Judith Butler, Trouble dans le genre: Féminisme et sujet de droit

Une copie de philosophie à la faculté qui a obtenu la note de 17/20.

Dernière mise à jour : 20/03/2022 • Proposé par: ilyana (élève)

Texte étudié

La question du « sujet » est décisive en politique, et pour la politique féministe en particulier, parce que les sujets de droit sont continûment produits par le biais de certaines pratiques d’exclusion qui ne se « voient » pas, une fois que la structure juridique du politique fait loi. En d’autres termes, la construction politique du sujet travaille à des fins précises de légitimation et d’exclusion. De plus, ces visées politiques se trouvent effectivement masquées et naturalisées par toute analyse politique qui les enracinerait dans les structures juridiques. Le pouvoir juridique « produit » incontestablement ce qu’il prétend simplement représenter ; c’est pourquoi la politique doit s’occuper de cette double fonction du pouvoir : juridique et productive. En effet, la loi produit l’idée d’« un sujet avant la loi », puis fait disparaître cette formation discursive avant de la convoquer à titre de prémisse fondatrice naturalisée pour légitimer en retour l’hégémonie régulatrice de cette même loi. Dès lors, il ne suffit plus de se demander comment les femmes pourraient mieux se faire représenter dans le langage et en politique. Encore faut-il que les analyses féministes cherchent à comprendre comment la catégorie « femmes » – le sujet du féminisme – est produite et contenue dans les structures du pouvoir, au moyen desquelles l’on s’efforce précisément de s’émanciper.

En fait, s’interroger sur les femmes en tant que sujet du féminisme fait surgir la possibilité qu’il n’y ait pas de sujet qui précède la « loi » dans l’attente de se faire représenter dans ou par la loi. Peut-être le sujet, tout comme l’invocation d’un « avant », est-il érigé par la loi en fondement fictif de sa propre visée à la légitimité. On pourrait voir dans le fameux postulat qui affirme l’unité ontologique du sujet avant la loi la trace contemporaine de l’hypothèse de l’état de nature, ce mythe fondateur inhérent aux structures juridiques du libéralisme classique. L’invocation d’un « avant » anhistorique est performative en faisant de ce dernier la prémisse fondatrice garante d’une ontologie présociale, celle de personnes consentant librement à être gouvernées et qui, de cette façon, scellent la légitimité du contrat social.

Mis à part les mythes fondateurs qui cimentent l’idée du sujet, il n’en reste pas moins que le féminisme bute sur le même problème politique chaque fois que le terme femmes est supposé dénoter une seule et même identité. Plutôt qu’un signifiant stable qui enjoint l’assentiment de celles qu’il prétend décrire et représenter, femmes, même au pluriel, est devenu un terme qui fait problème, un terrain de dispute, une source d’angoisse. Comme l’évoque le titre du livre de Denise Riley, Am I that Name ?, une telle question émerge précisément de la capacité du nom à déployer de multiples significations. « Être » une femme ne définit certainement pas tout un être ; le terme échoue à être exhaustif, non qu’il y aurait une « personne » encore sans genre qui transcende l’attirail distinctif du genre, mais parce que le genre n’est pas toujours constitué de façon cohérente ni conséquente dans des contextes historiques différents, et parce que le genre est partie prenante de dynamiques raciales, de classe, ethniques, sexuelles et régionales où se constituent discursivement les identités. Par conséquent, il devient impossible de dissocier « le genre » des interstices politiques et culturels où il est constamment produit et reproduit.

