Pascal, Pensées: Les deux infinis

Commentaire en deux parties. Note obtenue : 13/20.

Dernière mise à jour : 12/03/2022 • Proposé par: lolplt (élève)

Texte étudié

Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est; qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix.

Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ?

Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il connaît les choses les plus délicates. Qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours ; il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l'univers visible, l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible, dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ses merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue ; car qui n'admirera que notre corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard du néant où l'on ne peut arriver ?

Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles ; et je crois que, sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence qu'à les rechercher avec présomption.

Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti.

Pascal, Pensées

Blaise Pascal est un mathématicien, inventeur, physicien, moraliste, théologien et philosophe français, qui s'inscrit dans le jansénisme au 17e siècle. Le jansénisme est une doctrine théologique à l'origine d'un mouvement religieux, puis politique et philosophique. Les premiers travaux de Pascal concernent les sciences naturelles appliquées, il a été un auteur prolifique, mais son plus célèbre livre est Les Pensées publié en 1670. Cette œuvre est constituée de notes, destinées à faire l'apologie de la religion chrétienne à laquelle Pascal se consacra pendant les dernières années de sa vie. Dans cet extrait, l’objectif était de ramener les incroyants à la religion en humiliant la raison de l’homme et en effrayant son imagination.

Nous verrons comment Pascal invite les hommes à voir l’univers autrement, et à reconsidérer leur place dans celui-ci. Dans un premier temps en analysant l’exposition de la condition humaine selon lui et dans un second temps en nous demandant comment Pascal nous guide vers un dieu caché.

I. L'exposition de la condition humaine

Pascal commence son propos par une phrase adressée à l'homme sur un ton supérieur : “L’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qu’il est”, il dit que l’homme est étourdi par la grandeur de l'univers et qu’il faut qu’il s’estime à sa juste valeur. Il adopte ensuite une double stratégie, d’abord il nous parle de ce que l’homme peut voir avec une énumération “...la terre, les royaumes, les villes, les maisons…”,et ensuite de ce que l’homme peut imaginer, il faut que l’homme modifie son point de vue par rapport à l'univers. Pascal nous dit la, que quelque que soit leur taille ou leur importance tous les êtres seront plus grands ou plus petits par rapport a d’autre, car tout est une question de point de vue. Il recentre et montre l'insignifiance des hommes avec cette question rhétorique “Qu’est-ce qu’un homme, dans l’infini ?”. Avec la comparaison de l’homme à un ciron c’est-à-dire un minime acarien, il souligne le paradoxe que l’homme est à la fois grand et misérable.

Sans suit une gradation visant à montrer que l'homme n'a pas d’emprise et quelque chose le dépasse. Comme l’imagination de l’homme est infinie contrairement à la raison, il faut utiliser des arguments rationnels, mais aussi faire jouer les émotions du lecteur. Avec cette gradation on voit que Pascal se positionne comme un scientifique et tente de nous expliquer quelque chose d'irrationnel avec des faits rationnels. Pascal utilise les mêmes mots pour décrire l’infiniment petit et l’infiniment grand, ce qui déstabilise le lecteur et, déstabilisé entre les deux infinis, le pousse à chercher du réconfort.

II. Une puissance divine

Vers la fin du texte, Pascal ne cherche plus à convaincre, mais à émouvoir le lecteur d'où le paragraphe sur l'être humain perdu entre deux infinis. Il utilise une accumulation et une répétition de “que” pour montrer l'infinité de l’univers et grâce à son ton solennel donne à son texte une force, comme une prière. Avec son énumération “une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible…” il nous montre que la vie est complexe et que chaque être sur terre et dans l’univers est un tout qu’ils sont tous imbriqués les uns dans les autres comme des poupées russes.

Le lecteur est complètement immergé et se laisse accompagner. Pour se faire, il utilise l'exagération en dramatisant en utilisant des questions rhétoriques dont il n’a pas forcément la réponse. Pascal veut susciter la foi chez ses lecteurs en nous exposant l’homme comme insignifiant et perdu et que seule la foi a une réponse à toutes ses questions imperceptibles par l’homme seul. Avec cette phrase “que sa curiosité se changeant en admiration…” , il souligne le fait que l’homme devrait craindre Dieu et se considérer seulement comme créature de Dieu. On comprend que pour Pascal c’est la petitesse de l’homme qui peut lui permettre de comprendre l’existence de Dieu dans l’univers.

Conclusion

En conclusion, Pascal par le biais d'anaphores, d'énumérations, de gradation, de questions rhétoriques,etc., nous montre son art de persuasion et remet en question la conscience du lecteur en exposant la disproportion de l’homme face à l'univers et pour finir l'incite à se réfugier dans la foi.