Si le droit est relatif au lieu et au temps, faut-il renoncer à l'idée d'une justice universelle ?

Dissertation complète. Appréciation du professeur "Une réflexion souvent pertinente, mais vous n'avez pas travaillé certains points jusqu'au bout". Note obtenue: 14/20.

Dernière mise à jour : 14/05/2021 • Proposé par: math8310 (élève)

Si les systèmes juridiques déterminent un rapport des peuples à eux-mêmes (notamment dans les démocraties), il va de soi que chaque Etat dispose de son propre système juridique, puisque l’humanité est diversifiée et comporte une multiplicité de peuples, de sociétés, d’Etats. Rien n’empêche par ailleurs que l’on conçoive un droit international, qui s’élabore lentement. De plus le droit, au sens juridique, détermine les conditions générales de la justice : il tend au juste, il le vise, et la justice ou norme morale semble en constituer la norme. Tout droit essaie d’être juste, sans qu’il soit la justice elle-même. Mais de la sorte, nous parvenons à un problème : si le droit détermine les conditions du juste, et s’il est particulier à chaque société ou Etat, cela implique qu’il n’y a de justice que particulière. Or, la justice se présente, en tant qu’idéal, comme une valeur universelle, due à tout homme, par delà son appartenance à tel ou tel Etat. Mais s’il n’y a de justice que particulière, cela signifie-t-il que l’idée d’une justice universelle n’a pas de sens ? Pour voir cela il convient d’observer en premier lieu la relative égalité des hommes face au Droit Positif. Cela nous mènera également à étudier le caractère relatif de ce Droit Positif, promulguant parfois des injustices et des inégalités. Cette démarche nous conduira enfin à analyser la notion de « Justice Universelle », et la notion de morale qui accompagne celle-ci.

La justice est avant tout caractérisée par le ‘‘droit positif ’’, caractéristique à chaque société, et relative à l’époque considérée.
Lors de tous les problèmes juridiques, celles qui tranchent en dernière instance, souverainement, dans les états de droit, sont les normes constitutives du droit dit "positif". . Le droit positif est l'ensemble des règles définissant ce qui est légal, permis, et illégal, interdit, dans une société donnée. L'institution du droit positif signale la disjonction de la puissance matérielle (capacité de faire) et du pouvoir formel (droit de faire) ; nul n'est autorisé à faire tout ce qu'il peut faire : nul ne peut tout ce qu'il peut. Par extension, cette notion désigne tout texte issu de l'autorité de l’état. Le droit positif présente la particularité d'être écrit, publié, et son respect est sanctionné par le recours aux juges chargés de l'appliquer. Dans tous les états mis en place au cours de l’histoire, ces lois étaient considérées comme souveraines. Toute dérogation à ces règles étaient fortement sanctionnées. Ainsi les exemples des ce droit positif ne manquent pas à travers l’histoire. Au moyen age, tout décret imposé par le souverain, seul être à décider, était appliqué à la lettre, et était considéré comme une loi naturelle. Le droit positif vise à compléter les lois déjà imposées par le droit naturel.
Bien que nécessaires, ces normes sont toujours ressenties comme insuffisantes ou inadaptées, quant elles ne sont pas tout simplement mises, implicitement ou explicitement, au service du particulier. L’homme ne peut s’empêcher de juger des lois qui le gouvernent, et de vouloir réformer le système de droit existant. Même de nos jours, les passes droits, immunités diplomatiques, et autres trafiques d’influence font légion, ainsi que les nombreux avantages que s’accordent les hauts fonctionnaires d’état. La tète de chaque gouvernement est généreusement agrémentée de tous ces passes droits et autres avantages. L’exemple de la Révolution Française est un bon exemple de mécontentement du peuple contre les inégalités des hommes face aux lois. Mécontent du système actuel basé sur de nombreux privilèges, le « petit peuple » s’est soulevé, avec le clair but de renverser le gouvernement, et de détruire les institutions mises en place à l’époque. Cette volonté de changement des systèmes de lois nais de sentiments de frustration et d’inégalité face à certaines décisions de justice et illustre la volonté perpétuelle des hommes à vouloir changer les schémas qui les gouvernent. « Summum jus, summa injuria » (le comble du droit est le comble de l'injustice)
Cela nous conduit à réfléchir sur l’existence de normes supérieures au droit positif, intérieure à la nature même de l’homme, à partir desquelles il serait possible de juger et de réformer ce droit positif. L’existence d’un tel droit permettrait de définir des lois « naturelles », innérantes au statut de l’homme, et ainsi applicables à tous sans exceptions. Mais de telles lois ne pourraient vraisemblablement pas être définies pour seules directrices du comportement humain, car elles ne définiraient la liberté humaine que face à l’aspect individuel de l’être humain, et non face à la place de l’homme dans un groupe social complet. Il apparaîtrait comme totalement anarchique d’imaginer une société uniquement dirigée par des règles définies pour l’humain dans son seul état d’individu. Il faut pour établir une société stable, que des règles soient établies, limitant la liberté de l’homme face à celle de l’homme qu’il côtoie. « La liberté des uns s’arête là où commence celle des autres. » Une autre solution serait une vie solitaire, totalement libre, mais n’ayant aucun impact sur la vie des autres.

