Est-il raisonnable de critiquer le progrès technique ?

Dissertation intégrale de terminale ES ayant obtenue un 15/20.

Dernière mise à jour : 15/09/2021 • Proposé par: macy48 (élève)

De nos jours, alors qu’apparaissent un grand nombre de contestations tant économiques, sociales que politiques, si un domaine apparaît considérablement incontestable, c’est bien celui du progrès technique. Il suffit d’être rationnel et de se pencher sur le passé pour s’en convaincre; en effet comment pouvons nous remettre en cause le progrès technique alors qu’il n’y a pas si longtemps de cela, le moindre message prenait des semaines et plus à être amené d’un point à un autre en diligence. Aujourd’hui, il suffit d’une enveloppe et de quelques jours, ou d’un « clic » et de quelques secondes pour pouvoir communiquer avec le monde entier; à se demander même comment nous faisions avant ? Eloge ou critique de la technique ? La technique désignant l'ensemble des savoir-faire autant que des « instruments » mis à notre disposition pour un meilleur confort matériel, est-elle effectivement un élément bénéfique et essentiel à nos vies ou alors nous faut-il prendre nos distances et juger de façon plus critique ce rapport technique que nous avons au monde? Ainsi, existe-t-il quelque motif légitime pour critiquer le progrès technique, le désapprouver?
Une critique du progrès technique s’avère-t-elle raisonnable et nécessaire dans quelconque intérêt ?

D’après Bergson et Aristote, « la technique est révélatrice d’une intelligence spécifiquement humaine. Son progrès souligne la complexification de cette intelligence ; la condamner reviendrait à ravaler l’Homme au rang de la Bête ».
Ces derniers siècles, les progrès techniques ne cessent de s’enchaîner, et ce, dès la révolution industrielle de 1850 avec l’invention de la machine à vapeur, puis l’utilisation de nouvelles énergies, l’apparition de l’automobile, de l’aviation, la conquête de l’espace, la mise au point de nouvelles organisations du travail telles que le Taylorisme, le Fordisme, le Toyotisme…Puis, plus récemment, est apparu l’électronique, l’électroménager,… Enfin l’invention des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication étant considérée comme la dernière révolution industrielle renouvelle les systèmes de communication engendrant un gain immense de temps, de confort et d’argent. Ainsi, ces gains de productivité pour les entreprises favorisent la croissance, et, en ce qui concerne les ménages, ces gains se font au bénéfices de bien être ou de temps libres que l’on peut destiner à des loisirs ou encore à la pensée telle qu’un retour sur sois même, une remise en question…Dès lors, le progrès technique libérant du temps, permet de s’ouvrir à la réflexion, ce qui est difficile lorsque l’essentiel de nos journées est destiné au travail professionnel et aux tâches ménagères.
Un des progrès le plus fondamental, axé principalement sur ce dernier siècle, est la médecine. En effet, l’apparition de nouveaux matériels de détection de dysfonctionnements de l’organisme tels que la radiographie, l’écographie ,le scanner, les analyses sanguines ou d’urine…ont permit la détection d’un grand nombre de maladies et ont pu ainsi être traitées grâce à l’apparition de nouveaux traitement tels que par exemple les rayons, la chimiothérapie, la tri thérapie, ou plus couramment, les antibiotiques.
Une anticipation positive du progrès technique s’est révélée avant même que celui-ci fasse ses preuves; en effet « Face au tremblement de terre qui dévasta Lisbonne en 1755 et fit plusieurs milliers de morts, la réaction des philosophes fut quasiment unanime: grâce aux futurs progrès des sciences et des techniques une telle catastrophe pourrait, à l’avenir, être évitée. La géologie, les mathématiques et la physique permettraient de prévoir et, par conséquent, de prévenir les malheurs que l’absurde nature inflige si cruellement aux être humains » (Ferry Luc). Ici, les philosophes dont il est question voient la nature comme cruelle , détruisant l’Homme qui possède comme seul bouclier une marge de progrès scientifiques et techniques dont il doit se servir afin de lutter contre le destin que lui impose la nature. Descartes également dans Discours de la méthode, a écrit « Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique […] elles m’ont fait voir qu’il était possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ». Ainsi, Descartes a rapidement analysé la physique comme origine du progrès technique, et progrès technique comme utile, voir peut être indispensable à la vie humaine. Cela, peut être car l’Homme est rationnel, et que le progrès technique et un élément rationnel dès lors qu’il participe au bien être tant de l’Homme que de l’économie.
De nos jours, maintenant que le progrès technique est ancré dans notre ère, on pourrait certes y renoncer pour retrouver les techniques ancestrale, cela aurait certainement un intérêt historique tels que l’exotisme d’un dépaysement mais en revanche, l’économie n’y trouverait que des inconvénients; celle-ci connaîtrait une sérieuse dépression, et ce serait un réel retour en arrière pour la médecine.

