L'hypothèse de l'inconscient est-elle incompatible avec l'idée de liberté humaine ?

Copie d'élève en deux parties entièrement rédigée.

Dernière mise à jour : 07/01/2022 • Proposé par: crousty (élève)

Toute pensée nouvelle bouscule des convictions anciennes ou les rend caduques, obsolètes. L'hypothèse de l'existence d'un inconscient psychique a bouleversé une conception de l'homme en vigueur depuis des siècles; la conception selon laquelle, l'homme, parce que capable de se connaître et de se maîtriser ses états mentaux était, par la même, capable de maîtriser son comportement, et devait, de ce fait , être envisagé comme un être libre et responsable. Libre, l'homme ne l'est plus dès que l'on accepte l'idée qu'un inconscient le gouverne en permanence. L'hypothèse de l'existence d'une activité mentale non consciente et susceptible de déterminer notre comportement a donc relègue l'idée classique de liberté au rang des idées périmées.

Toutefois, faut-il conclure de ceci que l'hypothèse de l'inconscient et de la psychanalyse sont complètement et définitivement incompatibles avec l'idée de liberté, n'a -t-elle pas, par la même fonde une autre conception de la liberté de l'homme? Il est donc nécessaire de poser la question des rapports de l'hypothèse de l'inconscient avec la notion de liberté humaine.

I. L'hypothèse de l'inconscient invalide la conception traditionnelle de liberté

La notion de liberté est l'une des préoccupations centrales de la philosophie- plus généralement encore- de la pensée. Les définitions de la liberté dans des idées sont nombreuses. La plupart de ces définitions se retrouvent par le fait qu'elles admettent toutes que l'homme libre est celui qui est apte à se représenter ses actes et surtout, apte à se déterminer selon son propre jugement et non selon une contrainte étrangère à sa volonté.

Nous sommes libres, donc, lorsque ce que nous faisons émane de nos choix volontaires et conscients. En un mot, nous sommes libres lorsque nous sommes les juges et les auteurs de ce que nous pensons et faisons. Cette conception de la liberté a longtemps prévalu dans la culture occidentale. La liberté de l'homme était envisagée comme dépendant de sa capacité à connaître ses pensées et ses états mentaux. La souveraineté de l'homme sur ses pensées induit son pouvoir de contrôle, son comportement, de le rendre conforme aux exigences morales ou sociales. Or, justement l'hypothèse de l'inconscient et la conception générale de l'homme à laquelle cette hypothèse est attachée, en considérant qu'une vie mentale non connue du sujet – vie mentale composée de pensées, de représentation en général, de désirs, etc. – semblent nier l'idée d'une liberté effective en l'homme, l'idée d'une liberté se définissant comme capacité opter et a agir en connaissance de cause, c'est-a-dire, sciemment et volontairement. L'apparition, une date récente d'une théorie complète de l'inconscient psychique a fait vaciller sur ses fondements les thèses majeures du rationalisme. Envisager l'existence dans l'esprit humain d'une importante activité l'inconsciente revient à considérer que l'homme est en grande partie étranger à sa propre personnalité psychique.

Les théories de l'inconscient – au nombre desquelles, la théorie freudienne- posent que cette activité mentale inconsciente exerce une influence prépondérante sur la vie consciente et sur le comportement du sujet. Notre personnalité profonde, les états affectifs qui nous caractérisent, nos idéaux trouvent leurs racines selon les hypothèses de la psychanalyse de ces instances inconscientes de la vie psychique que sont le ça et le surmoi. Ainsi, aux yeux de freudisme, nos choix et nos actes sont la plupart du temps, et même presque toujours, déterminés par des mobiles inconscients. Par exemple, nos attitudes morales et le respect de certaines règles ou normes proviennent de la pression que le surmoi – cette instance de la vie mentale non consciente en laquelle sont déposés les principes moraux qui nous ont été transmis pendant la prime éducation- exerce dur nos pulsions ou notre personne en général. À la lumière de ce concept d'inconscient en la façon dont il est théorisé par le freudisme, l'approche classique de la liberté n’offre plus aucune pertinence. L'homme n'est plus ce sujet agent, c'est-à-dire , cet être apte à déterminer son comportement à partir de sa volonté consciente, de sa pensée réfléchie, mais un sujet agi, conditionné par un système de forces psychiques dont il ne soupçonne pas même l'existence. En conséquence, l'hypothèse de l'existence d'un inconscient psychique doit être reconnue comme incompatible avec la conception traditionnelle de la liberté humaine.

