Participant conjointement du roman gothique et du roman policier, Ferragus s’ouvre sur une description du Paris de la Restauration, qui fournit le cadre d’une double intrigue, amoureuse et financière. Ville de tous les contrastes, suscitant à la fois crainte et admiration, la ville fait l’objet d’une description réaliste mais que les accents lyriques du narrateur élèvent au statut de mythe.
I. Les mystères de Paris : incipit et suspens
1. Une position stratégique
Cette description constitue l’incipit du roman, ce qui donne à la ville le statut narratif de cadre de l’action du roman. Conformément aux idées théorisées par Balzac dans l’Avant-propos de La Comédie humaine, et en particulier aux métaphores entomologistes qui la désignent, la ville n’est pas seulement un lieu : elle constitue un milieu naturel intimement lié au destin de ceux qui l’habitent, au point de les façonner.
2. Des renseignements réalistes
Balzac multiplie les " observations " sur la topologie urbaine (les différences entre quartiers), sur l’organisation architecturale des bâtiments, sur l’activité urbaine en fonction des moments de la journée, sur le mobilier des appartements, etc. : cette stratégie de vraisemblance caractérise une écriture réaliste et s’accorde aux exigences de l’incipit : ces renseignements prendront sens plus loin dans le roman (lorsque Madame Jules, qui habite les beaux quartiers, se rend dans une rue sordide).
3. Une atmosphère de suspens
La masse d’informations enserrées dans des phrases longues et complexes donne de Paris l’image d’un labyrinthe où se déroulent des actions secrètes et multiples. D’où une atmosphère de suspens par le biais de laquelle Balzac pose avec le lecteur les jalons d’un pacte de lecture : nous avons affaire à un roman policier situé dans le cadre d’un Paris mystérieux.
II. La transfiguration mythique de la ville
1. Un lieu de contrastes
La ville est évoquée par le biais de périphrases construite sur une figure d’intensification : l’oxymore. Ainsi la ville est-elle présentée comme " le plus délicieux des monstres " (l’oxymore est ici encore renforcé par le superlatif) ou comme " cette monstrueuse merveille ". Cela traduit, de la part du narrateur, un mélange de crainte et de fascination. L’arrière-plan réaliste de la page, où l’accent est mis sur les disparités et les contrastes urbains de tous ordres, est poétiquement traduit par une