Le progrès technique paraît comme une évolution rationnelle, le critiquer semble difficilement raisonnable. C’est d’abord l’opinion générale première, mais c’est également la pensée de philosophes tels que Descartes, Ferry Luc, Bergson ou Aristote. Que ce soit sur le plan économique, médical, ou du simple bien être quotidien, le progrès technique apparaît comme une source positive toute en elle. Cependant, d’après Ferry Luc « Aujourd’hui, la situation semble s’être inversée, au point que le plus souvent, c’est la nature qui nous paraît admirable et la science maléfique ». Le progrès technique connaîtrait-il donc des limites qui lui devraient une remise en question ?

« Le développement accéléré et envahissant de la technique dans le monde moderne oblige à repenser les rapports que l’Homme entretient avec elle: primitivement instrument de l’Homme, la technique semble en effet en passe de faire de l’Homme son instrument » ( Heidegger, La question de la technique).
D’après Heidegger, l’Homme ne maîtriserait plus le progrès technique, il en serait comme dépendant; ne pouvant plus se passer de la technique acquise, ni d’en créer encore pour subvenir à ses besoins. Alors que Hans Jonas a dit «  Agis de telle façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour les possibilités de la vie », l’Homme serait alors incapable de lutter contre le progrès technique. Ainsi, jusqu’où pourrait aller l’Homme? Serait-il capable de détruire « les possibilités de la vie » ? La puissance technique de l’Homme lui permettrait elle de détruire son prochain, c’est à dire, les générations futures ?
À la suite de l’explosion démographique des pays développés à partir du XIXe siècle, puis surtout des pays en développement dans la seconde moitié du XXe siècle, et de la forte croissance économique qui s'est produite à partir de la révolution industrielle, l’environnement a été profondément modifié. L'homme consomme des ressources naturelles non renouvelables notamment pour alimenter son industrie qui demande d’immenses ressources, mais il génère également de la pollution, qui a des impacts dans certaines régions mais qui a aussi une influence non négligeable sur le climat général. En effet, notre société connaît aujourd’hui des problèmes de réchauffements climatiques dus à une concentration de gaz à effet de serre dans la couche d’ozone; cela à cause de la pollution. La majorité de la population mondiale vivant aujourd'hui dans des pays en voie de développement, leur accession aux modes de consommation des pays riches ne peut qu'entraîner une dégradation massive de l'environnement, cette dégradation sera tellement importante et irréversible que même s'ils décidaient de protéger leur environnement, ils ne pourraient plus revenir en arrière. Ainsi, le progrès technique et la recherche de l'abondance entraîne la détérioration du milieu naturel au risque de notre perte.
De plus, si l’on persévère dans une logique de puissance technique, le progrès ne sera pas partagé et les inégalités se creuseront toujours d'avantages entre les puissances et les pays les moins développés. Cela car la recherche destinée au progrès technique coûte cher et que seul les pays riches peuvent se le permettre, mais aussi, en profiter pour exploiter les pays les moins développés en délocalisant pour obtenir une main d’œuvre moins cher par exemple.
Enfin, les guerres, à cause du progrès technique provoquent des massacres inimaginables. Cela avec l’invention de l’arme nucléaire qui permet de détruire une superficie et une population immense en quelques instants. Dans le passé, la science était associée au bien être, de nos jours, elle peut aussi être destinée à la destruction. Ainsi le progrès technique est lui même associé à la guerre, à l’élimination, à l’idée de mort; il peut alors être un danger pour l’Homme. Cette même idée de danger pour l’Homme à travers le progrès technique se retrouve dans la médecine. En effet, depuis peu, certaines manipulations génétiques telles que le clonage sont apparues. Si ces clonages se développés dans l’optique de reproduire un idéal, une partie de l’être humain disparaîtrait alors; chacun serait doté des mêmes caractéristiques et ne se distinguerait que par son nom. De plus, le clonage pourrait également mener à une uniformisation des « races », ainsi chacune chercherait à être la race conservée, la race « idéalisée ». Ce principe engendrerait très certainement des conflits.

Le progrès technique connaît ici des limites, tant par ses conséquences sur l’environnement que par son utilisation à des fins dangereuses pour l’Homme. L’Homme, de nos jours, soumis et dépendant au progrès technique se risque à sa fin s’il persévère dans sa « création destructrice ».


Est-il donc raisonnable de critiquer le progrès technique ? Oui et non, « nous pouvons dire « oui » à l’emploi indispensable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire « non » , en ce sens ou nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de nous fausser, brouiller, et finalement de vider notre être » (Heidegger, La Question de la technique). Ainsi, il paraît rationnel d’utiliser le progrès technique dès lors qu’il apporte bien être et satisfaction, mais il faut cependant s’en méfier et en faire bon usage afin de ne pas s’y soumettre au détriment de ses effets destructeurs. La réflexion porte alors sur la légitimité de son utilisation.