Judith Butler, Trouble dans le genre

Judith Butler expose dans son essai philosophique Gender Trouble publié en 1990 aux États-Unis, une critique des catégories « hommes » et « femmes » en défendant l’idée d’une performance du genre au sein de notre société. C’est sous le prisme d’une politique féministe anti-identitaire que plusieurs thèmes sont abordés au sein de son ouvrage et notamment celui de l’identité du sujet au sein de la politique et de ses structures juridiques. C’est dans notre extrait précisément que se joue une des idées principales de Butler à savoir le sujet comme étant la production de la loi. Cette idée présentée au sein de la première partie de son livre intitulé « Sujets de sexe/genre/désir » expose, confronte et questionne sur une diversité irréductible qui empêcherait de parler du sujet « féminin » en politique. Cette partie traite aussi de la question d’émancipation du sujet avec cette notion de construction et destruction des concepts de l’Etat sur le sujet et le genre. Or, selon Butler on ne peut concevoir le sujet s’il est soumis à une finalité normative qui se base sur le modèle de l’homme hétérosexuel.

Les sujets minoritaires sont alors cloitrés dans les fers de l’Etat et donc potentiellement exclut de la loi. La notion de liberté via l’émancipation du sujet est-elle donc condamnée à se soumettre aux idéaux d’une politique aux instructions présociales fictives ? Y a-t-il un moyen d’évaluer une ontologie du sujet hors des carcans étatiques ? Au sein de ce texte il est aussi question de relever tout l’enjeu du rapport homme-femme sous l’angle de la plus haute suprématie qu’est le gouvernement, puissance qui peine selon Judith Butler à prendre en compte toute la diversité et la pluralité du sujet au sein de la politique.

C’est dans ce contexte que l’on peut se poser la question suivante : en quoi cette volonté d’unité à travers le sujet et au sein des droits humains reflète une construction performative sociale biaisée par un genre idéalisé prédéfinit par l’Etat ? De la ligne 1 à 8 jusqu’à « juridique et productive », nous aborderons le problème d’obligation d’unité du sujet dans les structures de l’état où l’exclusion identitaire, puis de la ligne 8 jusqu’à « s’émanciper » ligne 14, nous analyserons le moyen que Butler propose pour penser le sujet via la combinaison du juridique et de la productivité pour pallier à un pseudo genre d’intelligibilité inculqué ; enfin de la ligne15 à 33 il s’agira d’évoquer une solution à savoir l’inversement de l’idée principale : il n’y a pas de sujet qui précède la loi si l’on pense sous la conception l’état de nature.