La planète est un très vaste territoire, peuplé en tous points habitables par de nombreux hommes. Cette grande répartition géographique, couplée à l’écoulement du temps, induit une très grande variété de Droits Positifs, suivant les pays, et au cours du temps.
Le droit en tant qu'il est simplement positif (posé, établi comme convention) est lui-même un fait de culture. Ainsi, les hommes n'auraient pas tous les mêmes droits. Ce qui est ici illégal serait ailleurs permis. Cette situation met en place de nombreux problèmes d’égalité des hommes face à la loi. Du point de vue juridique, la loi internationale prévoit dans le cas où le criminel est arrêté sur le territoire où il a commis ses fautes, il est soumis à la loi de ce pays obligatoirement. La loi internationale prévoie également que le pays où a été commis le crime puisse exiger que le jugement soit effectué sur son territoire, dans le cas où criminel aurait été arrêté sur un autre territoire. Dans ce dernier cas, reste le problème du jugement. Pour le même crime, la peine peu tout aussi bien être capitale dans certains pays, mais bien plus légère dans d’autres. Le criminel risque ainsi d’être jugé selon des lois plus dures que ce qu’il devrais, ou inversement. Cela peut poser de nombreux problèmes moraux
Au cours de l’histoire se sont succédés de nombreuses conquêtes, annexions, mises en esclavage, changements de gouvernements, etc etc… Tous ces régimes différents on vu apparaître de nombreux droits positifs se mettant explicitement au service de l’inégalité et du barbarisme. L’exemple de la 2eme guerre mondiale est l’un des exemples les plus flagrants. Durant cette période, les juifs (entre autres) étaient systématiquement exterminés. Cette extermination programmée a été exécutée avec zèle par de nombreux officiers Allemands. Après la fin de la guerre, lors des procès condamnant ces bourreaux, ceux-ci ont eu une défense des plus logique : lorsqu’ils on fait ces horreurs, il était légal de tuer les juifs, c’était même les ordres qu’ils recevaient du gouvernement. Le gouvernement Allemand fondé par Hitler avait fondé le droit positif de l’extermination des juifs. A cette époque, l’appareil législatif et le droit positif ont littéralement été mis au service de l’inégalité, alors que le droit positif devrait normalement, dans son fondement, permettre l’égalité en droits de tous les hommes. Cette situation pose également le problème de la révision des lois. Les lois étant en perpétuel changement, un criminel jugé à une certaine peine pourrait demander la révision de son procès, et ainsi parfois gagner quelques années de sursis. Dans ce cas, la justice prévoit tout de même que les lois nouvellement édictées ne sont pas rétroactives.
Moralement, il apparaît indigne et inhumain de renoncer au souci de justice, d’équité et de morale. Cette conception des choses est relativement récente, car jusqu’en 1848 (en France), qui est la date de l’abolition de l’esclavage, certaines races étaient considérées comme inférieures, utilisées et vendues comme du vulgaire bétail. Depuis, l’évolution des consciences et des réflexions (ainsi que les avancées scientifiques) on permis à l’humanité d’instaurer des principes d’égalité entre les hommes, quelques soit leur race et quelque soit leur religion. Selon ces principes, il apparaît donc comme impensable que les hommes soient traités différemment selon leur situation géographique. Que la pensée ait évolué au fil de l’histoire est compréhensible, mais au stade où en est le monde actuel, il parait impensable que les hommes n’aient pas les mêmes droits fondamentaux, et ne soient pas soumis à des lois équitables.
Une justice qui soit universelle à tous les hommes apparaît donc comme nécessairement issue de notions propres à la nature même de l’homme. Ces droits inexpugnables à tout homme sont les Droits Naturels.
On appelle droit naturel non pas le droit existant naturellement, mais le droit qui met en évidence la vraie nature du droit : énoncer ce qui doit être pour tous les hommes, autrement dit corriger le fait aussi bien culturel que naturel. Ce droit idéal signale la disjonction toujours possible entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Une loi n'est pas forcément juste ; elle ne l'est qu'en rendant légal ce qui est légitime et illégal ce qui est illégitime. Est légitime « ce que tout homme peut faire également » quelles que soient ses particularités naturelles (force, sexe) et culturelles (nationalité, religion). Par droit naturel, il faut donc entendre droit rationnel : l'identité des droits est fondée sur une identité profonde des hommes (tous les hommes ont la faculté de penser) et non sur une identité naturelle ou culturelle. Ainsi, c’est uniquement sur ce droit naturel que pourrait se fonder une justice qui puisse réellement s’élever au statut de « justice universelle ».
