nous contraint de faire ce que nous ne voulons pas faire ou elle nous arrête de faire ce que nous voulons faire. Elle nous indique ce qu’il faut faire, ce que nous devons faire. Car, à la différence de la loi naturelle qui nous dit ce qui est où les choses telles qu’elles sont, la loi juridique nous dit ce qui doit être. Or ce qui doit être n’est pas toujours ce qui est, c’est-à-dire que les choses ne sont pas chaque fois telles qu’elles devraient être justement. Par conséquent, la loi nous oblige par des règles obligatoires et contraignantes de faire ce qu’on devrait faire et nous interdit sous la menace des sanctions de faire certaines choses qu’on ne devrait pas faire. La loi est ainsi prescriptive. Elle prescrit la conduite à suivre et celle à ne pas suivre. La loi nous oblige, par exemple, de s’arrêter devant un feu rouge et d’attendre que le feu vire au vert pour circuler. Et ce n’est pas toujours ce que nous voulons faire, quelle que soit notre raison. On peut ne pas vouloir s’arrêter si on est en retard au travail et qu’on risque de se faire virer du travail ou de voir son salaire retenu. On pourrait ne pas aimer attendre le feu vert si on transporte à l’hôpital son enfant très malade ou sa femme sur le point d’accoucher, etc. Et si je m’arrête devant le feu, c’est contre mon gré, c’est parce que je suis obligé de le faire par la loi.

On peut donc juger cette obligation comme une entrave à la liberté, à la volonté, voire même à la vie ou à celle de nos proches. Ceci étant dit, il est donc clair que la loi entrave la liberté de l’homme par ses interdictions, par ses obligations et aussi par des sanctions. Elle ne nous donne pas la liberté de l’ignorer, le droit de s’y opposer. Certes, il est incontestable que nous avons le pouvoir de ne pas obéir à la loi. On peut ne pas suivre la loi, mais cela ne signifie pas être libre, car nous serions sanctionnés par la loi pour ce manquement à sa limite. Elle constitue un obstacle incontournable à la liberté. Toutes nos actions doivent prendre en considération cette limite qu’impose la loi avant de s’accomplir. C’est elle qui nous dicte ce qu’on a la liberté de faire et ce qu’il nous est défendu de faire. Il est donc évident d’après ce qui a été dit que la loi est une limite voire même un obstacle à notre liberté.

Les lois limitent donc les libertés, mais ne peuvent jamais vraiment les supprimer. Mais alors que se passerait-il dans une société régie par les libertés ?

II. Mais une société où les lois sont absentes ne garantit pas non plus la liberté

Il est difficile pour l’homme de vivre sans loi, car la loi est la plupart du temps la base de toute société. Or le mouvement anarchiste, né au XIXe siècle, ne prône pas comme on le croit souvent le désordre et le chaos, mais une société idéale fonctionnant sans le contrôle oppressif, pour l'individu, d'un État. La devise des anarchistes « ni Dieu, ni maître » exprime bien le refus d'une autorité de l’État, que celui-ci tire sa légitimité du pouvoir divin, comme c’était souvent le cas des monarchies, ou du pouvoir, même démocratique, des hommes. Aucune autorité n'a de légitimité à exercer un pouvoir sur d'autres hommes, même si elle est élue par une majorité. Seules des associations libres doivent suffire à assurer la coopération sociale, sans la tutelle d'institutions étatiques. À défaut de savoir si une telle société anarchiste peut être viable, puisqu'il n'existe pas de tentative réelle qui se soit constituée, il reste néanmoins un soupçon toujours légitime à l'égard de l’État lorsque celui-ci se substitue à la société.

Bien que Marx ait prôné dans sa doctrine socialiste la suppression de l’État comme moyen de l'oppression de la classe dominante sur les classes dominées, les tentatives communistes qui installèrent dans ce dessein une dictature du prolétariat (classe dominée) aboutirent toutes rapidement au totalitarisme. Lorsque l’État, même communiste, c'est-à-dire représentant des intérêts communs, envahit toute la sphère sociale, gère non seulement les lois, l'administration, mais aussi ce qu'il faut lire, penser et écouter, l'éducation de ses enfants ou le commerce, alors il ne reste que l'omnipotence de l’État, et c'est la société comme sphère des libertés individuelles, lieu de vie, d'échange et de bonheur qui disparaît. Ne reste qu'une carcasse étatique représentant un bien commun, qui n'est celui de personne en particulier. L’État et la société doivent donc cerner leurs limites respectives.

III. La liberté ne peut se concevoir sans limites

La première raison de cette obligation réside dans son affirmation solennelle par un texte de valeur constitutionnelle. L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits". Une liberté sans bornes ne peut aboutir qu’à la loi du plus fort. Si la liberté de chacun est sans limite, une personne ne tardera pas, au nom de sa propre liberté, à empiéter sur celle des autres. Pour chaque liberté fondamentale, le législateur précise quelles en sont les limites, de manière à ménager les droits de chaque citoyen. La liberté d’expression peut constituer un exemple. Chacun, en démocratie, est bien évidemment libre d’exprimer sa pensée.

Néanmoins, si son expression prend, par exemple, la forme de propos à caractère diffamatoire et raciste, la liberté de l’auteur de ses insultes trouve sa limite dans le respect de la dignité d’autrui et le droit pénal vient sanctionner ces excès. En outre, il serait particulièrement intéressant que nous nous interrogions sur l'idée que l'homme ne doit pas être assujetti d'un trop grand nombre d'objectifs et qu'il lui est tout autant bénéfique qu'il se fixe lui-même des limites, en usant pour cela de sa raison. On peut s'inspirer ici de la conception du bonheur édictée par Schopenhauer: « Pour ne pas devenir très malheureux, le moyen le plus certain est de ne pas demander à être très heureux ». L'individu doit ainsi allier ses actes à la raison pour se fixer des limites afin de ne pas nuire à son bonheur. Il doit donc toujours garder à l'esprit qu'il est incessamment contraint aux conditions de son existence et qu'il doit ainsi adapter ses désirs pour ne pas convoiter l'impossible ou l'inatteignable. Ainsi ces arguments plaident en faveur du fait qu'il est essentiel que des limites régissent notre liberté au quotidien, sous peine de nuire non seulement à notre bonheur, mais à celui des autres.

Pour autant, notre liberté doit-elle nécessairement entrevoir des limites supplémentaires sachant que nous n'avons jamais été, et cela dès notre naissance, entièrement libres ?

Conclusion

Pour conclure, l'obéissance n'est pas le renoncement à la liberté. Si l'ordre est conforme à ce que nous dicte notre raison, en obéissant, on reste libre. Si l'ordre auquel nous obéissons est contraire à notre raison, nous sommes encore libres en l'exécutant, car on peut choisir de ne le pas faire. Il ne faut donc pas choisir entre liberté et obéissance : il n'y a pas de liberté sans une forme d'obéissance, d'obéissance à soi, et il n'y a pas d'obéissance qui, contre les apparences, ne fasse pas appel à la liberté. Encore faut-il à l'homme le courage d'exercer cette liberté qui sans cesse s'offre à lui.