Pascal, Pensées : Bonne fortune et vérité

Annale bac 2011, Série S - France métropolitaine

Un commentaire linéaire en trois parties.

Dernière mise à jour : • Proposé par: TARO (élève)

Texte étudié

Chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce qu’on appréhende plus de blesser ceux dont l’affection est plus utile et l’aversion plus dangereuse. Un prince sera la fable de toute l’Europe, et lui seul n’en saura rien. Je ne m’en étonne pas : dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr. Or, ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui du prince qu’ils servent ; et ainsi, ils n’ont garde de lui procurer un avantage en se nuisant à eux-mêmes.
Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les moindres n’en sont pas exemptes, parce qu’il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L’union qui est entre les hommes n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion.
L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur.

Pascal, Pensées

Blaise Pascal est un philosophe, mathématicien et physicien du XVIe siècle, il est l’auteur des Pensées, un recueil d’écrits reconstitué après sa mort, qui est principalement une apologie du christianisme en démontrant que l’homme ne peut trouver la paix intérieure et le bonheur qu’en Dieu. Ce texte porte sur les notions de justice, de vérité, de mensonge et de la raison. Il traite plus spécifiquement de l’opposition qui existe entre la vérité et la “bonne fortune”. Le problème étudié dans ce texte est le suivant : Est-il possible de fonder des relations sur la base de la vérité ? Selon Pascal, les hommes, bien que cherchant la vérité, la haïssent. Ils n’ont aucun intérêt à dire la vérité; et à l'inverse le mensonge renforce leurs liens sociaux. Ils mentent aux autres et à eux-mêmes, et toutes les relations sont basées sur cette mutuelle tromperie. Les enjeux de ce texte concernent les relations humaines et la morale : sommes-nous obligés d’user du mensonge pour pouvoir vivre en société ?

L’auteur divise son texte en trois parties :
- (ligne 1-7) il commence par expliquer le rapport entre le statut social et la vérité, la “bonne fortune“ est pour lui complètement incompatible avec la vérité , l’homme n’a aucun intérêt à dire la vérité puisqu’il ne prendrait pas le risque de blesser ceux dont il a besoin.
- (ligne 7-14) Dans cette partie, l’auteur généralise l'illusion et l'hypocrisie des relations sociales, celle-ci ne touche pas seulement les plus puissants. Tous les hommes en sont victimes, et ce quel que soit leur statut social, et quel que soit le type de relations qu'ils entretiennent.
- (ligne 14-fin) Enfin, dans la dernière partie, Pascal conclut en expliquant la source de cette tromperie universelle. Celle-ci trouve son origine dans la nature même de l’homme, le mensonge et la tromperie sont enracinées dans son cœur.

I. Premier paragraphe: la bonne fortune est incompatible avec la vérité

L’auteur commence par introduire le premier argument de la partie (l. 1-2) ”Chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité". Pascal affirme que la réussite sociale nous éloigne de la vérité. C’est une affirmation qui semble partie d’une analyse générale de la société. L’auteur définit la bonne fortune par le hasard et la chance qui définissent notre statut social, et entend par “vérité”, celle utilisée dans le cadre des rapports humains. Il justifie ensuite son affirmation (l. 2-3) “

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