Giraudoux, Electre - Acte II, scène 10

Un commentaire en deux parties:
I. Un tableau d'apocalypse,
II. L’espoir.

Dernière mise à jour : • Proposé par: objectifbac (élève)

Texte étudié

UN SERVITEUR. – Fuyez, vous autres, le palais brûle !

PREMIÈRE EUMÉNIDE. – C’est la lueur qui manquait à Électre. Avec le jour et la vérité, l’incendie lui en fait trois.

DEUXIÈME EUMÉNIDE. – Te voilà satisfaite, Électre ! La ville meurt !

ÉLECTRE. – Me voilà satisfaite. Depuis une minute, je sais qu’elle renaîtra.

TROISIÈME EUMÉNIDE. – Ils renaîtront aussi, ceux qui s’égorgent dans les rues ? Les Corinthiens ont donné l’assaut, et massacrent.

ÉLECTRE. – S’ils sont innocents, ils renaîtront.

PREMIÈRE EUMÉNIDE. – Voilà où t’a mené l’orgueil, Électre ! Tu n’es plus rien ! Tu n’as plus rien !

ÉLECTRE. – J’ai ma conscience, j’ai Oreste, j’ai la justice, j’ai tout.

DEUXIÈME EUMÉNIDE. – Ta conscience ! Tu vas l’écouter, ta conscience, dans les petits matins qui se préparent. Sept ans tu n’as pu dormir à cause d’un crime que d’autres avaient commis. Désormais, c’est toi la coupable.

ÉLECTRE. – J’ai Oreste. J’ai la justice. J’ai tout.

TROISIÈME EUMÉNIDE. – Oreste ! Plus jamais tu ne reverras Oreste. Nous te quittons pour le cerner. Nous prenons ton âge et ta forme pour le poursuivre. Adieu. Nous ne le lâcherons plus, jusqu’à ce qu’il délire et se tue, maudissant sa sœur.

ÉLECTRE. – J’ai la justice. J’ai tout.

LA FEMME NARSÈS. – Que disent-elles ? Elles sont méchantes ! Où en sommes-nous, ma pauvre Électre, où en sommes-nous !

ÉLECTRE. – Où nous en sommes ?

LA FEMME NARSÈS. – Oui, explique ! Je ne saisis jamais bien vite. Je sens évidemment qu’il se passe quelque chose, mais je me rends mal compte. Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?

ÉLECTRE. – Demande au mendiant. Il le sait.

LE MENDIANT. – Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore.

Giraudoux, Electre - Acte II, scène 10

Introduction

Cette scène constitue, avec la scène 9, la conclusion de la pièce. Dans la scène précédente, le mendiant rapporte dans un récit cruel le châtiment de Clytemnestre et d’Egisthe. Oreste, sous l’influence d’Electre, est devenu matricide. Dans la scène 10, on apprend qu’il sera poursuivi par les Euménides, tandis qu’Electre est condamnée à la solitude. A ce drame s’en ajoute un second : Egisthe n’a pas eu le temps de sauver Argos des Corinthiens. Electre est donc également responsable de la destruction de la ville et du massacre de habitants. Malgré ce dénouement tragique, l’espoir n’est pas totalement absent.

I. Un tableau d'apocalypse

a) La ruine d’Argos

Par l’accélération dramatique des dernières scènes, la catastrophe annoncée par le messager à l’acte II scène 8 se produit : "Ils entrent dans les cours intérieures".

Dans cette scène, la catastrophe est évoquée par l’arrivée brutale d’un serviteur : "Fuyez vous autres, le palais brûle". Le désastre prévu par Egisthe s’est réalisé. Le palais d’Agamemnon, symbole de la puissance de la famille des Atrides, est détruit. Cependant, l’incendie n’atteint pas que le palais. La ville est également touchée : "la ville brûle ... la ville meurt". La destruction de la ville s’accompagne du massacre de ces habitants : "massacrent".

La troisième Euménide joue presque le rôle de récitant : elle dit ce que le spectacle ne peut montrer. La cruauté des scènes d’égorgement est suggérée : "ceux qui s’égorgent". On perçoit également l’injustice de la mort : "les innocents s’entretuent". L’impression de désespoir qu’offre ce tableau est résumée par la femme Narsès : "Tout est gâché. Tout est saccagé".

Mais les Euménides sont là pour dénoncer la coupable : Electre.

b) La responsabilité d’Electre

A l’acte II scène 8, Electre avait été prévenue par Egisthe de l’imminence de l’attaque des Corinthiens. Elle n’a pas cédé, elle était consciente de la menace et voulait assumer.

Leu Euménides accusent donc Electre : "te voilà satisfaite, Electre". Leurs accusations sont pleines d’une ironie cruelle, mais également de menaces pour l’avenir. Electre est condamnée à vivre avec un sentiment de culpabilité, elle n’est plus innocente : "tu vas l’écouter, ta conscience... désormais, c’est toi la coupable". Les Euménides condamnent l’orgueil d’Electre : "voilà où t’a mené l’orgueil". Il s’agit de l’hybris

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