Giraudoux, Electre - Acte II, scène 8

Commentaire en deux parties:
I. La haine de Clytemnestre envers Agamemnon,
II. Le crime, les raisons et l'aveu

Dernière mise à jour : 27/04/2021 • Proposé par: objectifbac (élève)

Texte étudié

CLYTEMNESTRE

Oui, je le haïssais. Oui, tu vas savoir enfin ce qu’il était ce père admirable ! Oui, après vingt ans, je vais m’offrir la joie que s’est offerte Agathe !… Une femme est à tout le monde. Il y a tout juste au monde un homme auquel elle ne soit pas. Le seul homme auquel je n'étais pas, c'était le roi des rois, le père des pères, c'était lui ! Du jour où il est venu m’arracher à ma maison, avec sa barbe bouclée, de cette main dont il relevait toujours le petit doigt, je l’ai haï. Il le relevait pour boire, il le relevait pour conduire, le cheval s’emballât-il, et quand il tenait son sceptre, et quand il me tenait moi-même, je ne sentais sur mon dos que la pression de quatre doigts : j’en étais folle, et quand dans l’aube il livra à la mort ta sœur Iphigénie, horreur, je voyais aux deux mains le petit doigt se détacher sur le soleil ! Le roi des rois, quelle dérision ! Il était pompeux, indécis, niais. C'était le fat des fats, le crédule des crédules. Le roi des rois n’a jamais été que ce petit doigt et cette barbe que rien ne rendait lisse. Inutile, l’eau du bain, sous laquelle je plongeais sa tête, inutile la nuit de faux amour, où je la tirais et l’emmêlais, inutile cet orage de Delphes sous lequel les cheveux des danseuses n'étaient plus que des crins ; de l’eau, du lit, de l’averse, du temps, elle ressortait en or, avec ses annelages. Et il me faisait signe d’approcher, de cette main à petit doigt, et je venais en souriant. Pourquoi ?… Et il me disait de baiser cette bouche au milieu de cette toison, et j’accourais pour la baiser. Et je la baisais. Pourquoi ?… Et quand au réveil, je le trompais, comme Agathe, avec le bois de mon lit, un bois plus relevé, évidemment, plus royal, de l'amboine, et qu'il me disait de lui parler, et que je le savais vaniteux, vide aussi, banal, je lui disais qu’il était la modestie, l'étrangeté, aussi, la splendeur. Pourquoi ?… Et s’il insistait tant soit peu, bégayant, lamentable, je lui jurais qu’il était un dieu. Rois des rois, la seule excuse de ce surnom est qu’il justifie la haine de la haine. Sais-tu ce que j’ai fait, le jour de son départ, Électre, son navire encore en vue ? J’ai fait immoler le bélier le plus bouclé, le plus indéfrisable, et je me suis glissée vers minuit, dans la salle du trône, toute seule, pour prendre le sceptre à pleines mains ! Maintenant tu sais tout. Tu voulais un hymne à la vérité : voilà le plus beau !

Giraudoux, Electre - Acte II, scène 8

Introduction

Giraudoux est un auteur du XXè siècle. Diplomate et spécialiste des relations franco-allemandes, il se rend rapidement compte de la menace hitlérienne. Il véhicule le message de la tragédie à travers la relecture d'un célèbre mythe grec : Electre. Il met également en avant le complexe d'Electre, c'est-à-dire la version féminine du complexe d'Œdipe. En effet, celle-ci aime son père Agamemnon, qui fut assassiné par sa mère et son amant il y a 20 ans. Electre voue en retour une haine sans borne à sa mère Clytemnestre.

Ce passage est une tirade de Clytemnestre située à l'acte II scène 8, qui précède la conclusion de la pièce. Clytemnestre avoue la haine qu'elle possède envers son mari, et implicitement l'assassinat, ce qui va précipiter sa perte : en effet, elle meurt lors de la scène suivante.

I. La haine de Clytemnestre envers Agamemnon

a) Un mariage raté

Elle perçoit son mariage comme très violent et contre nature : "du jour où il est venu m'arracher à ma maison". Le terme "arracher" introduit une notion de violence et surtout, un non consentement d'un des deux partis. A l'époque grecque, les mariages n'étaient pas réalisés par consentement mutuel, mais par décision (de la famille, par intérêt...), et organisés en rapt (prévu) de la mariée par son futur époux. Clytemnestre détourne donc une coutume, une tradition, en un acte violent et presque inhumain.

Elle considère ensuite que le mariage est vain : "Inutile, l'eau du bain, sous laquelle je plongeais sa tête, inutile la nuit de faux amour, où je la tirais et l'emmêlais, inutile cet orage de Delphes...". L'anaphore du mot "inutile" confirme bien un mariage qui, pour elle, n'est sans aucun fondement.

b) Une aversion du physique

Elle déteste deux détails physiques de son mari :
- la barbe
- le petit doigt

Elle réduit son mari à ces deux détails dans la presque totalité de la tirade, ce qui est une métonymie dépréciative. La barbe et le petit doigt semblent être les uniques caractéristiques du Roi des rois. On peut constater que ces deux parties du corps sont dérisoires pour une haine farouche.

De plus, elle nous raconte : "et quand dans l'aube il livra à la mort ta sieur Iphigénie, horreur, je voyais aux deux mains le petit doigt se détacher sur le soleil". Sa fille vient d'être sacrifiée pour que la déesse du vent accepte de souffler, et ainsi permettre à la flotte d'Agamemnon de partir, or Clyte

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