I. L'obligation d’unité du sujet dans les structures de l’état

Au sein de cet extrait première partie du texte on assiste à la thèse principale de Judith Butler de la ligne 1 à 5. En posant les bases du sujet à dès la ligne 1 en évoquant en l’occurrence « les sujets de droits » basé sur un point de vue qui se concentre sur la « politique féministe ». On y exploite le sujet via de nombreuses inégalités qui découlent du genre féminin et en particulier tout ce qui n’est pas « l’homme » hétéonormé. Dès lors nous expliquerons tout d’abord l’exclusion et l’invisibilité du sujet au sein de la structure juridique. Dès la ligne 2 lorsqu’il est dit « les sujets de droits sont continûment produits par le biais de certaines pratiques d’exclusion qui ne se « voient pas », on symbolise directement une inégalité sociale des sexes. L’homme est « le sujet » et la femme ou du moins les minorités sont « l’Autre ». Judith Butler expose une situation critique où la politique a absolument besoin d’un sujet pour penser. La femme serait-elle un obstacle pour penser son émancipation et donc sa visibilité ? L’on signifie ici que les droits qui sont construits et appliqués par le gouvernement ne prennent pas assez en compte la case des femmes ainsi que les minorités qui ne sont pas placer en tant qu’être type sur qui le gouvernement peut se fier pour appliquer les lois à savoir le modèle comme homme blanc hétérosexuel. Via ce sujet normatif imposé par la structure juridique, Judith Butler expose les conséquences de cette unité problématique qui provoque des « pratiques d’exclusion "ne se voient pas", une fois que la structure juridique du politique fait loi ». En effet les pratiques d’exclusion ne se voient pas puisqu’elles sont soumises à un tableau de critères et de bases que l’état a construit. Cela signifie que le sujet est défini par la loi qui implique des normes pré établit sur celle-ci. Or il n’est pas possible de penser le sujet seule puisque qu’il est une « identité commune » et ne peut se penser que sous le prisme de la collectivité. Cependant au sein du sujet pré définit par l’état, on s’intéresse à un ensemble de valeur qu’on décide de poursuivre. Cependant le peuple ne peut suivre un ensemble de valeur si celle-ci est définit seulement sous le prisme du sujet en tant qu’homme blanc hétérosexuel. On a l’exemple de cette constatation avec le code civil français : la femme est « incapable juridiquement ; elle est sous l’autorité de son père puis de son mari ». Le statut juridique des femmes est donc totalement bafoué par cette loi qui date de 1804 et qui concrétise l’incohérence d’un système patriarcal aux lois conditions envers les hommes et pour les hommes. L’indépendance d’une femme est à partir ce moment compromis si l’on veut que les droits des minorités soient pris en compte et reconnus. Judith Butler poursuit sa pensée à la ligne 4 en intervenant toujours sur le terme d’exclusion mais aussi d’un nouveau problème qui est celui de la légitimation : « la construction politique du sujet se fait à des fins précises de légitimation et d’exclusion ». Le terme légitimation vient à admettre que l’on banalise et on rend fiable la validité du sujet féminin en tant que second sujet via l’établissement des lois une suprématie au-dessus de tous qui sont établit la plupart du temps par des hommes. Ce qui ne permet pas la possibilité d’une diversité de point de vue et de prise de conscience qui ne peuvent se faire qu’à travers la loi que les hommes ont établi. Nous pouvons s’appuyer sur le fait que l’œuvre de Judith Butler étant paru en 1990, la date où présidait Georges Bush qui a accueilli seulement 13 femmes sur 70 hommes. Judith Butler relève ici l’incapacité de l’état à inclure de façon égalitaire tous les genres possibles. Cette critique des catégories de l’identité dans les structures juridiques est pour Judith Butler à revoir et à reformuler. Il n’y aurait donc pas de légitimation mais d’une prise en compte, d’une conscientisation de la part de l’état pour assumer la déchéance d’une minorité non reconnue au sein du gouvernement ; il n’y aurait alors pas d’exclusion mais une inclusion à toutes les autres formes possibles de genre et d’identité.

C’est à partir de la ligne 5 à 7 que la philosophe s’intéresse au pourquoi du comment du sujet via des processus « masqués et naturalisés par toute analyse politique qui les fonderait sur des structures juridique ». Le verbe masquer revient sur a thèse de l’exclusion. Le processus politique est naturalisé : Judith Butler y voit une pré naturalisation du sujet. Autrement dit, on entend par naturaliser, une sorte de fondement, d’un support auquel on se serait baser pour définir les structures juridiques. Cette hypothèse renvoie donc à une naturalisation du sujet puisque les processus politiques sont basés sur des restrictions dont l’identité principale de la population se base sur une définition collective qu’on appliquerait à tout le monde. Or, nous pouvons appliquer une identité collective que lorsqu’elle prend en compte une infinité de caractéristiques propre à chacun mais aussi communes. L’homme n’est pas l’être qui fait écho à tout le monde. Il faut donc enlever cette volonté d’unicité que la structure juridique a tenté de produire. Le genre et le sujet est ici vu comme politique et permet de donner une référence d’institutionnalisation et d’une identité juridique. Judith Butler résume cette idée à la page 82 : « l’unité établit une norme qui construit la solidarité sur l’exclusion identitaire ».

Judith Butler étire cette idée dès la ligne 6 en proposant une introduction à la deuxième partie du texte via sa proposition d’allier « juridique et productive » : « c’est pourquoi la politique doit s’occuper du […] juridique et productive ». La partie juridique doit prendre en compte l’intégralité de son exercice sous le prisme de multiples notions et notamment celle de la productivité. On entend par productivité dans le sens où comme le disait Butler « le pouvoir juridique "produit" incontestablement ce qu’il prétend simplement représenter ». En effet cette question de productivité reproduit ce que la société lui a laisser faire paraitre. Or notre société est régie par un déterminisme des genres profond. On parle d’une « notion stable du genre » page 69 pour relever le problème de prémisses fondatrice qui est ici explicitement interprété dans la notion de productivité. Il ne s’agirait plus d’être pacifique envers ce genre performatif mais de justement « contester les réifications mêmes du genre et de l’identité » selon Judith Butler. Le problème de la productivité au sein de la structure juridique est donc encore une fois sujette à de réelles problèmes de visualisation concernant la multiplicité et la diversité de genre que recouvre un sujet.

