Peut-on connaître autrui ?

Plan détaillé en 3 parties, avec introduction et conclusion rédigées. Fait par l'élève.

Dernière mise à jour : 25/08/2021 • Proposé par: claire.de (élève)

La connaissance de soi étant difficile et inachevable, il peut sembler évident de répondre « non » à la question : « peut-on connaître autrui ? », car connaître un être que je ne suis pas et qui est hors de moi paraît relever du miracle. Mais peut aussi soutenir le contraire : c’est parce qu’autrui est hors de moi, qu’il se tient en face de moi, que je peux avoir la distance nécessaire à la connaissance.

Pourquoi donc cette question, qu'est-ce qui la motive ? Simplement que la relation que nous entretenons avec autrui peut nous sembler claire, mais qu'elle ne l'est pas en fait. Nous pouvons qualifier autrui de semblable, mais cette notion demeure confuse, car elle n’implique pas que ce semblable soit connaissable comme tel. En effet, le semblable réunit les caractéristiques opposées que sont le même et l'autre. Ce qui me « ressemble » est identique et non identique à la fois.

Or, à quelles conditions peut-on connaître un être ? Et si cet être est autrui ? La connaissance que je pourrais former d’autrui est-elle identique à la connaissance possible de tout objet ? Il semble que non, car autrui est posé comme autre sujet, et non comme objet ; comme semblable et non comme autre absolu.

I. On peut admettre qu’autrui est un semblable : il est aisé à connaître

a) La notion de semblable indique une identité : autrui est un homme.

b) L’idée de communauté, et notamment de communauté linguistique : nous nous comprenons ou pouvons nous comprendre. Une communication, un dialogue sont possibles.

c) La morale admet que l’autre est sujet : le semblable est l’objet de la morale, par laquelle, reconnaissant en autrui une dignité, une sensibilité et une liberté, je le pose comme semblable, être appartenant à une même communauté morale. Je peux le connaître car nous partageons cette « semblance » dans une même communauté.

II. Mais cette « semblance » est formelle : en réalité, autrui est dissemblable, différent

a) La notion d’autrui comme autre sujet est contradictoire : il est autre donc dissemblable, ou il est moi-même, ego. Je le reconnais comme homme, ce qui est formel, mais comme différent.

b) La compréhensibilité réciproque est très limitée (diversité socioculturelle irréductible).

c) L’idée d’humanité est une abstraction : on ne rencontre qu’une diversité humaine. Donc, rien ne permet concrètement d’affirmer qu’on peut le connaître, car il est bien plus dissemblable que semblable, et cette extrême diversité fait obstacle à tout projet de connaissance d’autrui.

III. Synthèse

a) L’ambiguïté de l’alter ego est liée à la définition fermée du moi comme identité à soi. L’homme se saisit de façon multiple : individu, genre, sujet moral (où s’estompent les différences particulières).

b) La notion de sujet moral (Kant) et le retour à l’idée de « sentiment originaire de coexistence » (Husserl). Donc je reconnais en autrui mon semblable par un ensemble de dissemblances, de différences, ce qui n’est pas contradictoire. Mais il est homme, tout comme moi, et je le pose spontanément comme tel dès que je l’aperçois. Ce qui implique que comme homme, je connais autrui. Or, c’est ici la connaissance d’une appartenance à un même genre.

c) Dès que je sors de cette semblance purement formelle (autrui est comme moi un homme), je suis renvoyé à l’abîme de son intériorité : je ne sais ce qu’il sent, ce qu’il pense exactement, ce qu’il vit. Le dialogue est toujours fragmentaire : il est approximatif.

Conclusion

Autrui, dans la généralité de sa notion, est semblable.. La ressemblance est liée à des déterminations extérieures, évidemment toujours différentes d’un individu à l’autre, tandis que la semblance, en visant l’ordre moral, dépasse les individualités et les résout dans l’idée d’humanité, qui est l’idéal moral même.
On peut dire en définitive qu’on peut reconnaître autrui comme un semblable, à savoir qu’on peut le poser comme tel. Mais cette reconnaissance n’est pas du tout une connaissance.

Connaître autrui impliquerait qu’on ressente ce qu’il ressent, qu’on sache ce qu’il pense, bref, qu’on fasse une expérience interne de sa propre subjectivité, ce qui est impossible. On ne peut tout au plus que deviner, faire des hypothèses qui ne livrent que des probabilités.

Aussi ne peut-on jamais dire que l’on connaît autrui, mais plutôt, comme par exemple lorsque l’on devine sa tristesse par des signes que son visage manifestent, que l’on se reconnaît en lui, c’est-à-dire que l’on associe un sentiment intime et privé, la tristesse, à des signes visibles qu’on a déjà eus soi-même. La seule connaissance possible est donc tout au plus qu’une connaissance par analogie, ou connaissance probable.