Dans sa nature, l’homme est pensant et donc capable d’une réflexion morale. La morale fait partie de tous, et si elle est bien interprétée, elle est unique pour tous les hommes sans exception. De ce fait cette justice universelle cité précédemment peut elle également être basée sur ce critère de morale. Mais dans une société, le droit positif respecte-t-il réellement la morale ? Il a été démontré sous toutes les monarchies que le droit positif pouvait ne pas respecter la morale, la notion d’équité. Ainsi, cette dissociation du droit positif et de la morale (de l’équité) est très bien montrée à travers le texte Antigone de Sophocle. Après la mort de Etéocle et Polynice lors d’un duel pour obtenir le pouvoir sur Thèbes, Créon, leur oncle, décide d’enterrer l’un des deux frères, mais de laisser le cadavre du second a l’air libre, sans rites funéraires, pour le punir d’avoir tenter de prendre le pouvoir. Antigone, sœur d’Etéocle et de Polynice refuse de laisser le cadavre de son frère ainsi, et décide de l’enterrer malgré les interdictions de son oncle. Elle est condamnée a mort par celui-ci, pour avoir désobéi à ses ordres. Antigone représente ici la « conscience morale » qui parle face au droit positif instauré par son oncle, roi de la cité. Elle incarne la possibilité d’établir face à la légalité une légitimité plus universelle. Ce texte nous montre que la loi, le droit positif, n’est pas toujours conforme à la morale, et que dans ces cas là, l’acte morale est de désobéir à cette loi.
A cette perspective de justice universelle, subsiste un problème lié à la nature même de l’homme. En effet, l’homme n’est pas uniquement un être de moral, il est également un être de sentiments, Ces sentiments prennent parfois le dessus sur le jugement moral, et font prendre des décisions aux hommes qui ne sont pas toujours des plus conformes à l’impératif catégorique (agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse s’ériger en loi universelle). Ce caractère sensible de l’homme peut être illustré par l’un des exemples utilisés par Kant : Un ami se réfugie apeuré chez vous, et vous demande de le cacher car un homme le pourchasse pour le tuer. Vous le cachez chez vous, et peut de temps après, la personne pourchassant votre ami viens chez vous, et vous demande où il se cache. A la question de savoir s’il faut mentir à cet homme, ou lui dire la vérité, la grande majorité des hommes répondra qu’il faut mentir pour sauver la vie à son ami. Ors, comme l’explique Kant, le mensonge ne peut en aucun cas, même si l’intention est bonne, être érigé à l’état de loi universelle (le mensonge ne peut satisfaire la règle de l’impératif catégorique). Ainsi, l’acte moral est de dire à l’homme pourchassant votre ami où celui-ci se trouve. Cet exemple nous montre bien que l’homme, bien qu’il soit moral, est fortement influencé par son caractère sensible. Ses actes peuvent être dictés par ses sentiments, et ainsi ne pas respecter la morale.
Ainsi, l’homme ne pouvant pas être dirigé uniquement par sa conscience morale, il apparaît comme nécessaire à l’homme d’établir la contrainte par la loi. Il faut ainsi que ces lois respectent une « conscience morale », pour pouvoir dicter de manière juste les agissements des hommes.

Il apparaît de cette démarche que les droits sont bel et bien relatifs aux temps et aux lieux, c’est un fait indéniable. Il naît de cette affirmation que, pour établir une justice universelle, il faille établir des droits et des principes qui soient propres à la nature même de l’homme. Ces critères, il est possible de les trouver dans le droit naturel, ainsi que dans la morale. Or, l’homme étant un être sensible, il parait comme impossible d’envisager un état seulement dirigé par ces principes. La nécessité de lois pour guider les hommes vers l’acte moral parait alors. Ces lois seront ainsi établis, selon les régions et les coutumes, et faisant respecter ces règles de différentes manières : ce sont les Droits Positifs. Ainsi, le droit positif, bien que relatif aux lieux et aux temps, est en fait simplement une manière de faire appliquer cette justice universelle. L’idée d’une justice universelle est donc bien conciliable avec la relativité du droit.