II. Penser le sujet via la combinaison du juridique et de la productivité

C’est à ce moment du texte où Judith Butler propose un moyen pour penser le sujet via la combinaison du juridique et de la productivité pour pallier à un pseudo genre d’intelligibilité inculqué. En effet, dès la ligne 8 jusqu’à la ligne 10 elle expose : « en effet la loi produit l’idée d’un sujet avant la loi », puis fait disparaître de cette formation discursive avant de la convoquer à titre de prémisse fondatrice naturalisée pour légitimer en retour l’hégémonie régulatrice de cette même loi ? ». On entend l’idée d’un sujet avant la loi sous de multiples raisons que Judith Butler explique tout au long de son introduction ainsi que de sa première partie « Sujets de sexe/genre/désir ». En effet cette notion « d’avant » se caractérise ici par la volonté d’instaurer une sexualité normative qui permettrait de créer une culture biologique du sexe qui est ici déterminée par la loi. Néanmoins, Judith Butler insiste sur la notion d’un avant utopique et impossible à concevoir : « une sexualité normative qui se situe "avant", "en dehors" ou "au-delà" du pouvoir est une impossibilité culturelle et un rêve politiquement irréalisable ». On en vient au fait que selon Judith Butler, le « avant » du sujet n’est qu’un vaste mirage puisqu’il doit être conceptualiser sous la fonction du pouvoir qui n’est en faite juste qu’une « formation discursive » à la construction du sujet. Ce support étatique doit donc forcer le sujet à se développer hors des sphères de l’état. C’est donc pour cela que la philosophe féministe insiste sur la fabrication d’une « prémisse fondatrice naturalisé », ce que l’on peut résumer donc au concept de discursivité pré établit qui serait le moyen de dédouanement de la puissance qu’exerce la loi. Nous pouvons donc résumer cette argumentation sous le prisme de Michel Foucault qui expliquait cette idée par le fait que les sujets sont régulés par l’Etat à cause des notions juridiques de notre société qui exercent un pouvoir négatif envers « l’Autre » c’est-à-dire les femmes. De là, une légitimité est instaurée puisque le sujet de l’Etat est ici genre et ne permet pas l’émancipation des femmes au sein du système juridique.

Judith Butler s’interroge donc sur l’impossibilité d’une représentation des femmes au sein de la loi. Lorsque la philosophe dit à la ligne 11 : « il ne suffit plus de se demander comment les femmes pourraient mieux se faire représenter dans le langage et en politique » : il n’est pas question de se demander si la représentation des femmes a lieu puisque selon la loi elle est dans tous les cas une forme négative du genre. Le genre féminin est alors problématique. C’est alors tout l’inverse de l’idée de Judith Butler pour qui le sujet serait le substrat, autrement dit la personne qui serait la première à toutes ses expériences et là où tous les gens pourraient s’appliquer. Cette première à toutes les choses nécessite donc d’être revu au sein des affaires juridiques. Bien plus qu’une question de représentation des femmes, elle en vient à accuser les analyses féministes à la ligne 12 : « faut-il que les analyses féministes cherchent à comprendre la catégorie des femmes » : Judith Butler remet ici en cause les analyses féministes parfois faussées qui, faute de tenter d’inculquer des valeurs envers les femmes, provoque au contraire l’inverse en les catégorisant de « femme ». Si l’on continue la pensée de Butler, la catégorie des femmes, en lien avec la société qui exige une cohérence entre genre et féminin. Autrement dit, la production binaire et hiérarchiques entre le « féminin » et le « masculin ». Bien plus qu’une normativité populaire, elle relève le problème de l’hétérosexualisation de la société. On revient alors au fait que cette nécessité et ce problème d’unité établit de toute évidence une exclusion identitaire.

