Une vie heureuse est-elle une vie de plaisir ?

Annale bac 2010, Séries Technologiques - France métropolitaine

Corrigé complet de l'élève.

Dernière mise à jour : 16/03/2021 • Proposé par: nonod (élève)

Beaucoup de gens pensent qu'une succession de plaisirs suffira à leur bonheur. Mais est ce vrai ? Certains plaisirs ne s'avèrent-ils pas néfastes ou superficiels car ils font perdre des choses essentielles comme ici la liberté ? Certains ne sont que temporaires, alors que le bonheur serait plutôt un état général, un statut qui ne change presque pas. Il faut donc voir si le plaisir permet d'être vraiment heureux. Nous verrons d'abord le rapport plaisir-bonheur, pour voir ensuite si les plaisirs sont vraiment la source du bonheur. nous verrons ensuite si quelque chose permet d'être heureux, autre que le plaisir.

Une vie heureuse est celle où nos désirs sont satisfaits. La satisfaction d'un désir est évidemment un plaisir. Le terme de succession est pertinent car tous les désirs ne peuvent être satisfaits en même temps, une hiérarchie est crée. Ils n'arrivent pas ensemble : c'est en fonction de sa maturité que nous avons tel ou tel désir. Aimer faire telle activité né par la pratique de l'activité en elle même. Plus on le fait, et plus on aime, bien entendu dans une certaine marge, sinon, nous sommes lassés.
Le bonheur est même dépendant du plaisir pour être conçu. Comme dit Épicure, le plaisir d'ordre physique constitue la première et la plus forte expérience de satisfaction dans notre vie. Ceci pourrait donc servir de base pour juger ce qui est satisfaisant, et donc pour juger ce qui apporte du bonheur.
Freud montre la même chose en employant l'exemple des pulsions sexuelles : la libido. Par exemple, dans le fantasme d'une vie sexuelle épanouie et libre, où nous réalisons tous ce que l'on veut. Les plaisir vécus et ceux que l'on souhaite voir se réaliser nous permettent d'avoir une idée du bonheur.
Maintenant, une vie maheureuse est bien une suite de déplaisirs, de déceptions, de souffrances de tous types.Quand Aristote affirme dans l'Éthique à Nicomaque, livre I, chap. 9, qu'un homme pauvre et endeuillé ne peut être heureux, il reprend aussi cette idée.
Ce qui suppose, conformément à l'étymologie du terme bon-heur ou mal-heur qu'il y ait une part de chance (heur veut dire chance) dans la vie heureuse. Quelqu'un qui accumule les éléments favorables semblera le plus heureux possible : c'est comme au jeu du loto, le hasard fait tout. La succession des évènements fait le bonheur ou le malheur.
En même temps, un homme en situation apparemment heureuse peut avoir connu des périodes de souffrances pour obtenir cela, et il ne l'a pas obtenu par chance uniquement. Le bonheur ne consiste donc pas uniquement à accumuler les plaisirs. Sinon à quoi ressemblerait-il ?
En raisonnant par l'absurde, on voit qu'en additionnant les plaisirs, ce n'est pas n'importe quel type de vie que l'on choisit, si on le fait délibérément. S'il s'agit d'accumuler les plaisirs, sans limite ni arrêt, la vie de débauche est en effet la meilleure possible. Celle où l'on essaie tous les plaisirs, même artificiels, même nuisibles à la santé ou, pire encore, contraires à la morale la plus élémentaire. Une succession de plaisirs, cela peut être aussi ce que recherche le tueur en série psychopathe.

