Descartes, Lettre à Elisabeth: individu et communauté

Commentaire rédigé par un élève. Note obtenue : 13/20.

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: Pekitas (élève)

Texte étudié

« Il y a une vérité dont la connaissance me semble fort utile : qui est que, bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu'on ne saurait subsister seul, et qu'on est, en effet, l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion, car on aurait tort de s'exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus; lui seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu'on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n'aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu'en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d'exposer sa vie pour le service d'autrui, lorsque l'occasion s'en présente ; voire on voudrait perdre son âme, s'il se pouvait, pour sauver les autres. »

Descartes, Lettre à Elisabeth

Ce texte est un extrait de la correspondance entre Descartes et la Princesse Elisabeth du 15 Septembre 1645. Dans ce texte, Descartes, pose une règle : l’homme est unique mais appartient à un tout, qui voit ces intérêts passer avant les intérêts personnels. En effet, selon Descartes, l’homme appartient a un tout et cela pour une question de survie, et il faut favoriser le tout, auquel on appartient, avant sa propre personne.
On peut diviser le texte en trois grandes, parties, en premier lieu (de « Il y a une vérité… » à « …par sa demeure, par son serment, par sa naissance. »), Descartes émet une règle, qui semble être la base de sa thèse, l’individu fait partie d’un tout qui passe avant sa singularité. En deuxième partie (de « Et il faut toujours préférer… » jusqu’à « …vouloir perdre pour la sauver. »), où Descartes énonce les effets d’une telle règle, il faut faire passer les intérêts du tout avant ses propres intérêts. Enfin, en troisième lieu (de « Mais si on rapportait… » à la fin de l’extrait.), il montre la conformité de sa position, et expose des modalité dans l’application de la règle qu’il a proposer.
Descartes propose une règle de manière assez radicale, mais propose cependant des modalités, des limites dans son application, la valeur de l’homme est évoquer. Or, peut-on juger de la valeur d’un homme ? Qu’est-ce que cela signifie ?

Descartes entame donc sa réflexion par exposer la base de sa thèse, par une sorte de règle que l’on peut prendre comme générale : « on doit toutefois penser qu'on ne saurait subsister seul, et qu'on est, en effet, l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance », l’homme fais partie d’ un tout. Il admet cependant en premier lieu, « bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres », l’unicité de chaque individu, caractérisé par des intérêts qui lui sont propre : « les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde ». Mais il rappelle aussitôt (par : « on doit toutefois penser ») que l’homme appartient à un tout, et montre ainsi deux facettes de l’homme. Il admet donc que chaque individu est unique, différent des autres et même « séparé » des autres, entre autre, et en conséquence, par ses intérêts. Cependant, Descartes affirme tout de suite que l’homme « ne saurait subsister seul », il ne saurait survivre sans les autres, et donc séparé des autre. On note, donc, ici une contradiction qui permet accentuer sa thèse ; de la mettre en évidence, l’homme n’est que l’élément d’un tout. Il confirme sa thèse par le biais de deux énumérations. La première : « l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet État, de cette société, de cette famille », où il part du plus général au plus personnel ; et la seconde énumération : « à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance », et exprime les liens qui nous unissent. L’homme est donc toujours, au-delà de sa singularité, le simple élément d’un tout.
Dans la deuxième partie du texte, Descartes expose : «il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier », et évoque par ceci que l’intérêt de tous doit guider nos actions, ce qui semble simplement se déduire de la règle évoquée auparavant. Descartes pose ensuite une sorte de nuance à ses propos, tout d’abords vis-à-vis du risque encouru par l’individu, les intérêts du tout n’étant pas très grands : « toutefois avec mesure et discrétion, car on aurait tort de s'exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays » ; puis en second lieu, vis-à-vis de la valeur de la personne face à la valeur du tout auquel elle appartient : « et si un homme vaut plus; lui seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver ». Ainsi, pour appliquer le principe de Descartes, le fait que les intérêts du tout doivent passer avant les intérêts de la personne, il faut en préalablement faire l’évaluation de la personne, pour pouvoir voir ce qu’elle peut réellement apporter au tout, en maintenant le lien entre le bien qu’il peut procurer et le mal qu’il va subir, et il faut juger la « valeur » de la personne, si elle vaut plus que le tout pour lequel elle se sacrifie, il y aurait alors à perdre.
Dans la troisième partie du texte, Descartes s’applique à renforcer sa thèse, en effet, il compare les avantages et les inconvénients de passer ses propres intérêts avant celui du tout, et vis versa : « Mais si on rapportait tout à soi-même … », « …au lieu qu’en se considérant comme une partie du public… ». En premier lieu, il évoque le cas où l’on ferait passer nos intérêts personnels avant ceux du tout : « Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu'on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n'aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ». Il met alors en évidence l’égocentrisme, et montre ces effets, tout d’abords le fia t de nuire aux autres et sans pour autant en tirer un grand intérêt, et aussi, que l’égocentrisme détruit les liens d’amitié et de fidélité, et plus généralement la vertu. Puis, enfin, il vante la situation inverse, le fait de servir les intérêts communs en dépit des siens, en évoquant le fait que lorsque l’on aide les autres, on ne se sacrifie pas forcément, et l’on développe ainsi sa vertu et atteint un certain bonheur : « ; au lieu qu'en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde ». On trouve enfin une certaine notion d’héroïsme, « voire on voudrait perdre son âme, s'il se pouvait, pour sauver les autres », par une certaine radicalisation de ces propos qui renforce sa position une dernière fois.