L’essayiste se rend à l’évidence et voit son entonnoir se resserrer sur les infimes solutions : à la ligne 13 : « le sujet du féminisme est produite et contenue dans les structures du pouvoir ». Dès lors on voit que Judith Butler ne voit pas de réelle solution et se veut fataliste quant à la destinée du sujet féminin qui ne peut être vu que « contenu dans les structures du pouvoir » l. 13 et que l’on en viendrait une indéniable tentative d’émancipation. Y a-t-il donc forcément un échec dans la tentative d’émancipation du sujet féminin ? Sommes-nous bloqués dans la sphère étatique et patriarcale qui dicte les lois sous un seul angle de vue ? Condamne-t-on par là le reniement total de l’inhérent à l’homme ? Le sujet féminin est-t-il forcément la force ascendante que dépeint la loi en l’excluant des modalités des droits de l’homme ?

III. Il n’y a pas de sujet qui précède la loi

C’est dans la troisième partie que Judith Butler impose sa solution via une combinaison possible sous le prisme de l’Etat de nature qui nous permettrait d’inverser la thèse : il n’y a pas de sujet qui précède la loi. En effet dès la ligne cette idée se développe à la ligne 15 : « s’interroger sur les femmes comme sujet de du féminisme… » Possibilité qu’il n'y ait pas de sujet qui précède la « loi » : la possibilité qu’il n’y ai pas de sujet avant la loi est une des principales thèses de Judith Butler. On peut donner comme référence à sa pensée celle de Sartre qui affirmait « l’existence précède l’essence ». Le sujet est d’abord vu sans but ni quelconques définitions et seulement après la loi, elle revoit sa définition. La nuance chez la philosophe comparée à celle de Sartre, c’est le fait que le sujet a déjà une identité qu’il a choisie. Seulement sous le prisme de la loi, le sujet ne peut se définir que par la loi ; or ici on affirme que le sujet n’est pas pris en compte dans sa diversité et dans l’enceinte des structures juridique. Judith Butler nous incite à nous questionner sur la nécessité à voir qu’avec toute la constitution du sujet que l’Etat à forger, on ne peut conclure que la vision du sujet est alors inexistante sans les normes sociétales de l’Etat qu’on applique au sujet. Le sujet est alors constamment « dans l’attente de se faire représenter dans ou par la loi ». Ce triste constat pousse à affirmer encore plus la considération négative qu’on apporte à la femme et aux minorités dans la définition du genre. Là est le problème de tout le texte : il n’y a pas besoin d’un sujet pour penser une politique. Alors dans ce cas, la sujet « féminin » et en particulier dans la politique féministe est un obstacle à l’émancipation et doit se déconstruire pour mieux la créer. Il est donc question pour Butler de revoir la conception du « avant ».

Pour déconstruire la conception d’un « avant », Judith Butler tente d’expliquer les bases du sujet qui sont dites fictives à la ligne 17 : « le sujet comme l’avant est-il érigé par des lois en fondement fictif de son propre visé à la légitimité » : C’est à partir de cette ligne où l’on s’intéresse d’autant plus à la question de l’avant. En effet on peut donner une valeur au « avant » selon en lui donnant des « lois en fondement fictif ». Ici on parle de tous les préjugés concernant en particulier le sujet féminin qui sont institués par des discours pré discursifs » sur lesquelles se fondent les analyses politiques. En effet, la production du sujet implique les fondements fictifs basés en partie sur des anciens penseurs, philosophes ainsi que l’opinion populaire : la femme est l’inessentiel et l’homme l’essentiel, la femme selon Saint Thomas est « l’être relatif », ou encore l’idée qu’au moment où les femmes commence à prendre part à l’élaboration du monde, le monde serait encore un monde qui appartient aux hommes. Mais s’il fallait retenir un exemple précis qui caractérise les fondements fictifs du sujet en rapport avec la loi serait l’idée que l’homme est dans son droit et la femme est dans son tort. Voilà pourquoi Judith Butler insiste sur la fiction des fondements du sujet. Elle y ajoute la notion de légitimation de l’avant provoqué via les fondements fictifs : « loi […] sa propre visée à la légitimité » L17/18. Judith Butler symbolise cette légitimité par la volonté d’une oppression face à la minorité. Cela est directement lié au manque de compréhension des analyses féministes cités par Judith Butler puisque selon la philosophe, cette oppression est liée aussi à l’insistance et « l’unité de la catégorie femme » qui, comme elle le dit à la page 80 du livre, exclut les « multiples intersections culturelles, sociales et politiques ». Ainsi, cette fixation trop forte d’un désir d’unir la catégorie femme oblige à la loi à les exclure et en faire une sorte de boîte où l’on ne peut prendre en considération la parole du sujet féminin. D’où cette légitimation que la loi a tenté d’appliquer.