C'est ce qu'explique Aristote en faisant la différence entre le plaisir et le bien. Selon lui, personne ne choisirait de commettre des actes répugnants, même s'il devait en résulter du plaisir. Il y a donc une priorité autre que celle de la pure succession des plaisirs. Il faut chercher quel est le bien souverain, c'est-à-dire celui qui l'emporte en qualité, en excellence sur tous les autres et ce bien-là ne semble pas être le plaisir en lui-même. Ou alors, si le bonheur est le bien souverain, ce n'est pas uniquement par l'accumulation de plaisirs qu'il se définit.
On pourrait même accuser le plaisir de nous amener dans une voie contraire au bonheur. Des exemples sont célèbres : le goût immodéré d'Harpagon pour l'argent dans L'Avare de Molière, et bien d'autres, ne rendent pas ces personnages heureux, et pourtant ils usent du même principe d'aller au fond de tout ce qu'il peuvent utiliser.
De façon plus générale, tout objet dont la quantité est illimitée devient, ainsi que le remarque Épicure, un obstacle au bonheur, car le désir est insatiable. Cela crée un état passionnel où rien d'autre ne compte mais où ce qui est compté ne suffit pas.
S'en remettre aux plaisirs, c'est aussi prendre le risque, comme le résume Sénèque dans De la vie heureuse, de dépendre du cours des choses extérieures, puisqu'il faut que ce dernier nous soit toujours favorable. Souhaiter accumuler les signes extérieurs de réussite et de « bonheur » par exemple, fait dépendre de l'opinion des autres. Pour obtenir un bonheur réel, il faudrait au contraire développer la vertu, c'est-à-dire la maîtrise de ses inclinations et de ses jugements. Le sage cherche non pas le plaisir mais la vertu. Comme le dit Sénèque, « le vrai plaisir est le mépris des plaisirs ».
Il est question cependant de « vrai plaisir ». Peut-on en effet définir le bonheur sans faire référence au plaisir ? C'est paradoxal, voire impossible à mettre en œuvre, car n'est-ce pas toujours le plaisir que nous recherchons ? Dans ce cas, quel autre principe doit-on substituer à la succession ou à l'accumulation ?
La succession fait abstraction des ambiguïtés du désir. Ce dernier manifeste d'abord un manque. Il est voué à disparaître dès qu'il est satisfait. Mais si on accumule indéfiniment les plaisirs, c'est parce que la satisfaction d'un désir n'est pas suffisante. Donc le simple fait qu'il y ait succession de plaisirs montre qu'il n'y aura jamais bonheur.
C'est toute la vision pessimiste de Schopenhauer, pour qui une vie vouée à la recherche permanente de plaisirs est vouée à « osciller entre l'ennui et la souffrance ».
La succession pure fait abstraction des qualités différentes de plaisir. La question du souverain bien montre qu'il existe au contraire différents types de plaisir, que les plaisirs diffèrent en qualité au point que l'on en sacrifie certains au profit d'autres, jugés plus importants, ou que l'on accepte des désagréments parfois très grands pour les obtenir. Ces plaisirs supérieurs seraient liés aux plaisirs de l'esprit par préférence à ceux du corps.
On va choisir certains plaisirs plus que d'autres, parce qu'ils permettent d'obtenir davantage de plaisirs, au bout du compte, ou un plaisir jugé supérieur en qualité. La théorie stoïcienne nous fait aussi comprendre que le bonheur peut être considéré comme illusoire ou fâcheux, s'il ne s'accompagne pas d'une liberté et dignité minimales. Inversement, on pourrait dire contre le stoïcisme qu'un bonheur sans aucun plaisir semble bien illusoire. Le bonheur dépend donc d'une maîtrise des plaisirs plus que de leur succession ou de leur réalisation.
Ce qui signifie qu'aucun plaisir n'est a priori à rejeter même s'il peut nous surprendre ou nous dépasser momentanément, tant que cela n'altère pas la maîtrise générale.

Une vie heureuse n'est pas une simple succession de plaisirs, dans la mesure où la qualité éthique des plaisirs n'est pas prise en compte dans cette perspective. Il est de plus impossible d'accumuler les plaisirs sans avoir à un moment un déplaisir. C'est donc davantage une organisation ou une hiérarchie des plaisirs qui constitue la vie heureuse. Et l'apparition de plaisir non voulu "agrémente" le bonheur. Mais une vie heureuse n'est-elle pas en soi impossible à définir objectivement de la même façon pour tous ?