Après avoir donc émis cette règle, de valeur morale, l’homme appartient à un tout et il doit en conséquence faire passer ses intérêts personnels après ceux de ce tout, Descartes émets des limites dans sont application et parle de la valeur d’un homme. Mais peut-on juger de cette valeur ?

Descartes propose une règle très radicale, préférer l’intérêt du tout auquel on appartient plutôt que ses intérêts) personnels, il pose ainsi une vérité morale, qu’il généralise, or cela semble excessif. En effet, le principe semble, d’un point de vue moral, justifié, mais sa généralisation semble impossible. Descartes propose alors des modalités dans son application mais qui semble manquer de précision.
En effet, Descartes propose donc une limite à ce principe : « mesure et la discrétion », qui incite à la prudence et montre l’existence d’exceptions, cependant encore trop peu de détails son donnés. Comment alors bien juger les situations qui doivent entrainer l’application de cette règle ? Il expose alors une situation : « si un homme vaut plus; lui seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. ». Il ajoute donc ici la notion de valeur, la valeur d’un homme par rapport a la valeur de sa ville, car si l’homme vaut plus que toute sa ville, alors il ne devrait pas se sacrifier pour elle. Mais un grand problème subsiste : Qui est de l’homme ou de sa ville celui qui vaut le plus ? Il faut trouver lequel des deux rapporterais le plus, et quel profit la ville pourrait tirer d’un homme plutôt que d’un autre. Mais il ne s’agit pas alors de valeur dans un sens de quantité mais plutôt de qualité. Or, comment pourrait-on quantifier le bien et le mal, la qualité du service ? Voici une limite au raisonnement de Descartes, il semble difficile de juger de la qualité ou valeur de plusieurs actions ou personnes. De plus, chacun de nous est unique, comment comparer alors nos « valeurs », puisque s’exprimerais dans des domaines très différents.
En effet, comment peut-on, et qui est en droit de juger qu’un homme vaut plus qu’un autre ? On pourrait penser juger vis-à-vis de la valeur morale, en effet, plus un homme est jugé moral et intègre, moins il favorisera ses propre intérêts, qui pourraient nuire à sa communauté et plus il aura tendance à privilégier le bien commun. Cependant, il parait difficile de juger de la moralité d’un individu, et ceci n’est pas vraiment quantifiable, et l’apparence n’est pas toujours la réalité. De plus, est-ce pour autant une raison suffisante pour juger de qui doit être le meilleur, de qui doit se sacrifier pour les autres ? Peut-on réellement juger de celui qui périra pour les autre, car soit disant sa valeur, qui semble difficilement comparable, est moindre ?
Enfin, il faudrait que ce jugement soit fait de manière objective. Or, nous voila à nouveau devant un problème majeur de ces modalités, qui pourrait juger objectivement de la valeur d’un homme par rapport aux autres, en effet, il serait à la fois le juge et la cible de ce jugement. La subjectivité serait alors totale, car en effet, chacun aurais tendance à favoriser sa personne au détriment des autres, surtout dans le cas ou il faudrait au bout du compte sacrifier sa propre vie.

Pour conclure, nous pouvons dire que Descartes propose dans ce texte une vérité, une règle morale, faire passer le tout auquel nous appartenons avant nous, contre l’égocentrisme et l’orgueil, pour le bonheur de chacun. Ainsi, il faut que l’homme soit prêt à sacrifier ses intérêts pour ceux de tous. Descartes propose cependant des limite à l’application de cette règle, car si un homme vaut plus que sa ville, il aurait tord de se sacrifier. Or, il semble difficile de juger de la valeur d’un homme, mais simplement sur un plan moral.