C’est sous le prisme de cette analyse, que Butler propose une solution ou du moins une construction et un maniement de l’idée d’Etat de nature pour sortir du problème du sujet. Elle y propose ligne 18 une « intégrité ontologique du sujet avant la loi » mais aussi une « Hypothèse de l’état de nature ». Ainsi pour remédier au manque de liberté imposer par une loi qui définirait systématiquement le sujet, il faudrait nuancer pour mieux appréhender cette conception du sujet via un retour aux sources du sujet en mettant en avant l’hypothèse de l’état de nature. Cette « intégrité ontologique avant la loi » instauré par Rousseau au sein de son essai intitulé Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes publié en 1755, qui a pour idée principal d’un état de nature de l’homme d’avant hors société où l’inégalité n’existerait pas puisque ce serait la société qui ne serait que la production des injustices et des inégalités apparentes au sein de notre société actuelle. On pourrait nuancer la définition d’état de nature via Thomas Hobbes qui pour lui relève d’une absence d’autorité politique. Ici nous nous baserons sur la conception Rousseauiste pour expliquer la pensée de Judith Butler. En effet la solution d’état de nature est utilisée ici pour parler d’un sujet présocial et d’une définition du sexe qui influence sur le sujet. Judith Butler dit à la page 105 « la biologie réapparaît pour fonder une sexualité ou une signification spécifiquement féminine ». Ce fondement basé sur le sexe féminin nous oblige à s’organiser quant à la structure pré sociale sur laquelle se basera la loi. La solution pour Judith Butler est donc de mieux établir une ontologie du sujet pour qu’il soit mieux comprit par un Etat dans le « libéralisme classique » peine à prendre connaissance des enjeux d’une émancipation des minorités. À la ligne 21/22 : « à force d’évoquer un performativement anhistorique, on réussit à faire la prémisse fondatrice garante d’une ontologie sociale » : Butler expose les conséquences : c’est à force de vouloir créer un avant du sujet autrement son inhérence au monde, que l’on finit par justement créer une ontologie présociale qui va permettre d’être gouverné en connaissance du sujet. Autrement dit nous restons condamner à « vivre dans les fers » selon l’expression de Rousseau mais en ayant pris conscience du sujet qui aurait été déconstruit puis re construit de façon inhérente à l’Etat. Le sujet reste condamné concrètement par les lois dans la forme mais plus émancipé et libre dans son fond.

Conclusion

En conclusion, Judith Butler fait part d’une impossibilité de vivre dans un système qui régit les sujets. Il faut alors détourner cette fatalité en forgeant les prémisses fondatrices même du sujet pour « sceller la légitimité » qu’exerce la loi afin de limiter toutes formes d’exclusion et de limitations. L’ouvrage Trouble dans le genre publié en mars 1990 est une caisse de résonance au sein de notre époque actuelle via un fait d’actualité à savoir le premier passeport au genre X délivré par les États-Unis sous l’ordre de l’Etat américain. Preuve d’une plus grande considération de la structure juridique envers les droits des minorités de manière général.