Transition
Toutefois, la psychanalyse vise certaines ambitions. Parmi celles-ci l'ambition de permettre à l'homme de mieux connaître et de mieux se connaître et de mieux intervenir sur les mécanismes psychiques complexes qui déterminent ses états mentaux et son comportement. Compte tenu de ces ambitions ne faudrait-il pas considérer que le concept d'inconscient et la psychanalyse instaurent une certaine conception de la liberté ? Et si tel est le cas, ne faudrait-il pas alors nuancer l'affirmation d'une incompatibilité de l'hypothèse de l'inconscient avec l'idée de liberté humaine ?

II. l'hypothèse de l'inconscient, en rendant caduque cette conception en fonde, du même coup, une autre

Il est, sans doute, dans toute réflexion sur les implications de l'hypothèse de l'inconscient de rappeler que celle-ci fait partie d'une théorie et est liée à une pratique médicale.

En son versant théorique, l'hypothèse de l'inconscient et la doctrine à laquelle est adossée ambitionnent d'apporter aux connaissances scientifiques un certain nombre d'outils intellectuels ou moyens desquels une connaissance plus affinée et donc plus objective de la vie mentale devient possible. Le concept d'inconscient est l'outil central de la psychanalyse . Il est le concept grâce auquel une explication cohérente de certains phénomènes mentaux devient possible. Sans ce concept, il serait, en effet, impossible d'expliquer de façon satisfaisante les causes réelles de certains troubles du comportement ou bien la logique complexe des actes manqués ou celle des rêves ou encore le phénomène de la folie. L'hypothèse de l'inconscient fournit donc un grain de sens et de cohérence que l'homme peut avoir sur lui-même, autrement dit , cette hypothèse rend possible un progrès significatif du savoir sur notre être. En son versant pratique, la psychanalyse fonde une médecine – la psychiatrie- dont les finalités supérieures sont, d;une part, de corriger les troubles de l'inconscient chez l'homme sain et, d'autre part, de traiter les pathologies mentales. Ces finalités visent donc un accroissement du champ des interventions pratiques de l'homme sur lui-même. Ainsi donc, la psychanalyse en rendant possible d'une part, un gain de sens et d'autre part, un gain de possibilité a contribué à étendre le champ des possibilités cognitives et pratiques de l'homme, autrement dit, sa liberté.

Donc, l'hypothèse de l'inconscient, si elle est incompatible avec une certaine approche de la liberté, ne nie pas pour autant toute conception de la liberté. Plus précisément, la psychanalyse n’apporte pas non plus à l'homme la certitude d'une liberté au sens classique du terme, mais celle d'une libération. Le terme de libération signifie l'acte ou le processus par lequel l'homme se défait de ce qui est jusqu'alors entravait son autonomie, faisait obstacle à sa capacité d'être ou d'agir alors que le concept classique de liberté désigne, lui, un état de souveraineté présent dès la naissance. Ce que la psychanalyse rejette c'est cette idée abstraite et, selon elle fortement illusoire, d'une souveraineté innée en l'homme, idée que le rationalisme plaçait au centre de ses convictions. Ce qu'en revanche la psychanalyse proclame c'est l'idée d'une connaissance et d'une maîtrise possible de l'homme par lui-même, mais au moyen des techniques d'interprétation et d'intervention médicales qu'elle propose. L'hypothèse de l'inconscient et la théorie qui sous-entend cette hypothèse – de nos jours, le freudisme- représentent l'une et l'autre un progrès pour les sciences et donc, pour l'homme. Loin de nier l'idée que l'homme puisse accéder à la liberté, cette hypothèse et cette théorie affirment, au contraire, la possibilité d'un tel accès. Les finalités supérieures de la psychanalyse sont là, dans l'espoir de contribuer à ce que l'homme se connaisse mieux encore, intervienne plus efficacement sur sa propre personnalité mentale, soit capable d'atténuer les troubles psychiques qui peuvent le concerner, et puisse, en conséquence, mieux vivre. Tous ces objectifs se confondent avec l'idéal d'une liberté à conquérir.

Conclusion

Comme toute grande découverte l'hypothèse de l'inconscient a eu pour effet de faire s'effondre certaines idées, certains dogmes. Mais toute grande découverte reconstruit, sur les ruines de celle détruite, un édifice nouveau. La destruction de la conception classique de la liberté a été menée par la psychanalyse afin que s'érige une approche nouvelle de la souveraineté de l'homme. L'hypothèse de l'inconscient et de la psychanalyse ont réfuté une certaine conception de la liberté pour mieux en affirmer une autre, plus ajustée à ce qu'est l'homme dans sa réalité.