Louis Aragon est un écrivain surréaliste qui a vécu les deux guerres mondiales. Il rencontra Elsa Triolet qui devint sa muse. Ensemble ils résistèrent face à l’invasion allemande.
Ce poème est extrait du recueil Les Yeux d’Elsa qui a pour thème la guerre, la poésie et l’amour. Le poème étudié se situe dans la partie "les nuits" qui se déroule en 1940. Il se compose de 9 distiques (strophes de 2 vers) en octosyllabes, d'après la tradition du "lai".
I. La guerre
Aragon utilise le passé-composé. Il voit l'exploit comme accompli (résultat présent d’une action passée).
a) Les lieux en relation avec la guerre
"La Loire emporte mes pensées" : La Loire est dans la zone libre. C’est donc un espoir pour lui car il débouche dans un lieu où il pourra continuer sa résistance. "fossés" peut faire référence aux tranchées et "château" évoque château fort, et donc système de défense.
Les termes "voitures versées" permet aux lecteurs de se représenter la scène d'une ville dévastée, c’est un brusque retour à la réalité de l'époque.
b) La débâcle
"Gloires faussées" : allusion à la débâcle de Mai 1940. Ce terme est renforcé par "Et les armes désamorcées". La France rend les armes, c’est un déshonneur. On ne voit pas écrit le mot "capitulation" mais on sait que c’est un échec. Le terme "armes" fait écho avec "larmes" du vers suivant. Aragon associe la souffrance à la guerre.
On a l'évocation de la souffrance physique des soldats au vers 4 "chevalier blessé". Le terme "duc insensé" fait allusion sans doute au gouvernement français qui dirige mal la France, la conduisant à la capitulation. En effet, "duc" vient du latin "duco" qui signifie "conduire" et donc diriger. Il peut aussi s'agir d'une allusion à Hitler.
Aragon fait preuve de mélancolie et de nostalgie par rapport aux souffrances du XXème siècle.
II. La dimension médiévale
a) La légende de Lancelot
Amoureux de Guenièvre, femme du roi Arthur, Lancelot passe des épreuves pour la rencontrer. Dans une de ces épreuves, il est obligé de marcher sur la lame du Pont de l'Epée. Il risque donc sa vie pour elle. Le Pont de Cé équivaut au Pont de l'Epée : Aragon doit le franchir pour délivrer la France et devenir un résistant. L’anonymat de la femme ( "rose", "corsage délacé", "éternelle fiancée" ) permet de l’assimiler à la France.
Aragon s’identifie en fait à Lancelot : il veut pour sa part délivrer la mère patrie. "éternelle" montre qu’il sera toujours un bon patriote. Il personnifie d’ailleurs la France dans la dernière strophe : "Ô ma France ô ma délaissée". Il montre l’amour qu’il a pour la France. On peut voir une note d'espoir dans le combat qu’il mène dans "de la prairie où vient danser Une éternelle fiancée".
b) La technique du "lai"
Il s'agit de poèmes en octosyllabes et avec une rime unique (ici Cé), très en vogue au Moyen Âge. Ce sont le plus souvent des chansons d’amour et des histoires de chevalerie. Le thème conventionnel est l’amour impossible. Le principal auteur de lai, au Moyen Âge, est la princesse Marie de France. On peut sûrement voir un clin d’œil de la part d'Aragon, car il a choisi une technique qui met en valeur le patriotisme à travers le nom de sa principale rédactrice.
c) L'honneur (chevaleresque) bafoué
Aragon a l’impression d'être tombé dans le déshonneur à cause de l’occupation. Pour retrouver son honneur, il faut qu’il s’engage dans la Résistance pour sauver la France. Il transforme ce déshonneur en quelque chose d’honorable car il annonce que le combat ne fait que commencer : "C'est là que tout a commencé". Ainsi, ce n'est pas la fin de la guerre, c'est au contraire le début de la Résistance.
Conclusion
Aragon invite le lecteur à être fidèle à la France et à s'engager dans la Résistance. Pour lui, tout espoir n’est pas perdu. Il justifie son engagement dans la Résistance en montrant que c’est dans l’ombre qu’il faut agir pour délivrer la France. Dans ce poème la France s’est substituée à Elsa